Ce titre est emprunt� � Alan Paton car aujourd'hui en lisant dans vos colonnes la lettre de ce jeune homme qui supplie qu'on lui ouvre les portes de son pays, j'ai pleur�. J'ai pleur� ce pays bien-aim� car s'il y a une g�n�ration qui mesure le mieux l'ab�me qui s�pare l'espoir du d�sespoir c'est bien la n�tre, probablement celle des parents de ce jeune homme, celle qui a aujourd'hui entre 60 et 70 ans, celle qui fut jeune comme lui mais en 1962. Celle qui dansait dans les rues � l'ind�pendance sans pleurer ses martyrs : p�res, m�res, fr�res, s�urs disparus dans la tourmente entre 1954 et 1962, qui les avait vu rafl�s, tortur�s, qui avait vu leurs cadavres expos�s sur les places publiques ; celle qui avait v�cu les passages r�currents des soldats ennemis : foyers d�vast�s, maisons incendi�es, filles viol�es... En un mot, celle qui avait tout vu, tout entendu parce qu'elle vivait, non pas � Tunis ou au Caire, mais dans le brasier, dans les villes et les campagnes de ce pays bien-aim�. C'est aussi la g�n�ration de ceux qui ne s'�taient pas pr�cipit�s pour occuper les biens �vacu�s par les Europ�ens, celle qui avait mis toutes ses forces � se pr�parer pour servir son pays en se hissant aux premi�res places de l'�cole et de l'universit� de l'adversaire mais qui, � horreur du destin, se l'est vu reprocher plus tard jusqu'� s'entendre qualifi�e de �Hizb Fran�a� ; celle qui a d�couvert (avec quelle douleur) en 1988 la pratique de la torture par ses propres compatriotes, qui a vu de nouveau massacrer ses p�res, m�res, fr�res, s�urs et maris en une �decennie noire� o� les rescap�s ont d� demander l'asile � l'ennemi d'hier, o� nos propres enfants s'en sont all�s porter ailleurs leur jeunesse et leurs savoirs. Des enfants que nous n'avons pas pu retenir parce que nous n'avions rien � leur offrir et que nous avions tromp�s, comme nous nous �tions tromp�s nous-m�mes, en leur racontant un pays qui n'avait exist� que dans nos r�ves... Pardon jeune homme, pardon chers enfants de vous avoir mis au monde avec l'exil pour seul avenir ! Mais sachez que nous l'avons cher pay� car, voyez-vous, au seuil de la vieillesse, nous voil� seuls sur cette terre que nous ne nous r�signons pas � quitter et que nous rejoindrons accompagn�s, peut-�tre, par nos seuls compagnons d'infortune...