�Avant, il n�y avait que les femmes qui s�adonnaient � ce business. Regardez, maintenant, les trottoirs sont squatt�s par des nu�es de jeunes�, nous lance une delala, � la rue Harichette, fief des vendeurs et vendeuses informels de bijoux en or. Un commerce qui se pratique � ciel ouvert ; un manque � gagner pour les caisses du Tr�sor public. Le commerce de l�or Impossible d�emprunter la rue Harichette (derri�re la mairie d'Alger-Centre) sans �tre assaillis par des dizaines d'individus. Inlassablement, il vous poseront la m�me sempiternelle question : � Kech�ma t�bi�lna yamadame?� Comprendre de l�or cass� ou des anciens bijoux. Ce commerce, apparemment juteux � voir comment ces jeunes sont sap�s � marques made in � a fait des �mules. La concurrence est rude et chaque m�tre carr� du macadam est r�serv�. Deux jeunes, la trentaine environ, ont install� leur QG juste � l�entr�e de la BDL (Banque de d�veloppement local). �J�ai 38 ans, nous dit l�un d�entre eux. Las d��tre au ch�mage, je me suis lanc� dans ce cr�neau il y a 3 ans. Ici, c�est mon secteur. Je guette les femmes qui viennent mettre en gage leurs bijoux. Parfois, la banque les rabroue au motif qu�il sont cass�s ou non poin�onn�s, alors je saute sur l�occasion pour le leur racheter. Si elles sont prises � la gorge parce qu'elles ont un besoin urgent de fric, la transaction a lieu. L�or cass� s�ach�te entre 1 400 DA et 1 800 DA le gramme, selon le carat et sa cote en bourse. Nous travaillons avec le bijoutier du coin pour l'expertise et la pes�e.� Mais quel est le destin de ces bracelets, gourmettes, bagues cass�s ? Mohamed (25 ans), un autre vendeur informel, �claire notre lanterne. �Nous les revendons � des artisans bijoutiers qui nous en donnent le double de leur prix. Ils les font fondre et leur donnent une seconde vie. Ces bijoux se retrouvent alors sous d�autres formes dans le circuit de l�informel. Un boulot qui rapporte, mais qui n�est pas sans risque. J�en suis l�exemple vivant puisque je viens juste de sortir de taule apr�s avoir pass� 8 mois derri�re les barreaux. J�avais achet� des bijoux vol�s. Mais comment le savoir ?� Tout ce qui brille n�est pas or Cette rue pullule �galement de delalate. De v�ritables bijouteries ambulantes ! Engonc�s dans un hidjab pour la plupart, des femmes de tout �ge montrent aux passants leurs doigts, poignets et bras orn�s de bijoux, et pour ne pas avoir les pieds en compote, elle ont toutes des mini-tabourets en plastique. Certaines, plus discr�tes, pr�f�rent ne pas exhiber leur tr�sor qu�elles dissimulent dans leur corsage ou dans leur sac � main. La plupart sont r�tissantes pour nous parler. Elles n�aiment pas trop la presse. L�une d�entre elles accepte toutefois de se pr�ter au jeu des questionsr�ponses. �Je m�appelle Louiza et je suis la doyenne des delalate dans ce quartier. Cela fait 25 ans, un quart de si�cle, que je bats le pav� de cette rue. Divorc�e, j�ai pu �lever mes 9 enfants gr�ce � la vente de bijoux. C�est plus facile aujourd�hui. Avant, les douaniers et policiers saisissaient notre marchandise. Une fois, cela remonte aux ann�es 1980, on m�a pris pour l��quivalent de six cents mille dinars. J�ai gard� cette peur au ventre � tel point que je ne porte sur moi que quelques �chantillons. Si une cliente est int�ress�e par un mod�le, je m�arrange pour le lui apporter le lendemain. Vous savez, on gagne bien notre vie, mais ceux qui se sucrent vraiment, ce sont les importateurs. Ce sont eux les v�ritables barons de ce business. Nous sommes les derniers maillons de la cha�ne. La 10e main, comme on dit ! Ces bijoux proviennent essentiellement d�Italie, Syrie, Turquie. Certains ne sont pas aux normes de 18 carats, mais vu leur prix attrayant, les clients sont preneurs !� Qu�importe le flacon, pourvu� A un jet de pierre de la rue Harichette, plus pr�cis�ment � la rue Patrice Lumumba, se trouve un autre point n�vralgique d�di� � ce commerce informel pratiqu� au vu et au su des autorit�s. Des delalate, debout ou assises � l�entr�e des portes d'immeubles, exhibent bracelets, cha�nes, ceintures en louis d�or, boucles d�oreille� Les hommes ne sont pas en reste. Certains ont carr�ment des coffrets orn�s de p�pites. Nous marquons une halte, feignant d'�tre int�ress�s par un �ventuel achat et demandons les prix. Ils oscillent entre 3 000 et 9 000 DA. Nous rep�rons une cha�ne orn�e d�une perle qui co�te autour de 8 000 DA en bijouterie. Le vendeur � la sauvette est pr�t � nous la c�der � 3 500 DA. �En cas de doute sur la qualit� du m�tal ou la nature du poin�on, rassure-t-il, allons chez un vrai bijoutier.� Si certains clients foncent la t�te la premi�re, all�ch�s par les prix, d�autres jouent la carte de la prudence et se dirigent vers l�Agence nationale des m�taux pr�cieux (Agenor) situ�e � la rue Larbi-Ben- M�hidi. �On rach�te aux clients non seulement de l�or cass�, mais �galement des bijoux en argent, nous r�v�le l�un des agents. Les prix pour l�or sont fix�s � 1 700 DA le gramme � l�achat et 2 700 DA � la vente. Quant � l�argent, on le rach�te aux particuliers � 18 DA le gramme et jamais en dessous de 50 g�. Et de poursuivre : �Certains clients pr�f�rent avoir affaire � une entreprise �tatique, car acheter un bijou sur le trottoir comporte des risques comme se retrouver avec de l�or m�lang� � d�autres m�taux ou frapp� d�un faux poin�on.� Cr�ve-c�ur Par ailleurs, Agenor enregistre un rush particulier � l�approche de certaines occasions. D�apr�s notre interlocuteur, �l�A�d, le Ramadan ou la rentr�e scolaire poussent des familles � se s�parer de leurs bijoux pour faire face aux multiples d�penses impos�es par ces �v�nements. Un cr�vec�ur pour toutes ces m�res, s�urs et �pouses contraintes de c�der leur bijoux pr�f�r�. Un bijou que les employ�s de l�unit� de transformation d�Agenor de Regha�a feront fondre et qui atterrira dans une belle vitrine sous une autre forme. Peut-�tre que son expropri�taire, passant par l�, le convoitera et se dira : �Ce bijou est magnifique. Je l'ach�terai d�s que j�aurai assez d��conomies !� La vie n�estelle pas un �ternel recommencement ? Sabrinal