Où en est-on avec le projet de l'union méditerranéenne (UM) ? Le projet avance bien, discrètement pour le moment. Nous faisons un travail de fond. Je fais des rencontres dans différents pays. Je suis venu en Algérie il y a trois semaines. J'ai été ensuite en Tunisie, en Egypte et au Maroc. Je voulais savoir ce dont ces pays avaient besoin à travers des projets. Maintenant, des propositions de projets émergent dans les domaines des interconnexions électriques, des interconnexions gazières, de la coopération universitaire, de la création d'une institution financière de la Méditerranée. Les entreprises vont apporter également leur coopération dans les propositions de projets. Je vais bientôt à Bruxelles pour harmoniser l'initiative de l'UM avec les processus existants déjà. Le président allemand, Horst Köhler, et le président du Parlement européen, qui ont visité récemment l'Algérie, sont plutôt favorables au renforcement du processus euro-méditerranéen de Barcelone, lancé en 1995, qu'en pensez-vous ? Ce n'est pas contradictoire. Durant la présidence française de l'Union européenne (qui commence en juillet 2008, ndlr), nous allons organiser six conférences ministérielles pour renforcer le processus de Barcelone. Nous allons en même temps donner une impulsion supplémentaire entre les pays riverains de la Méditerranée. Il faut aller plus loin. La France souhaite renforcer ce processus mais, en même temps, il faut proposer des projets et une dynamique supplémentaires. N'avez-vous pas senti des réticences du côté italien et espagnol ? La Libye, elle, n'a encore rien dit... Il y avait des réticences au début. Aujourd'hui, les choses évoluent. J'étais au sommet franco-italien à Nice (sud de la France). Le président Romano Prodi était clair : « Nous souhaitons et nous voulons une union de la Méditerranée. » Le ministre des Affaires étrangères espagnol, Miguel Moratinos, a dit qu'il fallait un Barcelone plus (...). Mouamar Kadhafi va venir la semaine prochaine à Paris. Je crois savoir que — c'est lui qui le dira — la Libye est intéressée par ce projet. Tous les pays du Sud ont exprimé leur intérêt pour travailler ensemble et surtout développer l'investissement dans les domaines de l'énergie, la santé et autres. Alors, comment trouver un pont entre Barcelone, la Politique européenne de voisinage (PEV) et le projet français de l'UM ? Le processus de Barcelone, c'est l'UE dans son ensemble, 39 pays, 27 du Nord, 12 du Sud qui travaillent ensemble sur les grands projets, le dialogue politique, la prospérité partagée. L'union méditerranée est complémentaire de Barcelone, entre les pays riverains pour aller plus loin. Le défi est grand puisque l'investissement est faible au sud de la Méditerranée, il faut renforcer les efforts avec les pays (...) La PEV est importante pour tous les pays même si elle suscite des commentaires divers. L'union méditerranéenne est complémentaire de ce processus également, le 5+5 va continuer à travailler autant que le Forum méditerranéen. Nous donnons une impulsion supplémentaire à tous ces processus. Il y a aussi la Turquie qui refuse ce projet... La Turquie ne refuse pas. Elle a réservé sa réponse. Je vais bientôt aller à Ankara. Certains, au départ, ont cru que la Turquie n'allait pas entrer dans l'UE. Cela n'est pas vrai, les négociations sur les 30 chapitres portant sur l'adhésion ont déjà commencé. Que la Turquie adhère ou non à l'UM sera sans influence sur ses négociations avec Bruxelles. En revanche, la Turquie commence à émettre des signaux positifs. Elle attend de voir les différents projets. J'ai confiance que ce pays va rejoindre assez rapidement l'union méditerranéenne. La question chypriote (divisée entre Turcs et Grecs) et le conflit palestino-israélien ne vont-ils pas peser sur l'avancée de l'initiative ? Forcément, ce n'est pas simple. Mais nous espérons qu'Annapolis va créer une dynamique favorable. Chypre sera membre comme les autres de l'union méditerranéenne. De toute façon, les projets seront à géométrie variable. Les pays s'associeront pour faire des projets. Quel écho avez-vous eu en venant à Alger ? J'ai rencontré à Alger le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medelci, et le ministre de l'Environnement et du Tourisme, Chérif Rahmani. Les deux étaient extrêmement positifs. M. Medelci a même fait des déclarations publiques pour dire que l'Algérie était favorable à ce projet. Il avait insisté sur l'idée de l'élaboration en commun. On va ensemble déterminer les projets prioritaires. Le président algérien a-t-il accepté d'aller en juin 2008 au premier sommet des chefs d'Etat de l'UM et quel est l'ordre du jour de ce sommet ? La lettre d'invitation n'est pas encore envoyée au président algérien. Nous avons espoir qu'il sera présent. Le sommet, qui aura lieu probablement à Marseille, aura à élaborer une déclaration des chefs d'Etat créant l'union méditerranéenne comme un processus basé sur les projets. Le sommet devra arrêter la liste des projets. L'union méditerranéenne ne sera visiblement pas une union politique, mais une union de projets. C'est votre vision ? Pour le moment, nous commençons par l'union des projets. Comme l'Europe, qui avait créé la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) en 1951. On ne savait pas à l'époque quelle serait la forme de l'Union européenne. Là, nous commençons par les projets importants, les projets fédérateurs, et nous verrons quelle forme juridique aura l'UM. Nous allons discuter ensemble sur ce point. Elaboration en commun, « milkiya mouchtaraka » ! Ce que nous avons en tête c'est que le sommet de la future union soit informel, doté d'un secrétariat léger pour préparer les sommets suivants afin d'éviter de mettre en place une bureaucratie lourde. Le siège du secrétariat n'est pas encore déterminé. Cela peut être Alger, Tunis, Le Caire, Rabat... ce n'est pas encore tranché.