16h10. Aéroport international Houari Boumediène. C'est l'émeute au sein de l'aéroport. Hocine Aït Ahmed, le leader charismatique du FFS, vient enfin de faire son apparition en franchissant une porte qui donne sur la salle n°4 du hall des arrivées. Une foule galvanisée scande à l'unisson : « Ya l'Hocine, mazalna mouâridhine » (Nous t'en faisons le serment, nous sommes toujours des opposants), « Djazaïr horra dimocratia » (Algérie libre et démocratique) ou encore « Assa, azeka, le FFS yella yella » (Aujourd'hui et demain, le FFS est toujours là). Les premiers militants commençaient à investir l'aéroport dès la matinée. Le vol AH 2047 qui devait ramener le vieil opposant de 81 ans, en provenance de Genève, devait atterrir à 14h50, indiquait un tableau électronique. A 13h, il y avait déjà tout un attroupement aux abords du terminal des arrivées, brandissant qui une pancarte, qui une affiche, qui un drapeau. Beaucoup parmi eux ont fait le déplacement de loin, depuis la haute Kabylie, Tazmalt ou Akbou. Dans le parking, plusieurs bus « militants » sont stationnés, harnachés avec soin pour la circonstance. « Il y a eu sept bus qui ont fait le déplacement depuis Tazmalt », nous dit ammi Saïd, la soixantaine, une pancarte à l'effigie du « zaïm » à la main. « Nous sommes 154 adhérents rien qu'à la section FFS de Tazmalt », précise-t-il. « Nous avons pris le départ de bonne heure. A 8h30, nous étions déjà à Alger », poursuit le vieux militant. Plus qu'une poignée de minutes et sa longue attente va enfin trouver sa juste récompense. « C'est un grand jour pour moi. Le frère Hocine va être là. J'en suis à la fois ému et honoré », confie ammi Saïd. Pour lui, le vent de fronde qui avait soufflé sur le parti n'est qu'une bagatelle : « Il faut suivre la ligne du parti et respecter le règlement intérieur », dit-il. Notre interlocuteur ne veut même pas songer à l'« après-Aït ». « Il est encore jeune », martèle-t-il trois fois. Pendant ce temps, la jeune garde organise l'accueil. Karim Tabbou est là, vêtu d'un costume clair. Il honore tous les militants de la base présents dans le hall d'une chaude poignée de main et enchaîne les embrassades. Tous les membres des instances suprêmes du parti sont présents. On peut également reconnaître certaines figures emblématiques du FFS qui ont, à un moment ou un autre, présidé à ses destinées, à l'instar notamment de Ahmed Djeddaï (qui a pris un coup de « jeune » en se rasant la moustache) et Djoudi Mammeri. A partir de 15h, l'aéroport pavoisé aux couleurs du FFS chauffe. La foule piaffe d'impatience. Des policiers en combinaison bleue s'agitent autour de la porte par laquelle va (enfin) sortir Hocine Aït Ahmed. Le comité d'accueil se met en place : une jeune fille avec un bouquet de fleurs, une petite fille avec une robe blanche, une autre avec une robe kabyle traditionnelle et un jeune coiffé d'une chéchia blanche. Sur une pancarte brandie d'un geste solennel et ornée de deux drapeaux, on peut lire : « Novembre, Bandoeng, la Soummam, GPRA : nos repères, les lieux et les chemins de la liberté », et plus bas : « Une vie au service de la liberté ». Bientôt, le comité disparaît en compagnie de Karim Tabbou et d'autres cadres du parti. Eux seuls sont autorisés à aller à l'accueil de l'illustre opposant dans la zone « bagages », au grand dam des reporters et des photographes amassés derrière la haie de sécurité. A mesure que le temps passe, les militants sur le qui-vive s'excitent. Le président du FFS avait dû transiter par le salon VIP, selon un membre du secrétariat national. Quand il apparaît enfin, c'est le branle-bas de combat. Hocine Aït Ahmed arbore quelques signes de fatigue. Il est élégant dans sa veste blanche assortie d'une chemise immaculée. Son apparition provoque une véritable liesse dans l'enceinte de l'aéroport, au désespoir des policiers et des gardes du corps qui seront totalement dépassés, entre des affidés en transe et des photographes qui courent dans tous les sens. Assailli, M. Aït Ahmed ne fait pas de déclaration. Collé de près par une foule compacte, il salue de la main en essayant de se frayer un chemin jusqu'à la sortie. La foule exaltée reprend ses slogans militants de plus belle sous le regard amusé des passagers. La voici criant « Pouvoir assassin ». Des voyageurs se joignent au chœur, entraînés par l'allégresse populaire. D'autres sortent précipitamment leurs portables pour une photo souvenir. Aït Ahmed parvient difficilement à s'engouffrer dans le véhicule qui l'attendait. Le cortège qui l'accompagne quitte l'aéroport à grand-peine. Hocine Aït Ahmed prendra part au 4e congrès qui se tiendra les 6 et 7 septembre à Zéralda. D'ici là, il va sans doute entamer une série d'entretiens et de consultations avec des personnalités politiques d'envergure. Pour rappel, sa dernière venue en Algérie remonte à novembre 2004 lorsqu'il avait animé un meeting à Aïn Bénian en compagnie de Mouloud Hamrouche et de Abdelhamid Mehri, à l'occasion du cinquantenaire de la Révolution.