A l'heure des entraîneurs vedettes, longeant élégamment la ligne de touche dans leur costume de marque et préparant avec minutie leurs apparitions médiatiques, l'imperturbable entraîneur de la sélection espagnole Vicente del Bosque, fait figure d'exception. A 63 ans, le sélectionneur de la Roja quitte rarement le banc pendant les matchs et n'élève pas la voix durant les conférences de presse. Très loin de cet homme serein l'idée de se décrire comme étant "The Special One", lui qui est un peu l'antithèse de l'ancien entraîneur du Real Madrid José Mourinho. Et pourtant, Del Bosque, élevé par le roi d'Espagne au rang de marquis après son sacre au Mondial-2010 en Afrique du Sud, pourrait bien revendiquer le titre d'entraîneur de foot en fonctions le plus décoré, après avoir remporté presque tous les honneurs en club comme en sélection. Victorieux avec le Real Madrid de deux Ligues des champions (2000, 2002) en trois années et demi sur le banc merengue (1999-2003), Del Bosque a été appelé en 2008 pour succéder à Luis Aragones à la tête de l'équipe d'Espagne, qui venait de remporter l'Euro. Prendre les rênes d'une sélection juste après son premier grand titre international depuis 44 ans n'était pas tâche facile. Mais le calme de cet homme diplomate et ses tactiques conservatrices ont permis à une génération de joueurs incroyablement talentueux de continuer à s'épanouir. Gant de velours Affichant son air imperturbable derrière une épaisse moustache, Del Bosque a poursuivi, après Aragones, l'oeuvre collective du jeu espagnol, fondé sur la répétition des passes courtes, le fameux "tiki-taka" ou "toque". Et il a guidé la "Seleccion" jusqu'à décrocher la Coupe du monde, avant d'écrire un nouveau chapitre de cette légende en remportant l'Euro en Pologne et Ukraine, en 2012. Si La Roja poussait son parcours victorieux jusqu'à remporter le Mondial, Del Bosque deviendrait, avec l'Italien Vittorio Pozzo, le seul entraîneur à avoir remporté la Coupe du monde deux fois et le premier à mener son équipe jusqu'à trois victoires internationales. Le secret de la réussite pour cet homme modeste, aux manières exquises et au regard serein ? Loyauté et gant de velours. Le grand talent du natif de Salamanque est d'avoir su imposer ses idées avec une sorte de force tranquille, capable de désamorcer bon nombre de polémiques et de rivalités au sein de l'équipe. On avait vu cette force de persuasion à l'oeuvre en 2010-11 quand Del Bosque avait appelé à l'union sacrée Barcelonais et Madrilènes, chauffés à blanc après une série de quatre clasicos. Fidélité obstinée Grâce à deux de ses plus loyaux lieutenants, le capitaine et gardien de but du Real Madrid Iker Casillas et le meneur de jeu de Barcelone Xavi Hernandez, les rivalités s'étaient apaisées et un an plus tard, la Roja triomphait à nouveau à l'Euro. "Il m'a appris à vivre avec la victoire", confiait Iker Casillas. "Il a gardé le même calme durant les moments durs et les jours de gloire, lorsque nous brandissions notre trophée. Le respect et la normalité, c'est ce qui le définit jour après jour". Sa seule faiblesse depuis qu'il occupe le poste d'entraîneur pourrait être son obstination à rester fidèle à ceux qui lui ont rapporté des victoires. "Vicente est la personne la plus humaine avec laquelle j'ai partagé un vestiaire", remarquait Xavi. Compte-tenu des conditions climatiques exigeantes au Brésil et de l'usure d'une partie de ses joueurs, le choix le plus difficile pour Del Bosque sera sans doute d'insuffler du sang neuf à son équipe. Et donc d'écarter certains grands noms, comme peut-être David Villa (32 ans, Atletico Madrid), meilleur buteur de l'histoire de la Roja, ou Fernando Torres (30 ans, Chelsea). Déjà, dans sa liste provisoire de 30 joueurs, il a confirmé la mise à l'écart du défenseur du Real Madrid Alvaro Arbeloa, 31 ans, au profit des jeunes Dani Carvajal (22 ans) et Cesar Azpilicueta (24 ans). Une décision qu'Arbeloa semble avoir acceptée sans heurts, preuve du savoir-faire de l'apaisant Vicente Del Bosque.