Trouillards de tous pays (et de tout le pays), r�jouissez-vous ! En arabe : �abchirou�, dirait un personnage de l'insipide feuilleton du Ramadhan. Des scientifiques am�ricains viennent d'isoler le g�ne de la peur. D�sormais, une simple op�ration chirurgicale pourra vous d�barrasser de ce g�ne encombrant qui annihile le courage. Vous n'aurez plus peur de collectionner les bouchons de bouteille de li�ge pour l'usage de votre fils � l'�cole. Plus besoin de prendre cet air inspir� lorsque votre voisin barbu vous fait un sermon sur la nocivit� de la cravate (1). Vous oserez enfin lui dire franchement votre opinion sur la recette de ces petits pains ronds gonfl�s � l'h�lium qui font d�coller la courbe des b�n�fices. Un coup de scalpel et l'imam de votre quartier, qui voit des complots jud�o-chr�tiens partout, reprendra une dimension humaine. Il ne vous inspirera plus cette sainte terreur que vous n'�prouviez jadis que devant Dieu ou dans vos cauchemars d'enfant. Quand il vous mettra en garde contre les tentatives de vous �loigner de la religion de vos p�res, riez-lui au nez ! Il vous suffira de lui dire que ces gens-l� ne sont pas du genre � partager le bonheur. Inutile de continuer � l'�couter s'il veut vous convaincre que la victoire (2) sur les juifs et les chr�tiens est possible. Il vous dira que, selon une vieille recette juive, vous pourrez battre Isra�l quand vos mosqu�es seront pleines le matin et pour la pri�re du vendredi. Avec le bon sens que vous aurez acquis sur le billard, vous pourrez lui r�torquer que les juifs ne sont pas assez fous pour donner des armes � l'adversaire. Et comme ils attaquent toujours les premiers, au moment que nous n'avons pas choisi; qui peut certifier qu'ils n'attaqueront pas quand nous serons tous � l'int�rieur des mosqu�es? Imaginez toutes les perspectives qu'ouvre cette d�couverte scientifique majeure. Les opposants n'auront plus peur de mourir � l'�tranger ou en prison. Les �lecteurs ne seront pas forc�s d'exhiber le bulletin du �non� � la sortie de l'isoloir. Tout le monde reprendra son courage et son destin � deux mains, pour ne plus les l�cher. Et tout �a, gr�ce � qui? Aux Am�ricains, bien s�r. Ils ont un syst�me infaillible : chaque fois qu'un de leurs pr�sidents, exalt� ou incomp�tent, commet une erreur, des compatriotes sont l� pour r�parer. Aussi, n'avalez pas toutes les sornettes que vous entendez sur les Am�ricains. Certes, leurs strat�ges s'int�ressent aux richesses p�troli�res arabes. C'est pour �a que Bush a attaqu� l'Irak mais Bush, ce n'est pas l'Am�rique. Tous les Am�ricains ne croient pas que le p�trole est source de prosp�rit�. Ils se convaincraient du contraire rien qu'� nous regarder, du reste. Il y a une Am�rique accueillante et amicale qui attire tous les ans les d�tresses du monde, dont celles des Arabes et des musulmans. Elle nous rend ces derniers parfois meilleurs qu'ils n'�taient. En tout �tat de cause, on ne va pas aux Etats- Unis pour r�gresser mais pour apprendre. Voyez l'itin�raire du cin�aste disparu Mustapha Akkad. Il passait son temps � fustiger l'imp�rialisme US, � d�noncer son soutien � Isra�l mais c'est aux �States� qu'il a trouv� la notori�t� internationale. C'est aux Etats-Unis qu'il avait choisi de vivre et de travailler parce qu'il savait que ce n'�tait pas possible en Syrie ou dans un autre pays arabe. Il n'a pas �t� tu� dans une ruelle du Bronx mais dans un pays arabe o� le hasard l'avait men�. On s'est d�p�ch� de l'enterrer sans trop s'appesantir sur l'identit� des ex�cutants et des commanditaires de son assassinat. Plus tard, on imputera sans doute sa mort au registre des d�g�ts collat�raux de la �r�sistance irakienne unifi�e� (3). Et s'il se confirme, un jour, que Zarqaoui est un agent de la CIA comme l'a �t� Ben Laden, on pourra toujours s'en prendre � l'Am�rique. Paradoxalement, c'est le pays le plus d�pendant des Etats- Unis apr�s Isra�l, c'est-�-dire l'Egypte, qui est en pointe dans la guerre verbale contre Washington. Ils ont beau soutenir le futur pr�sident � vie, Moubarak, faire risette aux Fr�res musulmans, les Am�ricains ne sont pas aim�s. Et pourtant, Dieu sait ce que certains d�put�s �gyptiens r�cemment �lus doivent aux USA, ou encore � leurs chercheurs. Si les dirigeants des Fr�res musulmans marchent � l'estomac (4) et carburent au tout religieux, on ne peut pas en dire autant de tous les candidats � la d�putation. Une �lection sans coups bas et sans tricherie, ce n'est pas vraiment une �lection dans nos contr�es b�nies. Pour r�ussir une bonne �lection, il faut trouver des �lecteurs : �ridjal waqifoune� (des hommes debout), pour reprendre l'expression, �rig�e en ordonnance, par un confr�re. D'o� l'intrusion am�ricaine, par le biais du Viagra, pour doper cette �lection. C'est le quotidien Echarq-Al-Awsat qui l'a affirm� � la veille du scrutin: il y a eu corruption par le Viagra, en sus de l'usage abusif des mosqu�es. Selon un rapport des magistrats charg�s du contr�le de la r�gularit� du scrutin, les circonscriptions du Caire et de Gizeh ont connu un nombre important d'infractions. Ainsi, un candidat, dont l'�tiquette politique n'est pas pr�cis�e, a proc�d� dans la localit� d'El-Omrania � la distribution, � profusion, de tablettes de Viagra. Le m�me candidat a �galement offert des t�l�phones mobiles � des �lecteurs ainsi qu'� des �chasseurs de voix�. Le Parti national d�mocratique au pouvoir est le principal accus� dans ces irr�gularit�s �lectorales. La formation du pr�sident Moubarak a ainsi utilis� les moyens de l"administration ainsi que les transports publics pour transporter ses futurs �lecteurs. Le PND a abus� de l'affichage dans les lieux publics et les endroits non autoris�s. Il a �galement tenu des meetings avec les fonctionnaires sur les lieux m�mes de leur travail alors que les autres partis n'ont pu y acc�der. Le journal note encore que dans plusieurs circonscriptions, les Fr�res musulmans ont utilis� l'argent de la Zakat pour financer leur campagne. A voir les r�sultats acquis, il semble que le recours au Viagra et aux autres stimulants a �t� payant. Pour faire taire les d�tracteurs, la parade est toute trouv�e avec le congr�s copte qui se tient dans les locaux du Congr�s am�ricain � Washington. L'un des participants, l'�crivain Magdi Khalil, a eu toutes les peines du monde � se faire entendre la semaine derni�re sur les deux cha�nes satellitaires arabes Al-Jazira et Al-Arab. En plus des contradicteurs habituels, Magdi a eu � compter avec l'hostilit� manifeste des animatrices du d�bat. Principal grief : pourquoi un tel congr�s � Washington. C'est tout le drame du monde arabe : on vous interdit de vous exprimer dans votre pays et on crie � la trahison quand vous le faites � l'�tranger. A. H. (1) Laquelle nocivit� n'a plus besoin d'�tre prouv�e depuis qu'un de nos hommes politiques a adopt� le n�ud papillon pour les cinq pri�res et pour les sur�rogatoires. (2) Je n'ai jamais compris pourquoi le musulman est oblig� d'infliger une cuisante d�faite aux monoth�istes, ennemis de Dieu, pour pouvoir �tre en paix et m�riter le paradis. (3) M�me la conf�rence du Caire sur la r�conciliation en Irak n'a pas r�ussi � d�nicher des repr�sentants de cette �r�sistance�. Au passage, je signale un vibrant �loge de Zarqaoui et de Ben Laden dans le quotidien Echourouq du 16 novembre 2005, page 24. (4) Il s'agit de l'estomac des autres que le mouvement int�griste a essay� de remplir pour ne pas �tre r�duit � bourrer les urnes, de connivence avec le pouvoir.