L'instruction du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, interdisant toute activité des partis politiques dans l'enceinte universitaire, soulève la colère des partis de l'opposition qui dénoncent une provocation et un énième verrouillage des libertés démocratiques. Pour le RCD, cette instruction «visant à interdire l'expression politique et le débat au sein des universités est une provocation de plus à l'égard de la communauté universitaire et des acteurs politiques qu'on veut réduire au silence». «A ce rythme, ils peuvent même interdire les études de sciences politiques au sein des universités. Nous sommes devant une hérésie», estime, ironique, Atmane Mazouz, chargé de communication du RCD. Il ajoute qu'à travers l'instruction, le gouvernement prépare le lit de l'obscurantisme et de l'abrutissement de l'université. «Une université sans opinion ni débats politiques, c'est l'arrêt de mort à une société moderne et universaliste», soutient-il, précisant que son parti rejette le «retour de la pensée unique, prélude à un autoritarisme». Notre interlocuteur appelle la communauté universitaire à réagir et refuser cette instruction. Dans un courrier adressé le 25 novembre dernier aux responsables des universités, le secrétaire général du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique a souligné qu'«en application de l'instruction du Premier ministre (…), les responsables d'institutions de l'enseignement supérieur et de la recherche scientifique sont instruits d'interdire toute activité politique au sein des établissements universitaires». Une atteinte aux libertés démocratiques «C'est une démarche qui s'inscrit dans une autre démarche plus large qui consiste à donner un tour de vis supplémentaire à l'exercice des libertés démocratiques au moment où l'on appelle à la levée de toutes les contraintes», dénonce le secrétaire général du Parti socialiste des travailleurs (PST), Mahmoud Rechidi. Joint au téléphone, le SG du PST estime que nous assistons à une situation de verrouillage des libertés et de la vie politique, y compris au sein de l'université censée, a-t-il expliqué, «être ouverte aux idées, aux débats et à l'opinion». Pour lui, la mesure vise également à bâillonner les étudiants afin de les empêcher de dénoncer les blocages notamment celui du système LMD. Notre interlocuteur fait un lien entre cette instruction et les choix économiques du gouvernement. «Le verrouillage des libertés démocratiques a un lien avec les choix économiques du gouvernement», a-t-il soutenu, estimant que la situation est devenue intenable. Pour sa part, le FFS dénonce «avec la plus grande fermeté cette nouvelle manœuvre» qui vise, selon le parti, «l'isolement de l'université de ce qui se passe dans le pays». Youcef Aouchiche, chargé de communication du plus vieux parti de l'opposition, estime que cette instruction est signe de panique d'un régime politique dans l'impasse. Signe de panique «L'espace universitaire a toujours été et restera le creuset de l'éveil, de la prise de conscience et de la lutte pour la liberté et l'émancipation en Algérie comme dans d'autres pays à travers le monde», déclare-t-il. Il ajoutera que «renier cette réalité en tentant de rétrécir le champ d'action d'un espace, qui même dans l'appellation représente l'ouverture vers le monde, n'est qu'un autre signe de panique d'un régime politique dans l'impasse». Notre source précise que son parti travaille pour revivifier le débat politique et social au sein des universités et milite pour que l'université soit un espace de veille et un levier pour la construction et le développement du pays. «Nous avons besoin de l'implication de la communauté universitaire, de son savoir-faire et de son énergie pour sortir le pays du statut quo. Nous considérons que dans ce climat de crise, la place et le rôle de la communauté universitaire sont irremplaçables et fondamentaux. Elle doit être une locomotive pour la prise de conscience, la clarification, la sensibilisation et la mobilisation de l'opinion», explique-t-il, affirmant que l'université est très bien placée pour remplir ces missions. Le soutien du FLN L'instruction du Premier ministre interdisant les activités des partis politiques au sein de l'université gagne l'assentiment du FLN. Le parti majoritaire soutient cette mesure sans aucune réserve. «C'est une bonne chose et nous saluons cette mesure», indique le chargé de communication du parti, Hocine Khaldoun. «Nous refusons ce genre d'activités pour épargner à l'université les affaires politiques. C'est la franchise universitaire», a-t-il ajouté, précisant que «sur le principe, la loi sur les partis politiques interdit déjà ces activités au sein de l'université». «Qui veut faire de la politique, qu'il aille ailleurs», a-t-il fulminé.