Elles sont plusieurs dizaines à squatter les trottoirs de Oued Kniss (Ruisseau) cou, poignets et doigts ornés de kilos de bijoux en or. On les appelle les « delalate » ou les vendeuses ambulantes de bijoux. Elles happent les potentiels clients au passage, en exhibant leurs trésors, à des prix jugés raisonnables par rapport à ceux pratiqués en vitrine. A titre d'exemple, les bagues sont vendues entre 1800 et 4000 DA, des parures en or massif sont cédées à partir de 60 000 DA et les cerceaux (colliers) à 300 DA. Cependant, il faut savoir qu'un bijou sur deux est dépourvu du fameux poinçon qui atteste qu'il s'agit d'or à 18 carats ; des bijoux qui échappent donc complètement au contrôle fiscal. Par ailleurs, certains bijoux fabriqués de manière artisanale présentent des imperfections visibles à l'œil nu. Ces delalate vous vendent ces « babioles » sans facture mais elles sont également à l'affût de bijoux cassés qu'elles vous rachètent à raison de 750 à 800 DA le gramme d'or cassé. La vente informelle de bijoux n'est pas la chasse gardée des femmes. A Oued Kniss, vous trouverez également des bijoutiers ambulants s'adonnant à ce négoce. Ils « exposent » leur marchandise autour du cou ou simplement à la main. D'autres la présentent aux clients dans un beau coffret velouté. Celui-ci est fermé à double tour et les bijoux sont bien gardés loin des pickpockets, sous-verre. Côté clients, la plupart des personnes interrogées se disent satisfaites car elles ont le sentiment de réaliser de substantielles économies en achetant chez les delalate. Avant de payer cash, les clients prennent tout de même la précaution d'aller authentifier l'achat chez un bijoutier en compagnie de la vendeuse ambulante. Quant aux bijoutiers qui possèdent un registre du commerce et qui payent leurs impôts, ils se disent lésés par ces vendeurs illicites qui leur « piquent » leurs clients au vu et au su des agents des services de l'ordre. Pas d'état d'âme en revanche pour les delalate qui se justifient en arguant qu'elles ont des familles à nourrir et qu'elles ne gagnent que des poussières comparées aux trabendistes et gros bonnets qui, selon leurs dires, ne leur reversent qu'un faible pourcentage. « S'il y a un coup de pied à donner dans la fourmilière, c'est chez ces nababs, nous lance une delala... Nous ne sommes que le dernier maillon d'un gros business ! »