Avec l'ouvrage Cinq dans les yeux de Satan de Hamid Ali Bouacida, paru aux éditions Casbah, l'auteur nous introduit dans un monde fantastique, onirique et dans une amère réalité. Prix Mohamed Dib, ce livre relate le quotidien des algériens avec leur désarroi, leurs préoccupations mais aussi leurs espérances dans un avenir meilleur. Ces nouvelles et histoires ancrées dans la réalité témoignent de cette liberté de dire ses sentiments, ses vagues à l'âme et ses inquiétudes. L'auteur ne fait pas un listing des difficultés mais rapporte avec sagacité et conduit avec panache ses histoires bien du terroir et de notre quotidien. Des problèmes de survie Dans son histoire Journal d'un nouveau pauvre, il livre sans complaisance le désintérêt pour le savoir tout en effleurant avec un ton mordant la nouvelle classe des prolétaires. Il persifle sarcastiquement les parvenus en rappelant l'impact de la connaissance et de l'érudition. Pour eux, l'argent est le seul Dieu. Lettre à mon psychiatre traduit notre quotidien avec tous ses tourments et ce mal-être. Le plus sensé pauvre hère deviendrait fou, puisque tout est kafkaïen; Mais qui des fous ou des gens normaux sont à plaindre ? On se débat dans des problèmes de survie, de logement, de pouvoir d'achat, d'injustice, etc. Aussi, caustique, il fait dire à son héros «prescrivez des logements et vous guérirez la moitié de vos patients, et des emplois pour soigner l'autre moitié. Et surtout, n'ayez crainte de perdre vos clients, il y aura toujours des cadres supérieurs et des chefs de service qui viendront vous confier leurs angoisses de ne pouvoir gravir les échelons». Cette satire explique ce vague à l'âme éprouvé par des millions d'Algériens. Racontant avec un humour noir, Bouacida met le doigt sur la plaie de cette Algérie exsangue. Dans ces contes magnifiques comme celui de La statue, c'est le manque d'espoir des jeunes qui est mis en évidence à travers cet onirisme. Le suicide, la seule et unique alternative au peu d'espoir d'une jeunesse sans repères et désargentée. Toutes les histoires de Bouacida recentrent le débat sur la malvie Dans carte d'identité littéraire, l'auteur reprend à son compte ses connaissances en pastichant chaque écrivain en donnant libre cours à son imagination. Il dit à bon escient : «Je suis riche de tes misérables, Victor et ton Emile m'a éduqué, Jean Jacques ; je sais le mal de tes fleurs, Charles et je suis ivre de ton bateau Arthur. Je n'ai pas fumé l'opium, ils m'ont donné le bâton, Mouloud, ils m'ont pris la terre et j'ai versé mon sang.» Toutes les histoires de Hamid Ali-Bouacida recentrent le débat sur la malvie et gravitent autour du quotidien souvent aléatoire. Bouacida a bien rendu cette atmosphère délétère et hypothétique dans laquelle se débat tout Algérien. Il parle des vicissitudes de la vie. D'une écriture fluide, cet ouvrage se lit d'un trait tant il détend par son aspect narquois ; un bon livre à lire et à en tirer profit.