Une odeur de soufre plane sur Constantine et sa banlieue. Ici l�on kidnappe un enfant de 4ans que l�on viole et �trangle. Ici, �galement, l�on �gorge de nuit un avocat dans son cabinet. Ici encore la police et les pompiers arrivent en retard pour sauver un b�b� qui grille � l�int�rieur d�une voiture ayant pris feu. Ici, enfin, la saine col�re des gens s�exprime par le �cailliassage� d�un commissariat. La ville prend peur tant la malvie est, � nulle part ailleurs, excessive. Non seulement c�est la cit� qui meurt mais c�est aussi sa p�riph�rie qui s�cr�te la mort violente. En effet, sans qu�elle le sache clairement, c�est � partir de ses ghettos fi�rement baptis�s du nom de Massinissa, que soufflent les vents de la terreur. Lieux de bannissement, comme d�ailleurs l�indique le vocable qui les d�signe. Dans le mot �banlieue� n�y a-t-il pas d�abord l�id�e d�exclusion, de� mise au ban de la soci�t� ? Est-ce � dire, pour autant, que le c�ur battant de la ville demeure un sanctuaire d�urbanit� o� il fait bon vivre ? Pas du tout ! Car la guerre contre les bidonvilles que la puissance publique pr�tend avoir gagn�e n�est qu�une victoire � la Pyrrhus. C'est-�-dire qu�elle a co�t� plus cher qu�une d�faite d�s lors qu�elle a seulement consist� � transf�rer les probl�mes en d�pla�ant en masse des populations vers des dortoirs collectifs o� tout peut advenir : le crime, le rapt et tous les maux sociaux�. En v�rit�, l�on a ras� les gourbis pour �difier des zones de non-droit. Comme l�on s�en doute, la d�marche est fonci�rement inefficace car elle est, � long terme, sans effets notoires sur l��radication de l�habitat pr�caire. Et pour cause, le gourbi demeure, dans les r�flexes sociaux et culturels, le premier �l�ment dans le cha�non, permettant d�int�grer la cit�. Sans complaire aux op�rations d�magogiques, souvent contradictoires, consistant tant�t � d�placer de fa�on odieuse des populations (l�affaire du quartier Bardo), tant�t � cr�er facticement des activit�s commerciales � proximit�, justement, des bidonvilles l�on a fini par faire une chose et son contraire. Il faut par cons�quent se rendre � l��vidence qu�une politique urbaine n�est ni une simple affaire d�arithm�tique des logements ni un saupoudrage pour cacher le ch�mage. Car au-del� de l�effort mat�riel et esth�tique pour sauvegarder cette ville, il y a surtout l�exigence primordiale de stopper un processus vieux d�un demi-si�cle. Celui des flux migratoires qui op�rent de la campagne vers la cit�. Continuer � �noncer le dogme du droit au logement � tout citoyen sans en pr�ciser les modalit�s restrictives va � l�encontre de la r�habilitation urbaine. Car si d�une triste mani�re la ville peut faire son deuil de la p�riph�rie rong�e par la construction sauvage, il �tait permis d�esp�rer, il y a quelques ann�es, que le Rocher, c'est-�-dire la vieille ville, f�t �pargn�. H�las non ! La Casbah fut en moins de temps qu�on le craignait mise en coupe r�gl�e. Et cela avec la b�n�diction des �diles en poste dans les ann�es 2000-2004. Le c�ur et la m�moire de Constantine sont devenus une triste friche juste bonne pour servir de parkings ! Etat des lieux d�plorable qui n�ont �pargn� ni le prosa�que droit juridique des propri�taires l�gaux et anciens, ni m�me les traces historiques d�une ville deux fois mill�naire dont il sera dit qu�elle demeurera pour longtemps le lieudit de toutes les impostures de la puissance publique. Ainsi va cette province qui n�en finit pas de recenser � ses d�pens les h�r�sies qui la d�figurent. Cit� � genoux qui fonctionne comme un repoussoir pour les visiteurs venus des autres contr�es. Cas d��cole pour mesurer l��tendue du d�sastre urbain dont se sont rendus coupables nos dirigeants. Arri�re-pays difficile o� les strates de l��chec global sont � ce point visibles qu�il en devint la mauvaise conscience de la r�publique. M�tropole d�cadente, elle est depuis longtemps mise en �quarantaine �. Constantine n�est plus une destination. Tout juste un mouroir social. Alors pour le quidam tent� par le voyage, il ne reste qu�� l�affranchir sur ce qui l�attend dans ces murs. Une mani�re comme une autre de la dissuader dans son entreprise� D�o� que tu partes voyageur, fais en sorte d��viter cette cit�, non pas que ses habitants soient suspicieux � l��gard de l��tranger ou que la vie soit plus difficile qu�ailleurs, mais c�est son atmosph�re qui est incommodante. Ce sont ses vieux remparts limoneux et inutiles, ses murs l�preux, ses rues �troites et pentues, sa voirie incertaine, ses ponts angoissants, ses gorges vertigineuses, son oued mort et ses imp�n�trables banlieues qui t�en dissuaderont d�s que tu y auras mis pied. Cette ville est physiquement ind�chiffrable. Et tu lui conc�derais toute la bonne volont� qui est en toi et toute ton intelligence, que tu ne recueillerais d�elle que l��cume des choses. Trop souterraine et multiple, elle d�courage les plus t�m�raires et incite aux d�sertions. Car on ne s�installe pas impun�ment dans cette cit� o� les s�jours sont des rel�gations. Une sorte de petite mort � petit feu. Evite alors d�y faire de longues haltes dans ces ruines o� seule la nostalgie du pass� maintient ses r�sidants en �veil. Si tu tardes, voyageur, nul ne r�pondra de ton avenir, car ici les longues h�sitations pr�parent � l�enfouissement. Elle n�est ni un terreau fertile � l��panouissement ni un point de d�part. C�est une destination finale, un terminus, un cul-de-sac. Le dernier terrain vague de la d�sillusion. Eh oui, voyageur imprudent ! L�on ne visite pas cette curieuse ville pour repartir vers d�autres horizons, l�on bat en retraite� Alors, si le choix t�est donn�, oriente plut�t tes pas vers d�autres destinations et d�tourne ton d�sir de faire connaissance avec cette cit� d�catie. Cette ville-l� ne ressemble � aucune autre, tant elle est d�sesp�r�e et d�sesp�rante. Elle n�est pas la m�tropole que l�on pr�tend mais seulement un malentendu urbain et persistant ! Une ville �mouvante par l��clat de ses �checs.