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MENSONGES ET CALOMNIES D'UN TORTIONNAIRE DEVENU G�N�RAL DE L'ARM�E FRAN�AISE CONFESSION D'UN EX-PARACHUTISTE A ALGER (1955 A 1961)
Raymond Cloarec : �J�ai tu� 73 Alg�riens� III
Dans la troisi�me partie de l�entretien qu�il a accord� � notre confr�re, Raymond Cloarec, ex-parachutiste du 3e RPC-RPIMA (1955-1961), �voque avec force d�tails le diff�rend qui l�oppose au g�n�ral Maurice Schmitt, ex-chef d��tat-major des arm�es fran�aises, qui lui a demand� de lui signer un document selon lequel le 3e RPC a quitt� Alger le 4 septembre 1957. Pourquoi un faux t�moignage ? La lecture de l�entretien l�explique. L. S. : Qu�est-ce qui vous oppose au g�n�ral Maurice Schmitt ? R.C. : Durant 40 ans, je n�en avais aucun �cho. J�ignorais m�me qu�il �tait g�n�ral d�arm�e, je l�ai appris lors de la guerre du Golfe. Nous nous sommes perdus de vue depuis des ann�es. J��tais � la compagnie d�appui, la CA, avant lui. Un r�giment se compose de compagnies dont les soldats se rencontrent, se croisent. A Sidi Ferruch, nous mangions ensemble dans les mess, nous faisons tous ensemble du sport, nous sortions ensemble � Moretti, � Staoueli, donc forc�ment nous discutions de nos chefs. Les soldats parlaient en bien de lui, il �tait consid�r� comme un intellectuel, comme un professeur. On ne se cachait rien � propos des officiers. Nous savions tout ce qui se passait dans les compagnies. Quand on revenait de repos, on savait vite que telle compagnie avait r�cup�r� des armes dans une cache, le soir m�me on savait tous qu�il y avait eu un accrochage, qu�Untel de la 3e compagnie est mort, donc nous n�ignorions rien de la qualit� des officiers, nous connaissions les bons et les mauvais officiers, les officiers chasseurs de m�dailles. Il y en a qui vous aurez fait tuer rien que pour avoir une d�coration. Ceux qui ne couraient que pour les m�dailles �taient surnomm�s les fous. Schmitt courait pour les galons et c�est pour cela qu�il est devenu g�n�ral d�arm�e. C�est le seul d�ailleurs. Pour cela, Bigeard n��tait pas tr�s content, il aurait pr�f�r� que ce soit lui le g�n�ral d�arm�e. Schmitt �tait l��l�ve � Bigeard. L. S. : Vous n�avez pas r�pondu � ma question. Quelle est l�origine de votre conflit avec Schmitt ? R. C. : Je n�ai pas de conflit avec lui. L. S. : Il y a un proc�s qui oppose le g�n�ral Schmitt condamn� en premi�re instance � la militante Louiza Ighilahriz dans lequel vous avez �t� cit�... R.C. : Au d�but, j�ai d�fendu le g�n�ral Schmitt. C�est normal. Cela m�a choqu� qu�on reparle de la torture. Depuis 50 ans, personne n�en a parl�, puis, d�un seul coup, la torture �tait servie � toutes les sauces. Un soir j�ai vu le g�n�ral Schmitt sur la 3, il �tait accus� par Louiza Ighilahriz. L. S. : Excusez-moi, Louisette n�a jamais accus� Schmitt de quoi que ce soit. Ni dans son livre, ni dans ses propos. C�est lui qui l�a qualifi�e de menteuse et d�affabulatrice apr�s qu�elle eut publi� son livre. R.C. : J��tais surpris. Je me suis demand� en quoi consistait cette histoire ... L�esprit de corps a pris le dessus, il fallait le d�fendre. C�est un bon officier qui avait fait son travail. C�est � ce moment que j�ai d�cid� d��crire mes m�moires. J�en avais marre d�entendre n�importe quoi. Comme je disposais de mes cahiers-journal sur toute la p�riode que j�ai pass�e en Alg�rie, j�ai d�cid� d��crire mes m�moires. Je suis pour la v�rit�. Je connais des personnes qui ont fait 6 mois d�Alg�rie et elles ont �crit 3 volumes sur la guerre d�Alg�rie. O� ont-elles trouv� les documents ? C��taient des c... Quand Bigeard m�a affirm� qu�il corrigeait tout ce que j�envoyais aux archives de Vincennes, j�en �tais �bahi d�autant plus qu�il m�a affirm� que les trois quarts des �crits passaient � la poubelle. Des gens racontent la guerre d�Alg�rie alors qu�ils y sont rest�s 6 mois. Je n�ai jamais �crit de livre. Instinctivement, donc, j�ai d�cid� de d�fendre Schmitt. Imm�diatement, j�ai �crit � Alain Richard, le ministre de la D�fense. L. S. : Mais Schmitt �tait connu pour avoir �t� tortionnaire � Alger. Des t�moins rescap�s attestent formellement qu�il a dirig� des s�ances de tortures contre des suspects et des militants alg�riens. Comment pouviez- vous prendre sa d�fense ? R.C. : Au fond de moi-m�me, nous �tions tous des tortionnaires. Personnellement, je n�ai jamais vu un lieutenant, un capitaine, un commandant tourner la g�g�ne. Ceux qui tourn�rent la g�g�ne, c��taient nous. L. S. : Mais tout � l�heure vous disiez que ... R.C. : Non, c�est-�-dire les soldats, les sous-officiers. Nous recevions des ordres donn�s par les officiers. En tant que militaire, je pensais qu�il ne fallait pas que Schmitt soit accus� seul. Moi sous-officier je me devais d��tre solidaire avec. L. S. : Solidaire m�me dans le mensonge ? R.C. : Exactement. Je me devais d��tre solidaire. Moi, je plaide coupable, je suis coupable, nous sommes coupables. L. S. : Comment s�est op�r� chez vous le changement ? Au d�but, vous le d�fendiez et ensuite aujourd�hui vous d�cidez de tout d�baller... R.C. : C�est simple. Schmitt m�a demand� d�occulter le mois de septembre 1957. Je n��cris pas pour raconter des mensonges, dans mes cahiers-journal d�pos�s aux archives de Vincennes, j�ai �crit ma vie au jour le jour. J�ai �crit tout ce que je faisais, tous les d�tails de ma vie militaire que j�envoyais � ma m�re. Ma m�re voulait savoir ce qui se passait en Alg�rie parce qu�elle avait peur. J��crivais et j�envoyais tout, � ma m�re. Je ne voulais pas que Schmitt soit attaqu� seul, par esprit de corps je voulais que l�on soit solidaire. Mais manque de pot ! Dans ce milieu parachutiste, tout le monde ferme sa g... parce que les parachutistes ne veulent pas que leurs enfants sachent ce qu�ils ont fait, ils ne veulent pas que leurs petits-enfants sachent que le grand-p�re �tait parachutiste et qu�il tuait des personnes durant la guerre. Tous ne parlent pas. Ils font les muets : c�est exactement comme les collabos de 39-45. Ma tante a �t� emmen�e au camp de concentration de Dachaud � la suite d�une d�nonciation par un collabo qui jouait double jeu dans son r�seau. J�avais 9 ans lorsque je l�ai vue revenir d�un camp de concentration, elle pesait 32 kg. Tout ce qu�elle a subi c��tait par la faute d�un l�che qui s�est mis avec les Allemands. Je pr�f�re dire la v�rit� : � tous ceux qui n�ont pas voulu d�fendre le g�n�ral Schmitt pour ne pas �tre solidaires, je soutiens que ce sont des l�ches. Personnellement, je pr�f�re avouer de mon vivant ce que j�ai v�cu, je l�ai �crit, je l�ai certifi� conforme. Ce n��tait pas pour faire du fric, comme l�a fait le g�n�ral Schmitt en �crivant un livre. (Il s�agit de Alger-Et� 1957. Une victoire contre le terrorisme, ndlr) dans lequel il a racont� ce qu�il a voulu. Mais j�ai cess� de le d�fendre lorsqu�il m�a demand� de certifier que ce que lui avait �crit �tait la v�rit� et ce que moi j�ai �crit �tait faux en ce qui concerne le mois de septembre 1957. A partir de cette demande, je me suis d�solidaris� du g�n�ral Schmitt. L. S. : Vous avez m�me envoy� au minist�re de la D�fense une deuxi�me lettre de soutien au g�n�ral Schmitt... R.C. : A ma premi�re lettre, le minist�re de la D�fense n�a pas r�pondu. Apr�s la condamnation du g�n�ral Schmitt, j�ai �crit une deuxi�me lettre � Mich�le Alliot- Marie, nouveau ministre de la D�fense, qui ne m�a pas r�pondu aussi. A ce moment, j�ai dit au g�n�ral Schmitt que j�ai tout fait pour l�aider. Alors, il m�a demand� de modifier ce que j�ai �crit et d�j� d�pos� aux archives de Vincennes. L. S. : C�est-�-dire ... R.C. : Il m�a demand� de modifier ce que j�ai �crit � propos de septembre 1957. L. S. : Comment le g�n�ral Schmitt a-t-il pu lire vos �crits ? (Eclats de rire). R. C. : Schmitt a tous les pouvoirs, il a �norm�ment de pouvoirs. A l�heure actuelle, Schmitt a �norm�ment de pouvoir. C�est un g�n�ral d�arm�e, chef d��tat-major des arm�es, il a le droit de mettre son nez partout. Mes archives, il les a lues. Il voulait que je dise que je m��tais tromp� en �crivant mes archives et mon cahier-journal. En v�rit�, ce que j�ai �crit � propos de septembre 1957 n�arrangeait pas ses affaires. Notre r�giment avait quitt� Alger le 22 octobre 1957, Schmitt voulait que j��crive que nous avions quitt� Alger le 4 septembre 1957. Je lui ai r�pondu en lui disant : �Mon g�n�ral, tout g�n�ral que vous �tes, vous pouvez me couper le cou je ne changerai pas une virgule � ce que j�ai �crit. L. S. : Pourquoi le g�n�ral Schmitt vous a-t-il demand� cela ? R.C. : Cela ne me regarde pas. L. S. : D�accord, mais pourquoi cette demande ? R.C. : C�est son probl�me, ce n�est pas le mien. L. S. : Mais pourquoi vous a-til demand� de faire une fausse d�claration ? R.C. : Il est attaqu� par Louizette Ighilahriz qui est toujours vivante. Schmitt veut la faire passer pour une menteuse. Moi, j�affirme et je prouve que ce n�est pas une menteuse. Louizette Ighilahriz... L. S. : C�est plut�t Louiza et non Louisette. R.C. : C�est par habitude que je la nomme Louisette. Elle servait la mitrailleuse avec laquelle Sa�d Bakel nous tirait dessus. Sa�d Bakel a �t� abattu par la 2e compagnie de l�gionnaires. Avec Bakel, il y avait donc Louizette et sept autres personnes. Dans la cache, Louizette servait la bande de la mitrailleuse, elle alimentait la mitrailleuse. A ce moment-l�, Sa�d Bakel a �t� abattu, Louizette a �t� gri�vement bless�e. Tout son c�t� droit qui est paralys�. Pourquoi n�a-t-telle pas �t� tu�e ? Nous avons vite remarqu� que c��tait une femme, gr�ce � ses longs cheveux. Sinon elle aurait �t� achev�e sur place. Ceci est la version du l�gionnaire qui �tait en train de tirer. C��tait le 28 septembre 1957 aux environs de Chebli. Schmitt contredit cela, il ne veut pas reconna�tre et admettre que nous �tions l� ce jour-l�. Il veut que j�affirme que nous avions quitt� l�Alg�rois � partir du 4 septembre 1957 alors qu�en r�alit� nous l�avions quitt� le 22 octobre. Cela signifie que nous �tions op�rationnels le 28 septembre 1957. Schmitt veut occulter cette date. J�ai soutenu le g�n�ral Schmitt jusqu�au jour o� il m�a demand� de signer pour lui un document dans lequel je devais attester que nous avions quitt� Alger et l�Alg�rois � partir du 4 septembre 1957. Il n�est pas question pour moi de signer un tel document car je l�affirme haut et fort que nous avions quitt� Alger le 22 octobre 1957. Preuves � l�appui et certificats militaires � l�appui. Je ne veux pas changer une virgule � mes �crits d�pos�s aux archives de Vincennes. J�ai fait ces �crits pour les historiens, pour l�Histoire. J�ai �crit et rapport� des faits d�histoire, des faits que j�ai v�cus physiquement. Les raisons, les motifs de Schmitt ne m�int�ressent pas, ne me regardent pas. Il ne peut pas me faire changer un mot � mes �crits. Ce n�est pas � moi qu�on fait un proc�s, c�est � lui. L. S. : Quelle a �t� sa d�marche � votre �gard apr�s votre refus ? R. C. : Schmitt ne m�a plus rappel�. Je lui ai �crit pour lui faire savoir que s�il continue � me pers�cuter pour faire de fausses d�clarations, j��tais dispos� � faire sortir mes sept cahiers � spirale que je conserve dans un coffre, pas chez moi. Je lui ai pr�cis� que si on continue � m�... je les sortirai et alors l�opinion publique en saura beaucoup plus... Bigeard lui a aussi demand� de se taire et de ne plus m�... L. S. : Ensuite vous avez fait un t�moignage �crit � la justice ... R.C. : J�ai �crit au ministre de la D�fense. (Il me remet une photocopie de la lettre. Voir annexes), pour lui faire part que Schmitt exigeait de moi un faux t�moignage. J�ai aussi �crit au service des archives de Vincennes pour int�grer cette lettre dans mon fonds. Non, je n�ai pas �crit � la justice. Cependant mes �crits aux archives de Vincennes ont �t� cit�s devant la justice. L. S. : Quel commentaire faites-vous � propos de Schmitt lorsqu�il �tait � Alger pendant la guerre d�Alg�rie ? Comment agissait-il ? R.C. : C��tait un formidable officier. Un intellectuel parachutiste. On ne savait pas trop ce qu�il pensait, son regard �tait ferm�. C��tait un officier r�fl�chi. R.C. : On dit que c�est un calculateur ... L. S. : Peut-�tre. A ma connaissance, c�est le seul lieutenant qui est devenu g�n�ral d�arm�e, qui a r�ussi � avoir cinq �toiles, et qui est devenu chef d��tat-major des arm�es. C��tait peut-�tre un calculateur qui est devenu le plus haut g�n�ral de France. L. S. : Selon plusieurs t�moignages de rescap�s, Schmitt �tait un officier tortionnaire qui ordonnait les tortures � l��cole Sarrouy notamment. R.C. : Oui. Il faut toujours se m�fier. L�habit ne fait pas le moine. Souvent, on croit que certaines personnes sont des saints mais en v�rit�, ce sont des brutes. Devant vous, ils donnent une image idyllique mais derri�re vous, ce sont des monstres. Prenez le cas des violeurs : on les prendrait pour des anges dans la rue. L. S. : Que voulez-vous dire ? R. C. : Schmitt avait peut-�tre deux visages. Le visage de l�intellectuel, de l�officier parfait, et un autre visage, celui d�une b�te humaine. L. S. : Avez-vous servi � l��cole Sarrouy ? (l�ex-�cole Sarrouy �tait le si�ge de la compagnie d�appui o� �taient ex�cut�es toutes formes de tortures ndlr). R. C. : Oui. Mais juste dans le hall pour prendre des cadavres. L. S. : Les cadavres de qui ? R. C. : Des personnes mortes sous la torture. Il fallait les faire dispara�tre. Surtout durant la Bataille d�Alger pendant que j��tais dans la police militaire. L. S. : O� preniez-vous ces cadavres ? R. C. : Je les jetais dans des endroits en dehors de la ville. Soit dans un ravin, soit, lorsqu�il s�agissait d�un ou de deux cadavres, en plein centre d�Alger en tirant sur eux une rafale pour faire croire qu�ils venaient de se sauver... C��tait courant. L. S. : Combien de cadavres avez-vous pris ? R. C. : Je ne m�en rappelle plus. Une dizaine, pas plus. L. S. : Etiez-vous le seul � agir ainsi ? R. C. : Non. Ce n��tait pas mon travail. C��tait par hasard, lors d�un passage � l��cole. Il se trouvait quelqu�un pour nous dire : �Eh, les gars de la Jeep. Prenez les cadavres et faites-les dispara�tre�. C��tait toujours de cette fa�on, par hasard. Ce n��tait pas une mission pr�cise. Il arrivait � d�autres de le faire. N�importe qui pouvait le faire... C�est pour cela que mes ex-coll�gues me reprochent de dire cela. Ils ferment tous leurs g..., je dis non. Nous sommes tous coupables. Je plaide coupable, coupable d�avoir fait cela, coupable d�avoir tu� un homme m�me s�il portait une arme. Pour qui l�avons-nous fait ? Pourquoi ? Pour rien. Pendant cinq ans, on me disait qu�il fallait d�fendre le territoire fran�ais mais apr�s avoir tant tu�, on m�a dit qu�il fallait tout abandonner. Alors � quoi tout cela a servi ? Imm�diatement j�ai quitt� l�arm�e. J�ai d�missionn�... Il y avait trois issues : int�grer l�OAS, d�serter ou d�missionn�. Le 8 f�vrier 1961, j�ai d�missionn�. J�ai �t� transform� en assassin ; durant cinq ans on m�a fait croire que je d�fendais une cause fran�aise puis on m�a dit : �C�est fini, on s�en va�. C�est cela la politique. La politique ! Moi je dis �vive de Gaulle�, et en plus je fais partie du Comit� national du souvenir du g�n�ral de Gaule. Pour moi, de Gaulle ce n�est pas l�ind�pendance de l�Alg�rie, mais c�est la lib�ration de la France, c�est l�appel du 18 juin 1940. Il a sauv� la France et il a eu raison de donner l�ind�pendance � l�Alg�rie. Cinquante ans apr�s, on s�aper�oit que c�est ce qu�il fallait toujours faire. De Gaulle �tait un visionnaire, il a tr�s bien fait. L. S. : Vous dites que de Gaulle a donn� l�ind�pendance. Elle a �t� plut�t arrach�e par les Alg�riens. Non ? R. C. : C�est exact. Nous avons perdu politiquement la guerre. L. S. : Qu�est-ce que cela vous fait, vous militaires de l�Arm�e fran�aise, avec votre armement, vos avions, vos troupes que des fellagas comme vous les appeliez.. R. C. : Je ne les ai jamais appel�s fellagas ou bougnoules. J�ai toujours dit que c��taient des r�sistants. Je les comparais m�me aux r�sistants fran�ais qui ont combattu d�s l�appel de De Gaulle du 18 juin 1940. L. S. : Mais qu�est-ce que cela vous fait que l�arm�e fran�aise avec l�Otan, avec son armement... R. C. : ...contre des fusils de chasse et des armes d�su�tes. L. S. : Qui ont r�ussi � vous mettre dehors ? R. C. : C�est la guerre subversive. A l�heure actuelle, l�aviation et les chars ne peuvent rien face � la guerre subversive. La gu�rilla a vaincu. L. S. : Dans son livre Schmitt pr�tend qu�il a �t� tr�s rus� pour casser la r�sistance � Alger, pour annihiler la Zone autonome d�Alger... R. C. : Schmitt n�a rien cass�... On en a tu� un, il y avait derri�re 10 autres qui prenaient la rel�ve... lorsqu�une nation se met en r�volte, m�me les armes les plus sophistiqu�es n�y peuvent rien. Nous avions 400 000 hommes, des h�licopt�res, des avions, des T6 ; nous avions tout contre de simples fusils de chasse... ce sont qui ont gagn�. L. S. : Avez-vous assist� � des s�ances de tortures ? R. C. : Bien s�r... L. S. : Comment cela se passait- il ? R. C. : Que voulez-vous que je dise ?... : (Cloarec est tr�s g�n�) L. S. : Etait-ce � Alger ou � l�int�rieur du pays ? R. C. : Surtout dans les villages m�mes. L. S. : Comment proc�diez-vous ? R. C. : Dans les villas, les tortures se faisaient par la baignoire, l�eau, l��lectricit�. Dans les villages, c��tait surtout la g�g�ne. Quoi vous dire ? C�est �crit dans les livres. Quoi vous dire ? Par exemple, le plus fr�quent pour faire parler quelqu�un, on lui mettait la t�te dans l�eau. Une fois, deux fois, dix fois jusqu�� ce qu�il parle. Cela pouvait �tre Schmitt qui donnait les ordres... Pour la g�g�ne, on pla�ait les fils sur les oreilles, sur les parties g�nitales et on y allait... L. S. : Et lorsque le supplici� r�sistait ? R. C. : Chapeau. Il y en avait qui pr�f�raient mourir que de parler. Allez faire parler Louizette Ighilahriz ! Elle n�a jamais parl�. Bien d�autres sont morts sans parler. Chapeau. C�est pire que ce qui est arriv� � nos r�sistants aux mains de la Gestapo. Jean Moulin est mort sans jamais parler sinon il aurait vendu tous nos maquis. En Alg�rie, il y avait les m�mes r�sistants. L. S. : Dans votre cahier-journal, vous �crivez que vous avez connu Larbi Ben-M�hidi. Dans quelles circonstances ? R. C. : Oui, durant 3 ou 4 jours lorsque je l�ai gard�. J�ai eu le sentiment qu�il se sentait lib�r� d�avoir �t� arr�t�, il �tait conscient et confiant que la victoire �tait proche. Il m�a surpris par son calme. Je lui ai demand� son sentiment d��tre arr�t�. Il m�a expliqu� que c��tait son destin, qu�il estimait sa mission termin�e... Il avait l�allure, le comportement d�un grand chef. L. S. : Etiez-vous pr�sent lorsque Bigeard avait demand� que vous lui rendiez les honneurs ? R. C. : Oui. Avant de l�embarquer dans le camion, Bigeard avait demand� qu�un peloton lui rende les honneurs. L. S. : C��tait � quelle heure ? La pr�cision est fort utile. R. C. : Vers le soir... A vrai dire je ne me rappelle plus. Bigeard a voulu que nous lui pr�sentions les armes. A la demande d�Ausaresses, il est mont� dans le camion. Bigeard ne voulait pas le remettre, mais l�ordre venait de plus haut. Aussaresses qui appartenait aux DOP, sp�cialis�es dans les interrogatoires, l�a pendu dans une ferme. L. S. : Selon des observateurs, cette version d�Aussaresses n�est pas exacte... R. C. : Si. Si... d�s qu�il a �t� mis entre les mains d�Aussaresses, c��tait fini. Nous, nous, les perdions de vue. Nous �tions des unit�s combattantes et non des sp�cialistes du renseignement. L. S. : Apr�s l�ind�pendance, le transfert des cendres du d�funt Larbi Ben-M�hidi a permis de relever des impacts de balles... R. C. : C�est possible... Mais c�est Aussaresses qui l�a pendu. L. S. : Selon quel argument ? R. C. : C�est selon l�histoire. L. S. : Je ne suis pas certain que cela soit affirm� par l�histoire. C�est Aussaresses qui l�a affirm�. R. C. : En tant que militaires, c�est la version que nous avons eue... Souhaitons qu�un jour, il se trouve un homme qui ait assist� � la mort de Ben M�hidi et qu�il puisse parler comme je le fais aujourd�hui. Personnellement, je ne peux parler que de ce que j�ai vu. (A suivre)