Cela fait longtemps que la clinique Sbihi de Tizi Ouzou traîne une réputation de mouroir pour bébés et pour les mères qui viennent les mettre au monde. Il paraît qu'on appelle ça les «parturientes», mais ceux qui ne connaissaient pas ce terme, pas très courant dans nos échanges, auraient pu découvrir son sens dans des circonstances plus gaies, sinon moins dramatiques. Cet établissement n'a pas bonne presse depuis au moins deux décennies donc, mais il n'a certainement pas volé sa réputation. Après chaque scandale plus ou moins révélé au grand public, on se remettait à croire à mieux. Sans doute parce que ce n'est pas vraiment difficile de faire… mieux que ce qui est assuré ici comme prestations. En matière de prise en charge médicale, de conditions de séjour et de… coût, toutes les femmes contraintes d'aller mettre au monde leur bébé dans cet établissement vous le diront : non seulement ce n'est pas la joie, mais il y est régulièrement question de considérations vitales ! Eh, oui, on parlait de «coût», ce n'est pas vraiment normal dans un établissement de santé publique, mais la clinique Sbihi a tous les tours dans son sac. De la petite magouille ordinaire des paramédicaux aux passe-droits des agents de service, en passant par de menus arrangements en salle, on a tout entendu sur cette clinique pendant des années. Mais il y a eu beaucoup plus grave : des gynécologues privés qui ne venaient dans cet établissement que pour la prise en charge de leurs «clientes», on en a aussi entendu. Bien sûr, quand il y a des privilèges, il faut toujours des moyens pour s'en payer. Il n'est donc pas difficile d'imaginer que ceux qui paient dans les situations les plus dramatiques sont encore les plus faibles. Six femmes perdent donc la vie au moment de la donner, dont quatre à la clinique et deux au CHU de la ville de Tizi Ouzou. Il faut les écouter, nos autorités, quand elles ont à cœur de nous expliquer que la situation n'est pas aussi catastrophique que «telle que nous l'imaginons», ou encore pire, «telle que ramenée par la presse» ! Il faut donc écouter le ministre de la Santé, M. Ziari, qui, dans une autre vie, a pourtant été professeur de médecine. Il se mettait au-dessus de la mêlée, comme si ce genre de drame n'a rien à voir avec la «politique» de santé publique, comme si l'établissement marchait comme sur des roulettes, comme si sa gestion était exemplaire et qu'il suffisait juste de situer les «responsabilités administratives» dans le décès des quatre femmes ! La tutelle est tellement au-dessus de la mêlée que le ministre de la Santé ordonne une enquête administrative en excluant l'enquête judiciaire ! Une enquête judiciaire que seule peut entraîner une plainte de la famille, ce qui n'est manifestement pas le cas ! Et ce n'est pas la seule façon qu'a M. Ziari de nous rassurer. Il ne le dit pas, mais il n'en est pas bien loin : que représentent quatre femmes qui décèdent sur dix mille qui accouchent dans cet établissement chaque année ? Et de nous expliquer que c'est presque normal qu'«il en soit ainsi dans un établissement qui fonctionne à… 136% de ses capacités ! Comme si cela aussi ne relevait pas de ses compétences ! Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.