M�me lorsqu�elle trompe ou qu�elle ne rapporte pas fid�lement des propos, la presse sert quand m�me � quelque chose. Celle de faire sortir de leur tani�re de vieux acteurs politiques. Taiseux ou bavards, mais suspicieux, l�un vis-�-vis de l�autre au point de garder intacte, en eux, une vieille haine. Jamais apais�e, celle-ci est remont�e � la surface � la faveur d�une simple allusion. Il a donc suffi d�un malheureux contresens de journalistes pour qu�un exercice de m�moire se transforme en pol�mique. Prenant sa source dans le t�moignage d�un ancien pr�sident, habituellement r�serv�, celle-ci s�est �tal�e dans les colonnes de quatre journaux destinataires de leurs textes. D�un c�t�, Chadli a choisi El-Khabar et Libert� pour clarifier ses id�es et de l�autre Nezzar a opt� pour Le Soir d�Alg�rie et El Watan pour lui r�pliquer. S�estimant injuri� par certaines assertions, le vieux soldat ne s�est pas content� de quelques mises au point pr�cises. Il est all� au-del�, instruisant carr�ment le proc�s de celui qui fut longtemps son chef hi�rarchique. Dans le m�me temps, l�ex-pr�sident revient � la charge pour souligner le peu d�estime qu�il portait, non seulement, � l�officier en question mais �galement � tous ceux qui �taient de la m�me extraction du temps de l�ALN. La controverse autour de l�int�gration et la promotion des DAF (d�serteurs de l�arm�e fran�aise) remonte aux derni�res ann�es de la guerre de la Lib�ration et ne s�est jamais r�sorb�e par la suite. De Boumediene � Chadli, l�arm�e a toujours eu pour ingrate besogne de doser les promotions en fonction de ce param�tre. C�est-�-dire maintenir subtilement une parit� entre les �transfuges� et ceux du �cru�. Or, c�est �tonnamment � l��poque actuelle que l�on daigne enfin �voquer l�h�t�rog�n�it� de l�ancienne hi�rarchie militaire et d�battre d�une question qui a cess� d�en �tre une par le fait m�me d�un changement de g�n�ration d�officiers. C�est finalement dire que ce diff�rend autour de la primaut� du patriotisme labellis� sur la comp�tence et vice-versa n�a resurgi qu�au hasard d�une �vocation dont l�interpr�tation aurait, dit-on, �t� mal rapport�e par les correspondants de journaux. Il n�en fallait pas plus pour que le g�n�ralissime sorte de sa retraite comme � son habitude. Il est vrai que ce soldat n�est pas � son premier coup d��clat, lui qui n�aime rien tant que sa propre m�diatisation alors que la tradition de la caserne conseille vivement le mutisme et le secret. Pour sa part, Bendjedid ne pourrait pas arguer de sa seule bonne foi quand il narrait par le d�tail ses premi�res rencontres avec l�ex-officier fran�ais qu��tait alors Nezzar. L�anecdote valait son pesant de venin. De m�me que ce dernier a eu une r�action disproportionn�e par rapport aux v�ritables propos tenus � son �gard. L�un comme l�autre pourraient-ils se pr�valoir du sens de la mesure lorsqu�on sait qu�il existe entre eux un lourd passif jamais �pong�. Celui-ci remonterait � d�cembre 1991. Ce terrible virage qui jeta la R�publique dans le ruisseau et au sujet duquel ils devaient s�en expliquer � un moment ou un autre. Sauf qu�ils viennent de le faire in�l�gamment. Rivalisant par l�autoglorification, ils se mettaient en sc�ne avantageusement afin de justifier le recours � la stigmatisation. Celle-ci �tant plus abrupte chez le g�n�ral qu�elle ne l�est chez le pr�sident, elle laisse par ailleurs deviner que, des deux c�t�s, il y a de l�ex�cration. En fait, nous avions affaire � deux d�tracteurs exhumant le pass� commun mais ne s�autorisant pas le moindre commentaire sur le pr�sent peu r�jouissant de ce pays. Pas un mot sur le seul sujet qui int�resse l�opinion, comme si l�int�r�t qu�ils doivent susciter ne doit concerner que leur immortalit� historique. H�las, ce n�est pas ainsi que se con�oivent les grands destins politiques m�me quand ils sont accomplis. Chadli, � qui certes personne ne peut lui tenir grief de son long ermitage, pouvait-il, en toute conscience, ne quitter sa r�serve que pour disserter sur des hauts faits d�armes trop anciens et ne pas donner son sentiment sur ce qu�il se commet dans le pays actuellement ? Et le galonn�, son contradicteur, pourquoi fait-il l��conomie d�un jugement ou d�une analyse sur le putsch constitutionnel, lui qui affectionnait nagu�re ces exercices ? Il y a encore en m�moire ses coups de gueule qu�il pr�sentait comme la manifestation d�un homme libre de toute connivence uniquement anim� par de solides convictions patriotiques. De nos jours, o� a-t-il �gar� cette bruyante ind�pendance intellectuelle jusqu�� ne plus pouvoir ou ne plus savoir ce que parler veut dire ? En ces temps troubles et p�rilleux pour les libert�s publiques, chaque parole autoris�e tient lieu de digue. Revisiter les p�rip�ties d�un r�gime, que l�on a eu � d�manteler sur sa fin, n�exon�re pas du silence pr�sent. C�est ce genre de reproche que l�opinion est en droit de faire � ce duo de chamailleurs. Leur d�robade devant une question aussi br�lante que la confiscation d�une �lection pr�sidentielle ne suppose-t-elle pas qu�ils souscrivent implicitement au processus en marche. Chadli, bien plus que Nezzar, avait l� une opportunit� pour rendre cr�dibles ses aveux de Tarf. Lui qui affirmait sous le sceau de la sinc�rit� qu�il s�appr�tait, apr�s Octobre 1988, � instaurer un r�gime parlementaire et solder l�inf�me syst�me des cooptations, pourquoi ne trouve-t-il rien � redire sur les pratiques actuelles et la prochaine instauration d�une autocratie perp�tuelle ? Pensait-il se d�douaner facilement de cette attente muette de l�opinion en se contentant d�une formule sibylline ? C��tait s�rement juste, de sa part, de r�affirmer son d�saccord avec ceux qui parjurent en ne respectant pas la Constitution mais c�est �galement nettement insuffisant pour se situer dans l�autre camp. Encore une fois, lui conna�t autant que l�actuel chef de l�Etat les modalit�s d�accession au pouvoir et sa conservation. Il en fut l��manation exemplaire puisqu�il fut port� sur un double choix en 1979, quand les caciques de l��poque pouvaient designer soit �Chadli soit Bendjedid�. Mieux que quiconque, il �tait qualifi� pour d�crire a posteriori cet archa�sme et d�crier sa persistance � ignorer les fondamentaux de la d�mocratie. En se privant volontairement de la posture de censeur sachant de quoi il parle et pourquoi il le fait, cet ancien pr�sident brouille � nouveau son image au moment o� il s�efforce de corriger certaines malveillances qui �bilantent� n�gativement sa magistrature. Cela est dommageable m�me pour sa contribution � l��criture de l�Histoire. Tant il est vrai que pour laver le vieux linge sale du pass�, il e�t fallu d�abord que l�on dise ce que l�on pense du pr�sent. Cela vaut �galement pour le g�n�ral d�en face qui, jusque il y a 5 ans, se voulait le deus ex machina de ce qui se trame en haut lieu Tous les deux n�aiment plus parler du pr�sent, lui pr�f�rant la nostalgie du ressentiment rassis qu�ils se vouent r�ciproquement. Voil� pourquoi l�opinion ne peut que se d�tourner vite de cette passe d�armes de narcissiques. En somme les unes de ces journaux n��taient que de l��cume politique dont le seul int�r�t se d�cline par le pamphlet du soldat et la fin du silence d�un �Ex�� Une querelle de �has been� dont se serait bien pass� ce pays en proie � tous les doutes.