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JEAN DUFOURCQ (CONTRE-AMIRAL) * :
�Le Sud m�diterran�en ne doit pas �tre le �pare-choc� de l�Europe�
Publié dans Le Soir d'Algérie le 13 - 07 - 2008

A la veille du lancement officiel du projet baptis� initialement �Union m�diterran�enne� ou UM, et recalibr� par les instances europ�ennes en Processus de Barcelone : Union pour la M�diterran�e ou UPM, il est int�ressant de faire le point sur la nouvelle donne en M�diterran�e. L��tape � venir pourrait constituer le point de d�part d�une dynamique renouvel�e pour tous les M�diterran�ens. Le pari est lanc� mais il n�est pas encore gagn�. Tant s�en faut.
Comme on pouvait s�y attendre, le bilan contrast� des d�marches lanc�es par la France refl�te la complexit� parfois d�sesp�rante du puzzle m�diterran�en. Pourtant, chacun peut mesurer depuis dix-huit mois la dynamique de ce projet qui mobilise les M�diterran�ens, suscite souvent leur int�r�t, d�clenche parfois leur scepticisme mais qui surtout r�v�le leurs nombreuses frustrations et leur m�fiance. Cette dynamique engendre d�in�vitables frictions euro-m�diterran�ennes qui sont � la mesure de l�espoir soulev� de faire enfin de la M�diterran�e une zone de paix et de d�veloppement, une sorte de laboratoire de la mondialisation. Peut-on r�ussir ce nouveau pari ? Chacun semble le souhaiter afin que le partenariat euro-m�diterran�en trouve d�sormais des rails pour le conduire au succ�s. Pour faire le point, on peut d�composer le probl�me en cinq constatscl�s, cinq incertitudes r�manentes, trois pr�cautions utiles, cinq retomb�es positives et six suggestions, en tout vingt-quatre points comme autant d�angles d�approche du projet.
Cinq constats-cl�s
a) Tous m�diterran�ens ! Le projet a restaur� la centralit� de la M�diterran�e entre Afrique et en Europe et focalis� l�attention g�n�rale des experts et des responsables politiques sur cet espace multiple � la fois carrefour et passerelle. L�Europe, l�Afrique se sont �re-m�diterran�is�es �.
b) Tous mobilis�s ! La fracture socio�conomique que chacun observe ob�re le d�veloppement de la M�diterran�e. Tous les riverains comme leurs voisins ont int�r�t � la r�duire rapidement et � rassembler leurs efforts d�j� faits pour les rendre plus coh�rents et plus efficaces.
c) Tous d�accord pour changer car l�environnement strat�gique �volue rapidement et le cadre initial de Barcelone, est largement d�pass�. Si le nouveau projet relance l�Euromed de Barcelone il doit aussi s�adapter � de nouvelles r�alit�s politiques, �conomiques, culturelles et sociales, � de nouvelles frustrations, � la m�fiance.
d) Tous perplexes devant l��volution politique et technique du projet depuis son d�marrage ; son souffle initial s�est �puis�, soit que l�id�e de d�part ait �t� d�natur�e, soit qu�elle ait �t� trop impr�cise ou trop ambitieuse, soit qu�elle n�a pas �t� assez nourrie par l�Union europ�enne et par les Sud- M�diterran�ens, trop prudents.
e) Tous conscients que la co-d�cision projet�e impose d�sormais l��quilibre des approches des riverains m�diterran�ens et la co-responsabilit�. Il s�agit de fonder le nouveau partenariat sur des int�r�ts mieux partag�s et des valeurs plus universelles, la parit� et l��quit� l�exigent.
Cinq incertitudes r�manentes
a) Ce projet est toujours en devenir ; son contenu reste incertain et notamment s�agissant de la gouvernance et des financements associ�s. L�essence m�me de la d�claration du 13 juillet fait l�objet de nombreuses interrogations. UPM : simple �Barcelone 2� ou v�ritable Union m�diterran�enne � terme ?
b) De plus en plus technique et de moins en moins politique, ce projet est devenu aussi de plus en plus institutionnel. Il s��loigne de facto des besoins quotidiens des peuples. Quel va pouvoir �tre son �cho r�el en M�diterran�e ?
c) Les blocages bien connus de Barcelone n�ont pas disparu : conflits p�riph�riques violents, latents ou gel�s qui freinent toute coop�ration, m�fiance Sud/Sud, comp�tition larv�e Est Europe/Sud Europe, peuples du Sud en tension avec des Etats autoritaires, int�gration malais�e de l�islamisme politique dans la vie publique ... Comment d�passer aujourd�hui ces limites ?
d) Une passivit� r�currente des Sud-M�diterran�ens conjugu�e � une tendance � l�absence d�autocritique, � la faiblesse des positions communes sud-m�diterran�ennes et � la modestie des propositions constructives. Comment articuler et porter les visions constructives du Sud ?
e) Urgence ou patience ? Faut-il prendre la voie des petits pas pour satisfaire toutes les exigences des participants concern�s ou acc�l�rer les r�alisations car l�urgence des tensions constat�es impose une avanc�e r�solue pour �viter les catastrophes annonc�es ? Il n�y a pas accord sur le rythme de d�veloppement de ce projet.
Trois pr�cautions � prendre
a) Ne pas n�gliger le r�le essentiel des acteurs ext�rieurs, ni m�diterran�ens, ni europ�ens, dans le d�veloppement de la M�diterran�e o� ils ont des partenariats et des int�r�ts forts ; c�est le cas historique des Etats-Unis et de la Russie ; c�est celui de la nouvelle pr�sence chinoise et sud-am�ricaine.
b) Eviter que le Sud m�diterran�en ne devienne �le pare-choc� de l�Europe face � l�Afrique. La liaison des continents par le Bassin m�diterran�en ne doit pas se faire au d�triment exclusif des riverains. Elle doit �tre mieux pens�e et organis�e.
c) Ne jamais oublier que les principales sources d�ins�curit� sont d�origine interne et d�ordre soci�tal. Mais que c�est en diminuant l�ins�curit� ambiante qu�on renforcera la confiance g�n�rale et qu�on cr�era un climat favorable au d�veloppement et � la r�solution des conflits violents, latents et gel�s qui ont pris en otage la M�diterran�e et min� jusqu�ici le processus de Barcelone.
Mais d�j� cinq retomb�es positives
a) Multiplication des contacts transm�diterran�ens, des forums interm�diaires, des r�unions pr�paratoires, des mini-sommets (ex : Tripoli), autant d�occasions nouvelles de dialogue Sud/Sud ; une certaine forme de solidarit� transm�diterran�enne pourrait enfin se d�velopper qu�il faut encourager.
b) Apparition timide d�une nouvelle valeur de r�f�rence, l�int�r�t commun m�diterran�en, l�int�r�t g�n�ral des M�diterran�ens (ex : d�pollution de la M�diterran�e, s�curit� sanitaire et alimentaire des M�diterran�ens)
c) Approfondissement du dialogue intra-europ�en sur les partenariats et les voisinages de l�Union europ�enne ; utile mise � l��preuve de la solidarit� franco-allemande face � des priorit�s strat�giques divergentes ; nouvel �talonnage de l�utilit� de la Commission europ�enne.
d) Validation discr�te de la dimension sous-r�gionale du d�veloppement avec la mise en �vidence de la f�condit� et du pragmatisme des proc�dures �5+5� de la M�diterran�e occidentale.
e) Calendrier de suivi du projet UPM �toff� avec de nombreuses occasions � venir d�approfondissement de ses diff�rentes dimensions lors de la prochaine pr�sidence de l�UE (une r�union th�matique toutes les 3 semaines en moyenne).
Pour finir six suggestions
a) Donner la priorit� aux vrais d�fis, ceux qui concernent directement les peuples m�diterran�ens, emploi, circulation, d�sertification, eau et �nergie, environnement �
b) S�attacher � �tablir des projets concrets, visibles, structurants et f�d�rateurs, plus �conomiques et industriels que commerciaux ou financiers.
c) Lib�rer les �nergies et d�velopper les initiatives et les investissements int�rieurs et ext�rieurs et ne pas compter que sur les sommets, les d�clarations et les institutions pour r�pondre aux questions pos�es par la s�curit� et le d�veloppement.
d) Imaginer des formules nouvelles de m�diation et de d�veloppement, comit�s de sages, crit�res de convergence socio-�conomiques, politiques sectorielles communes, m�canismes transm�diterran�ens d�arbitrage, de confiance et de s�curit�, �quipes int�gr�es d�analyse et de pr�vision �
e) Ne pas trop copier l�exp�rience europ�enne ; �viter l�attentisme de la n�cessaire patience ; lui pr�f�rer l�obstination de l�ambition qui force la d�cision. Cr�er des stimulants permanents et prendre des risques.
f) Donner la priorit� absolue � la connaissance partag�e et � l��conomie du savoir ; la �M�diterran�e du savoir� doit devenir le premier objectif commun qui conduit au d�veloppement s�curis� et p�renne de l�espace m�diterran�en. Pour conclure, regarder en commun l�avenir de la M�diterran�e, c�est aussi �tablir sans d�lai des �petits noyaux de recherche strat�gique int�gr�e � capables de produire des analyses et de formuler des recommandations pour que les M�diterran�ens de 2020 ou 2030 soient plus solidaires, plus s�rs, plus prosp�res, plus sereins que leurs pr�d�cesseurs de 2008. Au secr�tariat permanent envisag� doit �tre adjoint en permanence et sur la rive Sud, �un Centre d�analyse et de pr�vision m�diterran�en� qui le renseigne et le stimule.
J. D.
* Directeur de recherche au CEREM et pr�sident du groupe de recherche sur l�Union m�diterran�enne (GRUM) � l��cole militaire Paris, le contre-amiral (CR) Jean Dufourcq est tr�s impliqu� dans la r�flexion strat�gique autour du projet �Union pour la M�diterran�e�.


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