L'Union européenne a admis hier qu'elle devait enfin prendre à bras-le-corps la question des migrants en Méditerranée, où un navire transportant plus de 300 personnes était en train de sombrer, au lendemain d'un autre naufrage qui fait craindre des centaines de morts. «Nous n'avons plus d'alibi», a lancé la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, avant une réunion conjointe des ministres des Affaires étrangères et de l'Intérieur de l'UE. «Les tragédies de ces derniers jours, de ces derniers mois, de ces dernières années, c'en est trop», a-t-elle martelé. La nouvelle du chavirement d'un chalutier dimanche au large de la Libye, avec potentiellement 950 personnes à bord selon un survivant, a choqué le monde entier. Mais l'urgence est devenue encore plus évidente après que l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) a annoncé à la mi-journée avoir reçu un appel à l'aide d'une personne affirmant que son navire, avec 300 personnes à bord, était en train de couler dans les eaux internationales. Vingt passagers sont déjà morts et deux autres bateaux à proximité sont également en difficulté, a précisé ce passager à l'OIM, qui a contacté les garde-côtes italiens. Angela Merkel «bouleversée» Selon l'OIM, ceux-ci «n'ont pas les moyens de les secourir maintenant», car ils manquent de ressources en raison du naufrage d'un chalutier tôt dimanche au large de la Libye, probablement lorsque ses occupants se sont précipités du même côté en apercevant un cargo portugais venu porter secours. Seuls 24 corps et 28 survivants ont pu être repêchés alors que le chalutier de 20 mètres était capable de «transporter plusieurs centaines de personnes», selon les garde-côtes italiens. Les dépouilles des victimes ont été débarquées hier matin sur l'île de Malte. Les rescapés sont attendus plus tard dans la journée à Catane, en Sicile. Selon le récit d'un survivant, le bateau de pêche transportait quelque 950 personnes, dont une cinquantaine d'enfants et 200 femmes. Un autre a évoqué 700 passagers. Ces chiffres n'ont pas été confirmés de source officielle. La chancelière allemande Angela Merkel s'est dite «bouleversée», affirmant que l'Europe devait «trouver des réponses». Le pape François a appelé la communauté internationale à «agir avec décision et rapidité». «On a besoin de mesures immédiates de la part de l'UE et des Etats membres», a assuré Mme Mogherini, citant le renforcement de l'opération européenne de surveillance maritime Triton, mais aussi une meilleure répartition de l'accueil des migrants au sein de l'Union, alors que l'Italie, la Grèce, Malte et l'Espagne portent la quasi-totalité du fardeau. Les Européens sont très réticents à renforcer le secours en mer et à accueillir plus de gens, craignant que cela ne crée un appel d'air alors que le flot de migrants n'a jamais été aussi élevé. Selon le Haut-Commissariat aux réfugiés, 35 000 migrants sont arrivés par bateau dans le sud de l'Europe depuis le début de l'année, et 1600 sont portés disparus. «La réputation de l'Union européenne est en jeu», a jugé le chef de la diplomatie italienne, Paolo Gentiloni. A court terme, un renforcement de Triton se profile. «Il y a aujourd'hui vingt et un bateaux, quatre avions, un hélicoptère. Il faut des moyens beaucoup plus conséquents», a pour sa part souligné le ministre français, Harlem Désir. L'UE veut renforcer la lutte contre les réseaux de trafiquants, «qui est une sorte d'esclavage du XXe siècle», selon M. Gentiloni.