Près de 90 pays, membres de l'Otan, de l'Union européenne, de pays d'Asie centrale et même l'Iran, des organismes financiers internationaux et jusqu'aux organisations humanitaires comme la CICR étaient représentés à la conférence sur l'Afghanistan, ouverte hier à La Haye sous l'égide des Nations unies. Officiellement, un tel rendez-vous répond au souci de la communauté internationale d'aider le gouvernement de Hamid Karzaï à mieux prendre en charge les affaires de l'Etat et à orienter le pays vers la stabilité. C'est ce qu'annoncent les Pays-Bas, le pays organisateur, à travers ce slogan : «Réaffirmer l'engagement solide et à long terme de la communauté internationale pour appuyer l'Afghanistan et son peuple à faire face à son destin.» Une action humanitaire qui n'a rien d'anormal pour un pays rasé trois fois en 20 ans. Sauf que la formule employée par les Pays-Bas évoque le «long terme», autrement dit que la fin de ce conflit n'est pas pour demain. Dialogue avec les taliban «modérés» L'objectif fondamental, les alliés ne le cachent plus, c'est de trouver le moyen de régler ce conflit qui dure depuis les attentats du 11 septembre 2001, avec tout ce que l'on sait comme pertes en vies parmi les soldats de la force sur place, l'Isaf. L'idée d'une telle conférence lancée en mars dernier par la secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, de réunir un maximum de partenaires pour aider l'Afghanistan préside de la certitude qu'ont les Etats-Unis et l'Union européenne, et leur bras armé l'Otan, qu'il n'y a pas de solution militaire au conflit afghan. Bush lui-même avait cette conviction avant de passer la main à Barack Obama qui avait fait de la fin de la guerre en Afghanistan la priorité des priorités de la diplomatie américaine. C'est donc par la voie diplomatie que les Etats-Unis veulent orienter le débat sur le problème afghan. Obama n'a pas caché son intention d'engager, si nécessaire, le dialogue avec la partie modérée des taliban. D'où l'invitation faite par La Haye aux pays musulmans voisins d'Asie centrale et l'Iran. Avec Téhéran, Obama veut faire d'une pierre deux coups : associer l'Iran à la recherche de la solution afghane et l'amener à renoncer au développement de son programme nucléaire à des fins militaires. Pari difficile, mais la partie a déjà commencé, hier. Mme Hillary Clinton a affiché la couleur dès sa prise de parole à La Haye, en invitant au dialogue les taliban qui refusent la violence. Elle a fait le même appel aux ex-membres de l'organisation terroriste de Oussama Ben Laden, les invitant à s'impliquer dans le processus de dialogue en gestation. «Nous devons soutenir les efforts du gouvernement afghan en vue de séparer les extrémistes d'Al Qaïda des taliban qui sont dans ses rangs, non par conviction mais par désespoir, et qui sont la majorité», dira la secrétaire d'Etat américaine. Appel du pied à Téhéran Sur sa lancée, Mme Clinton fait un appel indirect à l'Iran, en invitant les pays voisins de l'Afghanistan «à s'impliquer dans le processus de dialogue». Hormis le Pakistan, partenaire-clé pour dérouter Al Qaïda, par «voisins» de l'Afghanistan, les Etats-Unis entendent surtout l'Iran. Le vice-ministre iranien des Affaires étrangères chargé de l'Asie et du Pacifique, Mohamed Mehdi Ajundzade, qui conduit la délégation de son pays à La Haye, avait pris bonne note de cet appel du pied américain. Pour le moment, tout laisse supposer que la nouvelle stratégie américaine en Afghanistan trouvera la réponse souhaitée par la nouvelle administration Obama de considérer désormais le problème afghan pour encore longtemps le principal objectif de l'Otan. C'est le défi que se fixe désormais l'Alliance atlantique qui s'apprête à célébrer sous peu son 60e anniversaire. Le dialogue avec l'aile modérée des taliban est une option et rien de plus, pour l'instant. Lundi, le secrétaire général de l'Otan, Jaap de Hoop Scheffer, évaluait les besoins de l'ISAF : 1,6 milliard d'euros de dépenses annuelles nécessaires des alliés pour former 50 000 soldats nouveaux pour l'armée afghane. Celle-ci est composée de 80 000 qui nécessitent une plus importante instruction militaire. Et surtout un meilleur encadrement. Tout le monde ne trouve pas séduisante la stratégie de renfort des troupes préconisées par les Etats-Unis et l'Otan. Le gouvernement espagnol n'a jamais caché son refus d'aller vers cette solution, son armée ayant déjà perdu assez d'éléments à Herat, au centre de l'Afghanistan, où se trouve déployé son contingent de 700 soldats. Obama ne veut forcer la main à aucun allié. «Chacun peut contribuer selon ses moyens», a-t-il dit cette semaine. C'est ce qu'il plaidera vraisemblablement lors du prochain sommet de l'Otan.