Passés le choc et la déception, l'Italie s'est réveillée mardi résignée à l'idée que la Coupe du monde de football l'été prochain en Russie se jouera sans elle, pour la première fois depuis 60 ans. L'«apocalypse», «la honte» : la presse titrait à l'unisson sur l'immense déception d'une élimination et sur «le saut en arrière» de son équipe quadruple championne du monde, dont le dernier titre mondial remonte à seulement 11 ans. Le Corriere della Sera, principal tirage du pays, plante le décor : «Un Mondial sans l'Italie. Mais surtout une Italie sans Mondial. Adieu les nuits plus ou moins magiques, les groupes de spectateurs avec un morceau de pizza et une bière glacée, l'illusion de compter encore pour quelque chose, au moins dans le football». «C'est une sensation nouvelle, pas tant celle de la défaite, mais le fait de se sentir exclu. C'est quelque chose de différent, quelque chose que je n'avais jamais éprouvé jusqu'à présent», explique David, un Romain trentenaire. «C'est un jour triste. Et cela a été une tragédie d'un point de vue sportif, l'Italie ne peut pas se permettre de jouer deux matchs comme ceux-là», insiste Romolo, qui ne s'est pas remis du barrage contre la Suède. «La vérité, c'est que nous n'avons pas de renouvellement des footballeurs. Les joueurs hors du commun comme Baggio, Del Piero, Totti, il n'y en a plus», regrette Carlo. Des piliers historiques de la Squadra Azzurra, «Gigi» Buffon et ses 20 ans de sélection en tête, ont annoncé lundi soir leur retraite internationale, mais face au désastre, d'autres têtes vont tomber. Dans les rues, dans les médias et sur les réseaux sociaux, les critiques fusent en effet contre le sélectionneur Gian Piero Ventura, mais aussi contre le président de la fédération (FIGC), Carlo Tavecchio. La FIGC a, pour l'instant, annoncé une réunion mercredi à Rome pour «faire une analyse approfondie et décider des choix à venir». Sérieux manque à gagner Comme le rappelle La Repubblica, la défaite aura en effet «des répercussions négatives» pour le football italien et pour le pays, à une heure où la Serie A se porte paradoxalement plutôt bien, avec un championnat haletant et des résultats très honorables sur la scène européenne. Selon les estimations de la presse, la FIGC voit s'envoler environ 100 millions d'euros, entre les primes de participation au Mondial versées par la Fifa et le rabais que les 21 sponsors actuels de l'équipe vont imposer pour l'année prochaine ainsi que lors de la négociation des contrats pour les quatre années avant le Mondial-2022 au Qatar. Au-delà, la défaite représentera aussi un sérieux manque à gagner pour la Rai et Sky, les deux chaînes qui se partagent les matchs et devront dire adieu aux audiences moyennes de 17,7 millions de téléspectateurs lorsque l'Italie jouait lors du Mondial-2014. Lundi soir, les Italiens étaient près de 15 millions à suivre leur équipe. A contrario, le quotidien économique Il Sole 24 Ore rappelle que l'Italie devrait être épargnée par la baisse de productivité dénoncée par le patron de Fiat-Chrysler, Sergio Marchionne, qui évoquait l'absentéisme les jours de matchs et les gueules de bois les lendemains de victoire. Cependant, «pour moi, à l'échelle d'un pays, le foot peut vraiment être fédérateur, nous faire sentir qu'on est ensemble», explique Daniele Manusia, qui anime un site internet sur le sport. «En ce moment, l'Italie est un pays un peu désuni et cette situation pourrait malheureusement se développer». Alors que la précampagne électorale est déjà lancée avant des législatives qui s'annoncent très incertaines début 2018, la classe politique gardait le silence hier matin. A l'exception notable de Matteo Salvini, le chef de la Ligue du Nord, parti anti-euro et anti-immigration : «Il y a trop d'étrangers sur le terrain, depuis les plus jeunes jusqu'à la Serie A, et voilà le résultat. Arrêtez l'invasion et laissez plus d'espace aux jeunes Italiens, sur les terrains de foot aussi», a-t-il lancé sur Twitter.