Le cimetière, la tombe, la dernière demeure de l'homme. Depuis la nuit des temps, ils sont des endroits où l'on peut se recueillir à la mémoire de nos disparus. Les cimetières des martyrs est une autre paire de manche. Ils représentent plus qu'un endroit habituel, où on se recueille à la mémoire d'un proche, mais un endroit qui doit être respecté car il représente la mémoire collective de ceux qui se sont sacrifiés pour que vive le pays libre et indépendant : les chouhada de la nation. Ces cimetières ont cette particularité d'être des symboles de toute une nation qui n'oublie, en aucun cas, ceux qui ont donné leur vie pour l'indépendance de ses enfants. À Constantine-ville chef-lieu de wilaya, à l'endroit appelé «le Septième kilomètre», une sorte de forêt recouvre le cimetière des chouhada. C'est un lieu à l'état naturel sauvage, entouré d'arbres, bien entretenus, et un gardiennage assuré de jour comme de nuit. La maison du gardien est là également depuis 1984, date de la création de ce cimetière. Au début c'était environ 500 tombes, avant que ne soient transférées, vers la fin des années 1990, une trentaine de dépouilles de chouhada du cimetière du centre-ville dont celle du chahid connu Boudjeriou, selon le directeur de l'entreprise des pompes funèbres de Constantine. Ce dernier, à qui la gestion du cimetière a été confiée par la commune, dira : «Notre travail consiste souvent à faire les mêmes interventions dans les cimetières ordinaires et les préparatifs occasionnels des diverses cérémonies, notamment, les fêtes nationales». A l'instar de la commune de Constantine, ce sont dix cimetières qui existent sur les douze que contient la circonscription de la wilaya. Ils ont été créés au fur et à mesure après celui de la commune de Constantine, c'est-à-dire à partir de l'année 1984. Le dernier cimetière, créé en 2003, est celui de la commune de Benbadis, nous dira un responsable de la direction des moudjahidine à qui la mission du droit de regard sur ce patrimoine historique est attribuée. Le deuxième plus important cimetière en nombre de tombes est celui de Zighoud-Youcef avec 501 tombes, devant celui de Aïn Abid avec 119 tombes, alors que dans les autres, il n'y a pratiquement qu'une dizaine de tombes. Le problème commun à ces cimetières est l'identification de certaines tombes qui restent inconnues, ne portant pas de noms de chahid. A l'intérieur du cimetière des stèles ont été érigées portant les noms des chouhada, mais ne reflétant pas le nombre réel des tombes. Cela s'explique, selon un responsable de la même direction des moudjahidine, par le transfert des dépouilles vers les lieux d'origine des martyrs, connus par les anciens combattants. Certains ont été enterrés dans des fosses communes ou même individuellement sans la moindre indication. L'absence de traces et la disparition également de témoins font que de nombreuses dépouilles ne sont pas identifiées. Par ailleurs, deux communes de cette wilaya n'ont pas de cimetières de chouhada, Messaoud Boudjeriou et Beni Hemiden. Mais cela ne veut pas dire qu'elles n'ont pas eu de valeureux combattants tombés au champ d'honneur ou un passé révolutionnaire. Un projet de rassembler les chouhada de ces communes dans un lieu digne est avancé par certains mais, il est resté à l'état de proposition. Les autres cimetières des chouhada sont dans la plupart du temps des lieux «oubliés» sauf lors des occasions de fête nationale où des officiels viennent déposer une gerbe de fleurs et réciter la Fatiha. Pas même la moindre idée de faire parfois visiter les lieux à des enfants, des écoliers, ou même des jeunes dans le cadres de leur inculquer leur histoire. Un cimetière est toujours un lieu à visiter, et dans ce cas de figure, un endroit à revisiter la mémoire sinon quelle serait l'importance du lieu ?