A Azeffoun, petite ville côtière à l'est de Tizi Ouzou qui aurait dû être agréable, c'est un élu local qui est parti en guerre contre la détérioration de l'environnement. On ne sait pas si son discours particulièrement enflammé sur la question est prolongé dans l'action sur le terrain mais on sait qu'au micro de la radio, il n'a pas manqué d'enthousiasme. Bien sûr, le brave monsieur, comme tout élu du peuple soucieux de s'attaquer d'abord à ce qui fait la «spécificité» de sa région en la matière, est allé directement à ce qui saute aux yeux. On l'aura deviné, ce qui attire l'attention dans sa contrée en matière d'atteinte à l'environnement, est l'amoncellement affreux des canettes et bouteilles au bord de toutes les routes, chemins et terrains vagues de Kabylie. Une verrue sur le paysage qui suscite toutes les indignations, y compris parfois de ceux qui y contribuent tous les jours et sans retenue. Loin d'Azeffoun, là où il n'y a pas assez de canettes et de bouteilles en vente et là où on se cache encore pour se désaltérer, d'autres élus du peuple s'attaquent au sachet noir et aux restes de pique-niques sauvages. Quand on n'a pas de spécificité régionale, rien ne saute vraiment aux yeux, alors on s'occupe de ce que tout le pays «partage». Dans d'autres contrées de notre beau et vaste pays, là où il n'y a ni canettes, ni bouteilles, ni restes de pique-niques sauvages, il restera l'indétrônable sachet noir, tout seul comme un grand, une verrue nationale qui fait notre marque de fabrique «consensuelle». Là aussi, il y a des élus du peuple. Il y a même des associations, «à caractère social», comme on dit les statuts… standards. Dans des zones plus agitées, plus «branchées» sur les tendances planétaires parce qu'il faut bien être dans l'air de son temps, on appelle à planter des arbres et à protéger les plages. Ou plutôt à ne pas les salir, puisqu'elles sont bien protégées par ceux dont c'est le métier. Ils sont tellement branchés, ceux-là qu'ils organisent des vendredis sans voiture et organisent des rencontres pour lutter «contre l'exploitation du gaz de schiste» ! Tout ce beau monde partage donc quelque chose, chacun avec ou sans les spécificités de sa région ou de sa vocation. Mais ce qu'il partage le plus, c'est le fait que comme «forces de pression et de proposition» comme on dit dans le discours savant, ils oublient et souvent à dessein la moitié de leur vocation : la pression. Parce que pour faire pression, il faut dresser un état des lieux qui, en l'occurrence n'est pas très brillant. A défaut de revendiquer une politique de l'environnement qui préserve notre cadre de vie et intègre les exigences du développement, ils organisent des volontariats démagogiques, des «campagnes» de sensibilisation plutôt inquisitrices que mobilisatrices ou des séminaires ronronnant et sans lendemain. Et par-dessus tout, l'essentiel de leurs «initiatives» consiste à blâmer notre incivisme qu'à solliciter notre conscience. Encore moins à mettre le doigt sur l'incurie des politiques – ou plutôt des non politiques – de l'environnement de nos dirigeants. Y a-t-il quelqu'un pour dire aux dirigeants d'arrêter la fabrication des sachets noirs, de couper des platanes et de fermer les yeux sur les sablières ? Apparemment non. C'est vrai que c'est plus facile de fustiger les buveurs de bière et d'ergoter sur les gaz de schiste. Moins pénible et surtout moins engageant.