Décidément Nabil Fekir est partout. En 24 heures, le joueur de l'Olympique lyonnais a mis en émoi les médias algériens et français après que la Fédération algérienne de football ait publié sur son site web la liste des joueurs sélectionnés par Christian Gourcuff pour faire la tournée du Qatar à la fin de mars. Comme dans cette liste on trouvait le nom de Fekir, cela a provoqué une véritable marée médiatique. Les Algériens se félicitaient de la nouvelle de savoir qu'il avait choisi leur équipe nationale alors que les Français se montraient surpris mais également déçus car nombreux, parmi eux, voyaient en lui le futur grand joueur de l'équipe de France. Le problème est qu'à l'heure où ces écrits étaient rédigés on avait l'impression de vivre un scénario complètement renversant. Effectivement, après la joie d'enregistrer la venue de Fekir, les Algériens ont subi une sorte de douche froide après que le joueur ait fait savoir, sur le site web du club lyonnais qu'il n'avait pas encore pris sa décision. «J'ai été très sensible à la convocation de l'équipe d'Algérie, mais je n'ai pas encore donné ma décision définitive. J'ai eu Christian Gourcuff au téléphone mais comme je l'ai déjà expliqué, je donnerai ma position avant la fin du mois de mars et il est donc trop tôt pour dire quoi que ce soit. Aujourd'hui, je ne pense qu'à l'Olympique lyonnais et en particulier au match de dimanche à Montpellier.» Voilà où on en était hier matin. Deschamps le piège Si on comprend bien, le joueur lyonnais est toujours hésitant sur la sélection pour laquelle il jouera. Nous avons là un joueur, d'à peine 21 ans, qui doit, certainement, vivre sous une énorme pression. Nabil est algérien d'origine. Il vit dans un cocon familial baigné dans les traditions du pays de ses parents. Mais il joue dans un club français, qui l'a formé et dont les dirigeants, le président Jean Michel Aulas, en premier, ne le voient vêtu que du maillot bleu de l'équipe de France. Pour des raisons financières essentiellement car pour eux un Fekir chez le Bleus serait plus rentable qu'un Fekir jouant avec les Verts. A partir de là, on devine que le président de l'OL a dû rapidement réagir après avoir appris que Gourcuff venait de sélectionner «son» joueur avec l'équipe d'Algérie. Aulas l'a dit et répété : «Nabil est la future star du football français. Je demande à Didier Deschamps (le sélectionneur de l'équipe de France) de le prendre très vite chez les Bleus. Il ne faudrait pas qu'on perde un tel joueur.» Un peu plus tard, Fekir, sans doute poussé par son président, s'était laissé aller à cette déclaration : «Si Deschamps m'appelle ce sera difficile de lui dire non.» Mais l'entraîneur de l'équipe de France est un malin. Averti de cette sortie médiatique du joueur, il a eu cette réponse pour le moins déconcertante : «Je suis libre de prendre qui je veux. Je ne vais pas m'amuser à prendre Fekir juste pour l'empêcher d'opter pour l'équipe d'Algérie. Ce n'est pas à moi de le pousser à choisir. C'est lui qui doit opter pour quelle sélection il veut jouer.» Deschamps envoyait ainsi la balle dans le camp de Fekir. Dans la famille de ce dernier, le père, Mohamed, joue un rôle non négligeant. Il faut savoir que durant le mois de février dernier, Nabil s'était séparé de son agent, Eric Castagnino, et s'était placé sous les conseils de son cercle familial où le père a un avis prépondérant. Il y a quelques jours, la chaîne de télévision Beinsport a diffusé un reportage sur le joueur. Quand il s'est agi de sélection, le journaliste s'est tourné vers le père du joueur. «Ecoutez, a-t-il dit, je ne vais pas vous cacher mon sentiment. Si ça ne tenait qu'à moi, Nabil jouerait pour l'Algérie mais je vous prie de me croire que ni moi, ni sa mère, ni ses frères et sœurs ne cherchons à l'influencer. Il faut que ce soit lui qui choisisse.» Cette annonce de Mohamed Fekir ne nous enlèvera, cependant, pas l'idée qu'il a de l'influence sur son fils. Ce dernier, dans une interview parue il y a quelques semaines dans le journal Le Parisien avait fait cet aveu : «Mon ambition est de devenir un joueur du Top 10 français puis d'aller jouer en Angleterre, à Arsenal précisément parce que c'est le club préféré de mon père.» Les appels de Raouraoua Jeudi dernier, à l'issue de l'assemblée générale de la FAF, le président, Mohamed Raouraoua, avait été assailli de questions par la presse sur le joueur lyonnais. La réponse du responsable du football algérien donnait l'impression qu'il ne fallait pas trop compter sur lui. «J'ai appelé Nabil puis son père le mois dernier mais ils n'ont pas daigné me répondre, a-t-il déclaré. Depuis je n'ai reçu aucun appel de leur part.» Pour étayer sa révélation, Raouraoua nous montre le listing d'appels sur son téléphone portable où on voyait clairement que le 21 février dernier il avait appelé Mohamed Fekir puis son fils. «Président, pourquoi ne pas le convoquer et voir comment il va réagir ?», lui avait, alors, lancé un journaliste. «Cela ne sert à rien, avait répondu Raouraoua. Nous ne convoquons que les joueurs qui nous ont donné leur accord pour venir. Nous avons besoin de joueurs engagés et pleinement acquis à notre projet.» Le même jour nous nous sommes rapprochés du manager de l'équipe nationale, Yazid Mansouri, qui nous avait confié que la liste des joueurs sélectionnés pour la tournée au Qatar allait être dévoilée dans la semaine. Dans la déclaration de Mansouri, il n'était pas question du tout qu'elle le soit le vendredi. Or c'est bien le vendredi, jour de repos en Algérie, où le responsable du site web de la FAF était censé être chez lui, que ladite liste a été donnée. Avec Nabil Fekir parmi les sélectionnés. Que s'était-il passé en 24 heures pour que l'on parvienne à une telle situation ? On a appris, et le joueur l'a confirmé, que Fekir a appelé Christian Gourcuff vendredi matin. Que se sont-il dit ? Nul ne le sait ou peut-être Mohamed Raouraoua. Sûrement même, car il est celui qui dirige le football algérien. A partir de là, on est obligé de spéculer sur la suite des évènements. Si Gourcuff a mis Fekir dans sa liste et s'est empressé de la diffuser sur le site web de la FAF c'est qu'il a dû obtenir des assurances de la part du joueur. Le Français n'aurait pas mis le nom de Fekir juste pour le mettre au pied du mur et l'amener à opter le plus vite possible. Comme Raouroua, il a déclaré qu'il a besoin de joueurs engagés, qui veulent jouer pour le maillot vert et non pas des éléments qui viendraient contraints et forcés. Seulement voilà, il y a eu cette réaction du joueur sur le site web de son club, réaction par laquelle il déclare qu'il n'a pas encore arrêté sa décision et qu'il entend se consacrer pour le moment à son club. Cette volte-face faisait, certainement suite à la remontrance de son entraîneur, Hubert Fournier, qui, dans la journée de vendredi, lui avait conseillé de «parler avec ses pieds plutôt qu'avec la presse. Ce qui arrive à Nabil ne fait que le démobiliser. Il faut qu'il songe à son club l'Olympique lyonnais et au match qui nous attend dimanche.» Ce qui ne manquera pas de soulager un peu Jean Michel Aulas après la frayeur qu'il a eue en apprenant que Gourcuff venait de sélectionner Nabil Fekir.