Ils étaient tous là, des vieux, des jeunes, des moins jeunes, des femmes, des enfants. Ils étaient là, malgré le froid glacial de cette énième matinée ensoleillée de cet hiver sans pluie, à venir s'agglutiner sur les abords des trottoirs pour rendre un ultime hommage à Hocine Aït Ahmed dont la dépouille devait traverser le centre de la capitale du Djurdjura. Ils étaient donc là, dès les premières heures de la matinée. La ville était quasiment fermée. Une lourde atmosphère qui avait les apparences et les allures d'une gueule de bois. Tout au long de l'avenue Abane-Ramdane, soit de l'entrée ouest de la ville des Genêts jusqu'à la sortie- est, les forces de sécurité ont été déployées en force pour encadrer la foule qui attendait dans le recueillement et la compassion l'arrivée du cortège funèbre. On ne parle que du défunt, de son parcours, ses qualités, ses convictions aussi bien politiques, qu'autres. Debout, son cache-col enrôlé autour du nez pour se prémunir de cette brise glaciale qui le titille, Ahmed Rebib, que nous avons apostrophé à ce sujet, dira : «Aït Ahmed était et restera un grand homme politique et un révolutionnaire qui a marqué de son empreinte l'histoire contemporaine de l'Algérie en particulier la guerre de libération.» et d'ajouter : «jusqu'au bout, il est resté digne, fort de ses convictions, lui qui n'a jamais été au bout de ses rêves, de ses projets politiques qu'il emporte comme son viatique.» La ville est fermée, l'atmosphère est lourde et contraste avec les rayons du soleil qui commencent déjà à donner un peu de chaleur. Seuls quelques commerces sont ouverts et les voix des poissonniers parviennent du marché couvert situé à la rue capitaine Si Abdellah, adjacente à la grande rue où des milliers de personnes attendent dans un silence quasi-religieux le passage du cortège funèbre. 9h48, le cortège, composé de plus d'une centaine de véhicules, à sa tête l'ambulance transportant la dépouille du père du FFS, arrive. Devant le carrefour Matoub-Lounès, il observe une légère halte avant de poursuivre son chemin en passant devant l'ex-hôtel de ville faisant face au rond-point. Là, la foule est compacte. Elle applaudit le passage du cortège et scande des slogans : «Assa azekka Si El Hocine yella yella, assa azekka le FFS yella yella». Le passage devant l'ex-hôtel de ville est un moment fort. Une véritable charge d'émotion. Car c'est là qu'un certain 29 septembre 1963 que feu Aït Ahmed a proclamé la création du FFS. Le cortège poursuit son chemin et fonce droit vers Oued Aïssi où là aussi des gens se sont arrêtés pour s'incliner à la mémoire de cette illustre figure, du combattant infatigable qu'était Aït Ahmed. Il entamera ensuite la montée vers sa terre natale, là haut dans les rudes montagnes, en passant par Mekla où la population est sortie en masse pour se recueillir et lui rendre hommage. A Tizi Ouzou-ville, la circulation retrouve son rythme. La ville se réveille et sort de sa léthargie. Mais nombreux sont ceux dont les pensées vont vers la haute montagne d'Ath Yahia où doit avoir lieu la mise en terre de la dépouille d'Aït Ahmed pour le repos éternel.