Dans cette partie, nous allons parler des conditions de travail de l�enseignant, de l�attitude des responsables et des gens ordinaires de la soci�t� envers lui, et les cons�quences de tout cela sur sa performance et sa sant�. L�enseignant g�re tr�s souvent des classes surcharg�es. Or, la surcharge des classes est tout � fait incompatible avec la nouvelle m�thode d�enseignement bas�e sur l�approche par comp�tence. Celle-ci n�cessite des classes de 25 �l�ves au maximum, alors que dans la plupart de nos classes, le nombre d�passe souvent les 30, voire les 40 et atteint m�me les 50 dans certaines �coles du Sud ! Dans de telles conditions, le travail de l�enseignant est plus que compliqu� ; il est entrav�. L�enseignant se retrouve alors face � un dilemme : continuer � dispenser ses cours avec la nouvelle m�thode pour satisfaire les exigences du MEN et ignorer le droit des �l�ves � un cours compr�hensible et profitable ou recourir � la vieille m�thode d�enseignement caract�ris�e par la simple pr�sentation de la le�on, comme dans une conf�rence, suivie d�une s�rie d�exercices, plus � la port�e des �l�ves, mais qui n�cessite de laisser tomber toute une s�rie d�activit�s � utiles, devrait-on faire remarquer � programm�es sur le manuel scolaire bas� sur l�approche par comp�tence. Dans tous les cas de figure, l��l�ve ressort presque souvent de la classe avec de vagues id�es sur le cours et l�enseignant avec un sentiment d�insatisfaction, voire de d�go�t, pour n�avoir pas r�ussi son cours. Programmes trop charg�s L�enseignant travaille sur des programmes trop charg�s ; les concepteurs de ces programmes semblent avoir r�parti le volume horaire global (annuel) sur les unit�s p�dagogiques � couvrir sans prendre en consid�ration certains facteurs qui pourraient obliger l�enseignant � ralentir son avancement, comme par exemple la n�cessit� de r�p�ter et consolider certaines le�ons difficiles dans les classes de bas niveau. En outre, les concepteurs semblent avoir fait leur r�partition en se basant sur l�id�e que le volume horaire annuel est statique. Or, il ne l�est pas, puisque toutes sortes d��v�nements (rendez-vous �lectoraux, f�tes religieuses et nationales, intemp�ries, etc.) entrent en jeu pendant l�ann�e scolaire pour cr�er des retards dans l�ex�cution du programme. Et lorsqu�on sait que l�enseignant est somm� malgr� tout de terminer co�te que co�te ce programme, l�on ne peut qu�imaginer la cadence soutenue avec laquelle les le�ons sont pr�sent�es en classe et les effets catastrophiques sur les �l�ves. Les emplois du temps des enseignants et des �l�ves sont �galement surcharg�s ; l�enseignant doit parfois assurer ses cours sans discontinu de 8 heures du matin � 17 heures. Si parfois heure creuse il y a, il en profite pour rattraper un retard, pr�parer une le�on, corriger les copies ou contr�ler les cahiers de ses �l�ves. Au soir, alors que les travailleurs de certains secteurs s�adonnent au repos, l�enseignant doit continuer � travailler : pr�paration de nouveaux cours, corrections des copies, etc. Il dormira tard ext�nu� et il se r�veillera t�t encore fatigu� et inquiet de ne pouvoir aller jusqu�au bout de la journ�e. Son �l�ve, souffrant du m�me emploi du temps surcharg�, passe presque par le m�me parcours et ressent presque les m�mes craintes. Sauf que dans le primaire, il y a encore pire � voir : avec la multiplicit� des mati�res et la surcharge des emplois du temps, des �l�ves qui ne p�sent gu�re une vingtaine de kilogrammes doivent porter sur leurs dos des charges d�une dizaine de kilos et parcourir des distances allant, dans les zones rurales, de 3 � 4 km ! Nul besoin d��tre un orthop�diste pour savoir les dommages que subira la colonne vert�brale de ces petits bambins. Qui donc est responsable de cela ? L�enseignant ? Indiscipline et r�bellion La l�gislation scolaire semble faite sp�cialement pour favoriser l�indiscipline et la r�bellion contre les instructions de l�enseignant au sein des �l�ves. Le moindre haussement de ton face � l��l�ve, le moindre geste qui simule le ch�timent corporel et le moindre regard mena�ant sont consid�r�s antip�dagogiques, voire m�prisants envers l��l�ve, et donc prohib�s et passibles m�me d�une condamnation par la justice. La l�gislation scolaire tient l�enseignant pour responsable de tout ce qui se passe dans sa classe, tout en lui liant les deux mains. Cette l�gislation est parfois si irrationnelle que m�me s�il arrive un accident dans sa classe et qu�il n�y est pour rien, l�enseignant paiera ! Des exemples de telles aberrations ont �t� maintes fois rapport�es par la presse, malheureusement non pas en d�fense de l�enseignant, mais en soutien � cette loi injuste. Cela dit, il n�est pas �tonnant que certains de nos �coliers, surtout dans les deuxi�mes et le troisi�me paliers, ne ressentent aucune crainte quant � d�sob�ir � leurs professeurs, � faire du bruit en classe et � semer des d�gradations �� et l�. Il y a d�autres fa�ons plus p�dagogiques de �dresse� les agitateurs, diront certains. Oui, il y a bien la bonne parole, la convocation des parents, l�avertissement �crit, le conseil de discipline. Mais que peuvent faire toutes ces mesures devant un �l�ve d�sesp�r� de r�ussir dans ses �tudes, insoumis m�me envers ses propres parents, prot�g� contre l�exclusion par la loi en raison de l��ge et soutenu par tous ses coll�gues sous menace de caillassage de l��tablissement ? Consid�r�e fallacieusement comme un secteur improductif, l��ducation n�a jamais �t� une priorit� pour l�Etat alg�rien. La plupart des �tablissements scolaires sont dans un pi�tre �tat et leur r�novation, quand les enseignants la r�clament, rencontre des entraves d�ordre bureaucratique et budg�taire, souvent insurmontables. Sur le plan mat�riel p�dagogique, alors que les nouveaux programmes demandent la disponibilit� de salles d�informatique, de microordinateurs, de connexion au r�seau Internet, de salles de projections, etc., beaucoup de nos �tablissements continuent � fonctionner avec des moyens rudimentaires, ce qui met l�enseignant dans des situations embarrassantes. Sur le plan relations humaines, les responsables alg�riens, et par ricochet une bonne partie de la soci�t� alg�rienne, �prouvent un sentiment de m�pris, voire d�animosit�, envers l�enseignant. Pour nos gouvernants, l��ducateur est une menace pour l�ordre �tabli, car il contribue � l�intellectualisation de la soci�t� qu�on veut � tout prix confiner dans l�ignorance pour la mieux g�rer au profit de la mafia politico-financi�re aux commandes des institutions. Pour certaines gens otages de l�ignorance et de la manipulation, l�enseignant n�est qu�une cr�ature cupide qui jouit de plusieurs avantages (longues vacances, emploi stable, propre, facile et bien r�mun�r�, etc.) en contrepartie du moindre effort. Cette attitude de m�pris et d�hostilit� gratuite envers l�enseignant a �t� affich�e avec plus de clart� ces derniers mois. Alors que le Premier ministre Ouyahia s�est d�plac� en personne � l�a�roport pour accueillir les �h�ros� du football qu�on a ensuite combl�s de tous les honneurs, alors que d�autres ministres se sont bouscul�s pour accueillir les joueurs du handball � qui on a offert g�n�reusement une prime de 800 000 DA chacun, alors que le pr�sident Bouteflika, malgr� sa maladie, trouve la force d�accueillir un Zidane fran�ais jusqu�� la moelle, alors que les regards de la soci�t� enti�re ont �t� branch�s intentionnellement sur des �v�nements sportifs � une drogue moderne � , nos responsables continuent � faire la sourde oreille aux revendications l�gitimes des fonctionnaires de l��ducation, un secteur n�vralgique pour le d�veloppement de tout pays qui se respecte. Pis encore, nos �irresponsables � usent et abusent de toutes sortes de prestidigitation, de mensonge, d�humiliation et de menace afin d��touffer le mouvement � travers lequel les employ�s du secteur n�ont pourtant demand� qu�une infime part du contenu du Tr�sor public, devenu la propri�t� priv�e d�une mafia prot�g�e par une justice sans honneur. Et maintenant que le secteur de l��ducation est en train de sombrer dans une crise profonde, il se trouve des parents et des associations qui pointent un doigt accusateur sur l�enseignant. Or, ces parents et ces associations ne se sont jamais inqui�t�es des conditions catastrophiques dans lesquelles leurs enfants �tudient. Ni l�abaissement de plus en plus alarmant du niveau ni les �checs r�p�titifs des �l�ves ne les ont jamais un jour incit�s � se poser des questions. C�t� coop�ration avec les enseignants, on peut dire qu�elle est nulle ; la plupart des parents ne viennent qu�au d�but de l�ann�e scolaire pour prendre les 3 000 DA. Quand un enseignant est devant un cas d�un �l�ve indisciplin� ou n�gligent, il doit convoquer son parent plusieurs fois avant que celui-ci ne vienne enfin en col�re pour motif qu�on lui a fait perdre une journ�e de travail ! Ne soyons pas hypocrites, l��cole est consid�r�e par de nombreux parents alg�riens comme une garderie qui ramasse leur prog�niture en attendant qu�elle grandit. Rien de plus. L�enseignant, une chandelle qui se consume En cons�quence de toutes sortes de pression exerc�e sur lui � l��cole et en dehors de l��cole, l�enseignant finit par contracter toutes sortes de maladies aussi bien au cours de l�exercice de sa profession qu�en fin de carri�re : d�pression, d�mence, m�lancolie, trous de m�moire, maladies cardiovasculaires, troubles du c�lon, etc., sont autant de maladies que risque l�enseignant d�attraper. Rien que dans la localit� o� je r�side, plus de cinq enseignants ont mis fin � leur carri�re, non sans difficult�s, apr�s avoir contract� une des maladies susmentionn�es et des dizaines d�autres en retraite ou encore � leur poste en souffrent. Et chose �tonnante, beaucoup de ces maladies ne sont pas reconnues comme invalidantes dans le secteur de l�enseignement. Un PES souffrant de d�pression est mis en disponibilit� et r�int�gr� plusieurs fois, selon son �tat, au lieu de le mettre � la retraite ! Un tel enseignant n�est-il pas en soi-m�me un danger pour toute la classe ? Et dire que le MEN veille sur la s�curit� et l�int�r�t de l��l�ve ! Pour finir, on peut dire que l�enseignant est une chandelle qui se consume pour �clairer la voie aux autres. Normalement, nous lui devons respect et gratitude. Sachons aussi que quels que soient l�honneur que nous lui rendons et le salaire que nous lui versons, nous ne pourrons jamais lui rendre autant de bien qu�il nous a fait. D. Messaoudi