Le vice-président de l'APN, mouhafedh de Tizi Ouzou et membre du Comité central du FLN, a joué un rôle important dans l'inscription de l'officialisation de la langue amazigh dans le programme du parti majoritaire. Dans cet entretien, il s'exprime sur la question après la constitutionnalisation de tamazight. Le Temps d'Algérie : Le Conseil des ministres vient d'adopter le projet de la nouvelle Constitution. Au sein du FLN, vous avez insisté sur la question de l'officialisation de la langue amazigh. Quel est votre sentiment après la satisfaction de cette revendication ? Saïd Lakhdari : C'est un sentiment de soulagement, de joie et de fierté à la fois. C'est l'aboutissement d'un long combat. Maintenant, cette reconnaissance officielle du fait amazigh et la réparation d'une injustice infligée pendant longtemps à cette constante de l'identité nationale permettront de renforcer la cohésion nationale. L'officialisation de tamazight réconcilie l'Algérie avec son histoire d'abord, son identité ensuite et ses grands principes puisés dans le long combat pour l'émancipation des peuples. C'est une décision sage, courageuse et porteuse de progrès qui place tous les acteurs de la société devant leurs responsabilités. Je tiens particulièrement à rendre un hommage appuyé à tous ceux et à toutes celles qui ont milité avec engagement et sincérité pour la cause (langue, culture et identité) amazigh. Permettez-moi de citer l'un des géants de cette cause, Ali Laïmèche, et que les autres militants trouvent ici mes excuses de ne pouvoir les citer tous. Le projet de révision de la Constitution institue une académie pour promouvoir tamazight. Pensez-vous qu'elle soit suffisante pour la promotion de cette langue ? Elle est nécessaire mais pas suffisante. Cette académie permet de soustraire la question aux positions dogmatiques et de l'appréhender sur la base d'une démarche scientifique. Cependant, c'est par la production écrite touchant l'ensemble des domaines d'activité de la vie avec tous les supports possibles que l'on favorisera son avancée à travers toutes les contrées du pays. Il est aussi nécessaire, pour une meilleure intégration et promotion de tamazight, de l'introduire dans les domaines de la création culturelle et artistique par des œuvres de qualité. Ce qui se fait actuellement manque énormément de qualité. Enfin et surtout, c'est à l'école dans tous ses paliers et à l'université d'ouvrir leurs portes à la langue amazigh en utilisant des méthodes didactiques modernes avec une généralisation graduelle à travers tous les établissements nationaux en tant que module au même titre que tous les autres modules de base. Après son officialisation, que reste-t-il à faire sur le plan politique pour réparer l'injustice subie par l'identité amazigh ? La constitutionnalisation est un pas. Il en reste beaucoup d'autres à faire. Il faut d'abord travailler et œuvrer à faire aimer la langue par la pratique dans tout le pays, car une langue ne peut être le produit d'un laboratoire. C'est la socialisation qui fait une langue. Il faut aussi favoriser les débats sereins et les tables rondes sur la question en invitant les spécialistes de toutes obédiences à la télévision avec des modérateurs qualifiés. Et pour une meilleure et rapide assimilation, il ne faudrait surtout pas agir dans le sens d'opposer les différentes variantes de la langue. Au contraire, il faudrait rechercher ce qui les rapproche et laisser ce travail aux experts et spécialistes en la matière. Idem pour la question de la transcription. Le débat politique ne doit pas l'emporter et surclasser le travail et les approches académiques. Il faut également œuvrer à dépasser les appréhensions et les craintes et isoler les esprits réfractaires. En somme, il faut créer les conditions d'épanouissement de notre langue. Les revendications corollaires comme la reconnaissance de Yennayer au même titre que les premiers jours des calendriers hégirien et grégorien doivent être satisfaites. Le chemin est encore long mais le travail, la persévérance finiront par triompher. L'Algérie doit assurer pleinement sa pluralité et sa diversité qui font sa richesse. Permettez-moi de terminer en souhaitant Asseggas ameggaz à tous les Algériens à l'occasion du nouvel an berbère.