Ceux qui ont fait le déplacement jeudi au siège national du FFS n'oublieront pas de sitôt cette journée. Et ils étaient des milliers à le faire. La raison ? Accueillir la dépouille et se recueillir à la mémoire de Hocine Aït Ahmed, dernier père de la nation, décédé le 23 décembre à Lausanne (Suisse) et rapatrié jeudi, avant d'être enterré hier dans son village natal Ath Ahmed (Tizi Ouzou). Les moments étaient forts et chargés d'émotion, atteignant leur cime à 17h, lorsque le cercueil de la dépouille mortelle du Zaïm, enveloppé dans l'emblème national et porté par des éléments de la Protection civile a franchi le portail du siège du parti. «Assa azekka, Si L'Hocine yella yella» (aujourd'hui comme demain, Si L'Hocine est toujours là) scandent à gorge déployée les milliers de personnes qui ont assiégé les locaux du plus vieux parti de l'opposition. Dans une ambiance chargée qui donne des frissons, l'assistance lance comme un seul homme «Si L'Hocine, Si L'Hocine, mazalagh mouâridhine» (Si L'Hocine, on est toujours des opposants. «Djazaïr houra démocratia» (Algérie libre et démocratique) scandaient aussi à gorge déployée ceux qui sont venus rendre un dernier hommage au petit-fils de Chikh Mohand El Hocine. Sous les airs des versets coraniques, les youyous se mélangeaient aux larmes des gens venus rendre l'ultime homme à l'homme qui a offert sa jeunesse pour l'indépendance du pays et le restant de sa vie pour la construction d'un Etat de droit. Hélas, son combat n'a pas abouti de son vivant. Mais les amoureux de Dda L'Hocine n'ont pas attendu l'heure de l'arrivée de sa dépouille pour prendre d'assaut le siège du FFS. Dès les premières heures de la matinée, des citoyens anonymes et des militants du parti commençaient à affluer vers les hauteurs d'Alger, alors qu'un dispositif sécuritaire important était déployé dans les environs. A 15h, les organisateurs étaient dépassés par l'ampleur de la foule qui s'est constituée dans l'entourage immédiat. Le seul souci des présents : se frayer un chemin pour accueillir un homme qui revient d'un long exil. Le siège du FFS s'est transformé, pour ainsi dire, en véritable mecque ce jeudi vers lequel des déferlantes humaines se sont dirigées. Le recueillement commence à 17h, juste après le dépôt de la dépouille du défunt sous un chapiteau installé au milieu de la cour du siège. Aux milliers de citoyens et militants anonymes s'ajoutent les chefs et représentants des partis politiques, toutes tendances confondues, venus, comme par obligation et devoir, saluer la mémoire d'un homme pas comme les autres. L'homme consensuel L'ancien chef du gouvernement, ami du défunt, Mouloud Hamrouche, est arrivé 20 minutes avant l'accueil de la dépouille. Il était le premier à se recueillir sur lui. Le défilé des délégations des partis affluaient sans discontinuité vers le siège du FFS. Opposition ou partis du pouvoir, tous étaient unanimes à s'incliner devant la mémoire d'Aït Ahmed, en présence des membres de sa famille, sa veuve et les dirigeants du plus vieux parti de l'oppostion que le défunt a lancé en 1963. Du RCD, représenté par son actuel président Mohcine Belabbas et son ancien dirigeant, Saïd Sadi, à Ali Benflis, en passant par Louisa Hanoune (PT), Abderrazak Mokri (MSP), Abdellah Djaballah (FJD), Ali Haroun…, tous étaient là, rassemblés qu'ils sont par le devoir de prier pour Dda L'Hocine qui militait pour le multipartisme lorsque certains d'eux étaient des adolescents. Les officiels étaient pratiquement absents. Lorsque le wali d'Alger, Abdelkader Zoukh, est arrivé, il était sifflé. «Si L'Hocine, Si L'Hocine, mazalagh mouâridhine» (Si L'Hocine, on est toujours des opposants), crient l'assistance sous guise de rappel au représentant de l'administration. A minuit, lorsque la foule «s'est dispersée», l'ancien patron du DRS, le général de corps d'armée, Mohamed Mediène, dit Toufik, fait son apparition. Il s'est recueilli sur la dépouille d'Aït Ahmed, se refusant à tout commentaire. La stature de Hocine Aït Ahmed et sa réputation qui dépasse les frontières a fait que des responsables politiques de pays étrangers ont fait le déplacement au siège du FFS pour se recueillir à la mémoire du Zaïm. L'ex-Premier ministre marocain, Abderrahmane El Youssoufi, et l'ancien président de l'Assemblée constituante de la Tunisie, Mustapha Ben Jaâfar, ainsi que le patron du parti tunisien Ennahda, Rached Ghannouchi, ont bien voulu rendre hommage à un homme qui a milité également pour la construction d'un Maghreb uni. «Un symbole parmi les symboles de la révolution et la liberté dans le grand Maghreb, l'Afrique et l'Asie. Notre génération a grandi sous l'admiration de ce grand combattant, Si Aït Ahmed», a lancé le président d'Ennahda. «On le considérait avec ses compagnons de l'époque comme nos idoles. Ils nous ont appris que la liberté est une grande chose et que la colonisation doit être combattue», a-t-il ajouté. A 7h du matin, hier, alors que le soleil s'apprêtait à jeter ses lumières sur l'Algérie, le cortège funèbre s'est ébranlé d'Alger vers le village natal où le corps d'Aït Ahmed se reposera à jamais à côté de celui de sa mère à l'enterrement de laquelle il a été empêché d'assister.