L'Egypte a entamé mercredi l'établissement d'une zone-tampon à sa frontière avec la bande de Gaza palestinienne, ont annoncé des responsables de la sécurité, obligeant des dizaines de familles à quitter ce secteur du nord du Sinaï quelques jours après un attentat meurtrier. Vendredi, un kamikaze a lancé sa voiture bourrée d'explosifs sur un barrage militaire dans le nord de la péninsule du Sinaï, tuant 30 soldats dans l'attaque la plus meurtrière contre les forces de sécurité depuis la destitution par l'armée du président islamiste Mohamed Morsi en juillet 2013. Au lendemain de cet attentat, le président Abdel Fattah al-Sissi avait promis une réponse implacable à la menace existentielle que représentent les jihadistes pour l'Egypte, affirmant que beaucoup de mesures allaient être prises dans la zone frontalière entre son pays et la bande de Gaza pour traiter le problème à sa racine. Un haut responsable de la sécurité dans le nord du Sinaï a confirmé mercredi le début de l'instauration de la zone-tampon, estimant qu'elle était importante pour la sécurité nationale et la stabilité de la province. Les autorités veulent instaurer une zone-tampon large de 500 mètres sur environ 10 km de la frontière avec Gaza, ont précisé d'autres responsables de la sécurité, indiquant que quelque 800 habitations situées dans la zone concernée devaient être démolies. Des dizaines de familles ont commencé depuis mardi soir à quitter leur domicile dans la ville frontalière de Rafah, certaines faisant transporter leur mobilier par des camionnettes, ont indiqué des témoins. D'autres témoins ont affirmé avoir vu des bulldozers de l'armée entamer la destruction de plusieurs maisons abandonnées depuis longtemps le long de la frontière. Le porte-parole du gouvernement a affirmé que les familles concernées par le plan d'éviction allaient être dédommagées. Mais Wissam Al-Agha, un médecin de Rafah qui va perdre sa maison et ses terres, s'estime lésé: nous sommes pour la sécurité nationale et la protection des frontières, mais pas au détriment de nos intérêts et nos maisons. La mesure intervient alors que l'armée égyptienne mène depuis plus de deux ans une offensive dans le nord du Sinaï pour étouffer une insurrection jihadiste, sans pour autant réussir à faire cesser les attentats. La zone-tampon vise à isoler les terroristes dans des zones sans population, ce qui permet de les prendre pour cible plus facilement et limite les pertes civiles, affirme Imane Ragab, experte en sécurité, qui estime cependant que les résultats ne sont pas garantis: nous ne savons pas si cette zone est un bastion terroriste, ou juste leur terrain d'opération. L'Egypte soupçonne des activistes palestiniens de prêter main-forte aux attentats qui se sont multipliés dans le pays. Après l'attaque de vendredi, qui n'a pas été revendiquée, les autorités ont instauré un état d'urgence de trois mois sur une partie du nord du Sinaï, et fermé le terminal de Rafah, seul point de passage vers Gaza non contrôlé par Israël. Les attentats de ces derniers mois en Egypte sont le plus souvent revendiqués par des groupes jihadistes qui disent agir en représailles à la sanglante répression qui s'est abattue sur les partisans de M. Morsi et qui a fait plus de 1.400 morts.