La moudjahida a introduit un appel auprès de la cour de cassation. Pour Louisette Ighil Ahriz, la décision prononcée jeudi dernier par la cour d'appel de Paris en faveur du général Maurice Schmitt ne souffre d'aucune ambiguïté. La relaxe dont il a bénéficié est, selon, elle “profondément influencée par la loi du 23 février” dernier faisant l'apologie du colonialisme français en Afrique du nord. “C'est une décision politique”, martèle l'ancienne moudjahida, contactée hier à son domicile à Alger. La bataille juridique l'opposant au général Schmitt, chef d'état-major des armées de 1987 à 1991, remonte à mars 2002. Invitée d'une émission télévisée, “L'ennemi intime”, consacrée à la guerre d'Algérie, l'officier avait remis en doute le témoignage de Mme Louisette Ighil Ahriz sur la pratique de la torture par l'armée coloniale. Dans un livre intitulé Algérienne, elle relatait sa douloureuse expérience de la gégène. Elle révélait en substance avoir été torturée pendant trois mois en 1957 par le capitaine Graziani sous les ordres des généraux Massu et Bigeard. Ces graves accusations dont le quotidien Le Monde avait fait l'écho, sous la plume de Florence Baugé en 2000, avaient jeté un véritable pavé dans la mare. D'anciens parachutistes ont corroboré ses propos en confirmant la pratique de la torture, alors que d'autres, rattrapés par ce passé peu glorifiant, ont tenté de l'étouffer en criant au scandale. Le général Paul Aussaress, coordinateur des services de renseignements en 1957 auprès du général Massu, est le seul à être passé aux aveux. Sans remords, il avait même reconnu l'exécution de Larbi Ben M'hidi. En revanche, bien qu'un certain nombre de maquisards, à l'instar de Louisette Ighil Ahriz, aient reconnu sa participation à des séances de torture durant la Bataille d'Alger où il occupait le grade de lieutenant au sein du 3e Régiment des parachutistes coloniaux (RPC), le général Schmitt a persisté dans le mensonge. À ses yeux, le témoignage de sa principale accusatrice est “un tissu d'affabulations et de contrevérités”. C'est en tout cas le commentaire qu'il avait fait au réalisateur Patrick Rotmann. Aussitôt, Mme Louisette Ighil Ahriz a porté plainte pour diffamation appuyée par trois avocats, dont Pierre Mairat et Catherine Cohen du Mouvement contre le racisme et l'amitié entre les peuples (MRAP). Un premier procès, tenu en mars 2002, avait condamné le général Schmitt à verser un euro symbolique à la partie civile et à faire publier ses excuses dans trois journaux différents. Refusant de s'y astreindre, il a fait appel du verdict. L'arrêt de la cour attendu pour le 20 octobre dernier n'a été connu que jeudi. Il accorde à l'ancien para “le bénéfice de la bonne foi”. “Il est compréhensible que les acteurs de la guerre d'Algérie, de l'un et de l'autre camp, quel qu'ait été leur parcours personnel, s'expriment avec passion et virulence soit pour accuser ou défendre l'honneur des compagnons d'armes”, précise la décision. “M'accuser de proférer des contrevérités, c'est quoi sinon de l'insulte et de la diffamation”, s'insurge de son côté la plaignante. La cour d'appel qui a eu à traiter son affaire est à ses yeux “réactionnaire”. Pour autant, elle ne compte pas baisser les bras. Ses avocats ont déjà introduit un pourvoi auprès de la cour de cassation. “Cette affaire ne concerne pas que moi, mais tout le peuple algérien”, observe résolue l'ancienne poseuse de bombes. Le général Schmitt, elle le connaît personnellement. Elle se souvient l'avoir vu à Chebli un certain 28 septembre 1957, où elle a été extirpée d'une casemate avec ses frères et sœurs de la révolution. Elle était une “fellaga”. Elle l'est toujours d'ailleurs pour ces dizaines de correspondants anonymes qui ont écrit à ses avocats les fustigeant de défendre une “Fatma”. Samia Lokmane