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Dans l'Algérois: Une tradition à maintenir et «Laâdjouza» à chérir
Publié dans Le Temps d'Algérie le 11130

Yennayer, nouvel an berbère, est célébré chaque année dans toutes les régions du pays, avec pour chacune sa propre spécificité et à cause de l'austérité, à chacun ses moyens.
Une petite virée au cœur battant d'Alger-Centre, évidemment à l'incontournable marché de Meissonier, s'est imposée. Histoire de partager avec nos lecteurs l'ambiance régnante à la veille du nouvel an berbère. Hélas, force est de constater, malgré une météo resplendissante, le manque d'intérêt manifesté par les Algérois. Ni ornements ni décorations, encore moins d'atmosphère spéciale n'annoncent cette fête. En effet, la veille du 12 janvier, soirée de fête, la foule n'a pas pris d'assaut les marchés, généralement en rupture de stock en temps de célébration.
«Fêter Yennayer, c'est sauvegarder nos coutumes et traditions. On a perdu beaucoup de fêtes nationales en Algérie, et à l'heure de la modernité, les gens ne sont plus attachés à leurs traditions. Des jeunes ne savent même pas ce que veut dire Yennayer, c'est malheureux», nous dira Saliha, une sexagénaire rencontrée au marché de Meissonier. «L'avènement du nouvel an berbère donne lieu à une ambiance particulière.
A Alger, cette période est empreinte de ferveur, de joie et de communion. De notre temps, toutes les familles algéroises s'y préparaient plusieurs jours à l'avance. C'est une tradition bien enracinée chez nous», poursuit Saliha.
Avec son Hayek Mrama, et la moitié de son visage couvert avec un Aajar (voilette), elle nous dira que la ménagère dévouée qu'elle a été, prenait d'assaut les magasins pour faire ses emplettes, et les marchés grouillaient de monde et ne désemplissaient jamais. A Meissonier, rue Ferhat-Boussad, on trouve toutes sortes de denrées alimentaires mais la star des étals reste le Traz (fruits secs, noix, noisettes, figues sèches, marrons, amandes, cacahuètes, dattes, oranges, pommes, pistaches, dragée...) ainsi que des montagnes de friandises qu'on trouve sur les étals des marchés.
«Ici à Alger, on préparait des repas copieux et généreux pour un bon présage.
Pour que l'année qui s'annonce soit abondante. Nos repas sont à base de blé, de semoule et de viande ou de volaille. De la Rechta ou la Chekhchoukha avec du poulet, des légumes et des poids chiches. Le soir, s'il y a un bébé dans la famille, on le met dans une «Djefna», et on verse le Traz sur lui. Quant aux enfants, on a pour tradition de leur appliquer du henné sur la paume de la main. Tout cela dans une ambiance conviviale et familiale», a ajouté Saliha avec beaucoup d'émotion et de nostalgie dans la voix.
Un peu plus loin, on rencontre Tayeb, un jeune vendeur de fruits secs dans la boutique de son grand-père. Son magasin donne l'eau à la bouche avec tout ce qu'il a exposé comme friandises de toutes les couleurs et de toutes les formes. Questionné sur les prix du Traz et des friandises, Tayeb nous confie que ces derniers sont déjà assez élevés au cours de l'année. «On n'attend pas les périodes de fêtes pour augmenter nos prix, ils le sont déjà assez au cours de l'année.
Il faut savoir que les prix de gros sont de moins en moins abordables», nous dira-t-il. «On célèbre Yennayer chaque année, c'est notre nouvel an à nous. On essaye de maintenir les traditions de nos aînés même si la vie est devenue très chère. Donc, pour cette occasion, on s'approvisionne en petites quantités. On essaye d'acheter un peu de chaque produit «el-mkhalet» (le mélange) pour faire plaisir à toute la famille», indiquera Aïcha, jeune maman, qui s'approvisionnait chez Tayeb.
Laâdjouza, le mythe de la vieille, toujours d'actualité
Yennayer, premier jour de l'an du calendrier agraire (calendrier grégorien) devenu universel. Pour les berbères, il correspond au premier jour de janvier du calendrier julien. Cette fête ancestrale traduit l'importance accordée aux rites, aux traditions et aux superstitions de l'époque dont certaines subsistent encore de nos jours. Parmi les mythes de Yennayer, on retrouve, Laâdjouza. «Laâdjouza, c'est comme cela que l'on appelle Yennayer dans certaines régions du pays et notamment ici à Alger. Cette appellation correspond au ‘‘Doum'', une friandise qui ressemble à s'y méprendre à un artichaut qu'on épluche tel du maïs.
Pendant Yennayer, on évite au maximum de manger des aliments épicés ou amers pour se préserver d'un mauvais sort de la vieille», nous explique Azzedine, octogénaire qui a pour habitude de jouer au domino avec les habitants de son quartier, rue Mohamed-Neggazi près du marché de Meissonier. Pour ce qui est des histoires et légendes autour de Laâdjouza, elles sont différemment contées aux quatre coins du pays. Chaque contrée et localité a sa propre version. Les Kabyles disaient qu'une vieille femme, croyant l'hiver passé, sortit un jour dans les champs et se moqua du soleil. Yennayer, mécontent, emprunta deux jours à furar (hiver) et déclencha, pour se venger, un grand orage qui emporta, dans ses énormes flots, la vieille. Le dîner de Lâdjouza fut destiné depuis à éloigner les mauvaises ondes.
Mythe ou réalité !
Dans l'inconscient collectif, Laâdjouza existe toujours ! Cette appellation continue d'effrayer beaucoup. Le mythe de la vieille a marqué les esprits, d'ouest en est et dans les régions berbérophones. Au Maroc, par exemple, lors du repas de Yennayer, les parents brandissent la menace de la vieille si leurs enfants ne finissaient pas leurs assiettes : «La vieille de Yennayer viendra vous ouvrir le ventre pour le remplir de paille et vous enlèvera toutes vos friandises.» Bien des histoires que nos grand-mères continuent de nous raconter. Avec la promotion de la langue tamazight dans la Constitution, et l'éventuel inscription de Yennayer au patrimoine culturel immatériel de l'Unesco, cette fête continuera de nous émerveiller et de nous enchanter chaque année.


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