L'Algérie renforce la sécurité de ses frontières avec le Maroc. Ce n'est plus une fermeture des limites terrestres qui séparent les deux Etats, mais un blocage définitif de tous les échanges «informels» et «criminels» qui se faisaient jusqu'ici au niveau des frontières. «Lalla Maghnia» est le nom donné à la énième opération ordonnée par le commandement de la Gendarmerie nationale pour stopper la contrebande. Si l'activité exercée jusqu'ici était une source de gain pour les familles des deux côtés de la bande frontalière, le plan Lalla Maghnia ne compte tolérer aucun dépassement qui porterait atteinte à l'économie nationale. La Route nationale 99 qui relie Sebdou à Maghnia donne une vue imprenable sur la ville marocaine de Oujda. De loin, on se rendrait à peine compte que nous portons le regard sur un autre pays. Mais, c'est là que l'Algérie marque ses limites avec son voisin de l'Ouest. Cette route est habituellement encombrée d'automobilistes. L'habitude a changé. Quelques habitants des 45 villages de la wilaya de Tlemcen l'empruntent désormais. La raison ? Plusieurs ceintures sécuritaires ont été mises en place pour empêcher toute activité illégale. D'abord, et pour faire face à la contrebande la Gendarmerie nationale a encore renforcé sa présence aux frontières avec le déploiement des unités des gardes-frontières au niveau des postes avancés en les dotant de moyens humains et de nouveaux équipements logistiques. Juste derrière, les tranchées creusées en 2013 ont été élargies à sept mètres de largeur et plusieurs mètres de profondeur pour dissuader les trafiquants. Cela a permis dores et déjà de mettre en échec le passage vers le Maroc de produits de contrebande, notamment ceux subventionnés par l'Etat algérien (sucre, lait, légumes secs...). En plus de l'empêchement de l'introduction dans le territoire national d'importantes quantités de kif traité. Dans la même première ceinture, la GN de la wilaya de Tlemcen a procédé récemment à la démolition de 38 hangars de stockage. Ces derniers étaient, en effet, des lieux où les trafiquants stockaient des quantités impressionnantes de produits alimentaires et de carburants destinés à la contrebande. La mesure draconienne prise par la Gendarmerie nationale en collaboration avec la wilaya et la direction du commerce de Tlemcen est la résiliation de plusieurs registres de commerce. En effet, le colonel Mohamed Salah Refada, commandant du groupement de la wilaya de Tlemcen, explique que des «commerçants achètent de grosses quantités de produits de consommation qui dépassaient largement les besoins de la population de la région». Ceci, dit-il, est une preuve «indéniable» de l'objectif du stockage qui n'est autre que la revente aux Marocains. Des registres de commerce saisis Aux deux villages de Tiznabine et Trambane, situés à un jet de pierre du Maroc, le décor dominant était les ruines des hangars qui servaient de lieux dstockage des produits destinés à la contrebande. «C'est une insulte de nous dire que nous sommes des contrebandiers», lance un habitant de Tiznabine. Faisant tourner son trousseau de clés autour de son index, il dira : «C'est un commerce comme un autre, nous ne sommes pas des voleurs, puisque nous achetons nos produits.» Interrompu par son voisin, il enchaînera : «Nous n'avons aucune alternative de travail. Nous n'avons ni usine ni moyens financiers pour travailler la terre. Et puis, nous demandons les mêmes offres que les autres villes du pays.» Une explication qui ne justifie, pourtant en rien, l'activité de contrebande qui se transmet de génération en génération dans ce village. Dans ce sens, la Gendarmerie nationale a proposé à la wilaya de trouver un plan de développement local pour permettre à ces habitants d'abandonner la contrebande. Le colonel Refada affirmera avoir abordé ce sujet avec le wali, notamment sur la relance de l'activité économique dans la zone industrielle de Maghnia. Par ailleurs, et s'agissant du deuxième cordon sécuritaire mis en place au niveau des frontières algéro-marocaines, les effectifs des brigades territoriales ont été eux aussi revus à la hausse, nous indique-t-on sur place. Des barrages fixes et mobiles sont multipliés sur tous les axes routiers. «Je n'ai jamais autant été contrôlé dans les barrages», nous dira un habitant de Tlemcen, commerçant à Maghnia. Les Marocains dans la dèche D'autres mesures seront prises. Il s'agit entre autres du renforcement du dispositif permanent de maillage territorial... Cette décision intervient, encore une fois, comme une réponse aux autorités marocaines qui, de leur côté, ont construit une clôture entre les deux pays. La construction de cette clôture barbelée semble avoir des fins stratégiques du côté marocain qui ne cesse de reprocher à l'Algérie son soutien au peuple sahraoui. Côté algérien, le creusement des tranchées et la mise en place d'un très important dispositif de protection ont pour unique objectif d'assurer la sécurité économique et humaine de sa population. C'est en effet une volonté de «lutter contre le trafic de drogue et la contrebande». D'ailleurs, suite à ce dispositif, le taux de carburant détourné a diminué de 50%. Il passe de 440 000 litres de carburant acheminé vers le Maroc à 220 000 où sa valeur est passée de 100 DA à 200 DA.