300 gendarmes et douaniers ont combiné, durant quatre jours, une descente pour traquer des contrebandiers à Tlemcen. La contrebande «empeste» la wilaya de Tlemcen, limitrophe avec le Maroc sur un tracé frontalier long de 172 km. De par son caractère gravissime, cette réalité exige, hélas, d'être soulignée en première ligne. Une manière comme une autre de tirer, d'emblée, la sonnette d'alarme pour que la lutte se généralise à divers niveaux, pour endiguer cette forme de criminalité dangereuse. Beaucoup de Tlemcéniens se livrent à la contrebande, et ce, en l'absence d'opportunités d'embauche professionnelle susceptibles d'assurer un emploi pérenne. Le reste de la population dite «active» des communes de Maghnia, Beni Boussaïd (où se trouve «la source» la plus inépuisable du marché parallèle algérien, la route de Zouia en l'occurrence), Boukanoune ou encore Souahlia, subit, comme une fatalité, les terribles conséquences que provoquent les agissements illicites des contrebandiers de tout acabit, et ne se pliant, pour ainsi dire, devant aucune force dissuasive. Il y a longtemps que les réseaux maffieux ont tissé leurs ramifications tout le long du territoire de Tlemcen et même celui des régions limitrophes, telles Aïn Témouchent et Ghazaouet. Les contrebandiers sont (re)considérés aujourd'hui comme de véritables barons de l'informel, s'emparant d'une large partie de l'économie de l'Oranie. Il arrive, de l'avis de l'officier Adnane, chef de la section de recherche des douanes au niveau de Ghazaouet, que les établissements financiers (banques et postes) de ladite daïra et aussi de Tlemcen soient mis à sec en termes de liquidités. Cela est dû, a-t-il argué, au fait que «les masses d'argent destinées à ces wilayas ne circulent qu'à travers les circuits parallèles». Le chef du groupement de la gendarmerie de Tlemcen, le commandant Boukhbiza Noureddine, affirme, quant à lui, que le nombre d'affaires, constatées pour le seul mois de janvier 2007, a augmenté de 17,18%, comparativement à la même période de l'année écoulée. «L'activité de la contrebande a pris de l'ampleur dans la wilaya de Tlemcen», a-t-il déduit. En 2006, se rappelle-t-il encore, les amendes encourues à la suite du traitement de 1500 affaires de contrebande de tout genre, totalisent la valeur de 893 milliards de centimes. Les contrebandiers avertis Douanes et Gendarmerie nationales ont organisé dans la wilaya de Tlemcen une opération combinée ayant duré du 12 au 16 février courant, soit jusqu'à hier à minuit. Baptisée «Araignée», cette opération «coup de poing», deuxième du genre après celle actionnée à Boumerdès contre le trafic de véhicules, a nécessité un dispositif de 300 gendarmes et douaniers qui ont été mobilisés, quatre jours durant, sur les traces des contrebandiers évoluant à l'image d'une hydre à plusieurs têtes. L'objectif de cette opération est à la fois répressif et dissuasif, nous indique-t-on. «Il est question, certes, à travers cette opération, de resserrer l'étau davantage sur les contrebandiers. Cependant, il est aussi attendu que durant toute cette période l'activité de la contrebande s'estompera net.» Et effectivement, pendant les quatre jours qu'a duré l'opération «Araignée», l'activité de la contrebande s'est mise au point mort. C'est que les contrebandiers, eux-mêmes, auraient été mis au parfum via leurs «réseaux d'information» de cet assaut dont ils étaient la cible. Ils risquaient, dès lors, de se faire appréhender, et aussi de voir leur argent investi dans des transactions illicites avec nos «voisins» marocains, de même que les moyens qui seraient utilisés pour le transport des produits de la contrebande, tous ces biens mal acquis encouraient, en effet, le risque d'être mis sous scellés. Voilà de quoi convaincre un contrebandier du fait qu'il serait utile pour lui de «stopper les machines» au moment où les gendarmes et/ou douaniers effectuent des descentes répressives sur le terrain. Ce raisonnement attestant du recul de l'activité de la contrebande pendant tout le temps qu'a duré l'opération «Araignée», est approuvé par le colonel Ayoub du commandement national de la gendarmerie. «Les routes sont vides», a-t-il souligné en sa qualité de chargé de communication de ce corps constitué. Il faisait allusion, comprend-on, au fait que les contrebandiers auraient dû observer une sorte d'«arrêt des hostilités», le temps que...la tempête passe. Cela dit, le bilan de l'opération «Araignée» n'était pas quasiment vierge. Ainsi, pour dire que, tout compte fait, l'activité de la contrebande à Tlemcen, plus particulièrement dans les villes de Maghnia, Beni Boussaâd et Ramchi, ne s'arrête jamais, en vérité. L'on pourrait même inscrire cette pratique comme étant une seconde nature chez beaucoup d'habitants. De ce fait, au cours de l'opération enclenchée continuellement, depuis lundi dernier, et qui s'est manifestée par l'emplacement des barrages de contrôle sur tous les axes menant vers le Maroc, en sus des embuscades et des souricières tendues aux abords des chemins non classés, il a été mis la main sur pas moins d'une trentaine de contrebandiers. En outre, des quantités considérables de produits de provenance de la contrebande se chiffrant en plusieurs quintaux d'oranges, des centaines de bouteilles de boissons alcoolisées et des dizaines de tenues vestimentaires auxquels il faudra ajouter un bon nombre de véhicules ont été saisis. Dans la nuit de mardi à mercredi derniers, les gendarmes et douaniers enrégimentés dans le sillage de l'opération «Araignée» ont saisi pas moins de 20 quintaux d'oranges transportées à bord de trois fourgons. Le lendemain, aux alentours de minuit, les mêmes éléments ont immobilisé une Clio à bord de laquelle une quantité considérable de kif a été découverte. Mercredi dernier, aux environs de 17h30, au moment où le commandant Boukhbiza nous expliquait au niveau du carrefour de Tounen dit Nakhla, de la commune de Soualhia, que la meilleure technique de lutte n'est autre que celle des embuscades désignée en termes de «dispositif statico-dynamique», un chauffard contrebandier passe à une vitesse éclair et échappe ainsi au barrage de contrôle dressé en ces lieux. Motif de sa fuite? s'interroge-t-on. «Probablement son véhicule est doté d'un faux réservoir et, de surcroît, le conducteur est un trafiquant de carburant», nous répond notre interlocuteur. Trafic de carburant, ce mal est-il incurable? Même si aucun cas de transfert illicite du carburant algérien vers le Maroc n'était signalé au cours de l'opération «Araignée», il n'en demeure pas moins qu'aux yeux de la mafia de la contrebande, le trafic du carburant est, inéluctablement, la pratique qui paie le plus, sans pour autant mobiliser les grands moyens. En effet, les contrebandiers devraient se dire qu'il suffit tout juste de modifier en élargissant le réservoir de son véhicule ou bien d'une quelconque auto louée ou même volée. Pour ce faire, une courte virée dans la ville de Maghnia s'impose où des dizaines de tôliers sont prêts à fournir de telles prestations. Relevée par des gendarmes et des douaniers, cette manière d'agir des tôliers est perçue comme une forme de complicité avec les réseaux de trafic de carburant. Ainsi, et même à leur insu, la catégorie des tôliers dont le nombre impressionnant se trouvant à Maghnia, suscite bien des curiosités, participe aux méfaits de la contrebande d'essence et de mazout. Mieux, les tôliers se chargent, souvent malgré eux, d'assurer le rôle le plus important: celui de modifier le réservoir des véhicules afin qu'ils puissent acheminer, illicitement la plus grande quantité possible de carburant vers le Maroc. Parmi ces véhicules au réservoir modifié et circulant sur des sentiers dits «non classés» pour échapper à tout contrôle, des centaines ont été saisis par les douaniers de Tlemcen au cours de nombreuses embuscades. Pour preuve, les espaces des douanes érigés en fourrières sont pleins à craquer. Idem pour ce qui est des dépôts de stockage, à l'exemple de celui construit à proximité du poste frontalier Colonel Lotfi. Et terrible ironie du sort: du fait de la fermeture des frontières avec le Maroc, le centre de transit de Boukanoune, tout près du village marocain Ahfir, est lui aussi reconverti en dépôt de véhicules saisis. L'on a eu, au terme d'une visite guidée par des douaniers, à constater de visu, la forme des véhicules dont le réservoir a été élargi. Il y avait, entre autres, une Renault 18 où même le métal des sièges a été «retouché» à dessein pour la contrebande. Le réservoir d'une Renault 25 mise sous scellés a été aménagé, quant à lui, de sorte à contenir quelque 600 litres de carburant (sic), soit l'équivalent de 20 jerricans de 30 litres chacun. En sus de la connivence implicite des tôliers avec les trafiquants de carburant, les douaniers de Maghnia évoquent, en outre, une autre forme de complicité tirée entre lesdits trafiquants et la frange de jeunes gens livrés à l'oisiveté. «Des jeunes chômeurs servent d'informateurs au profit des trafiquants de carburant à raison de 500DA/jour. Ils les avertissent notamment au sujet des sorties sur le terrain des services de sécurité», confirme un officier des Douanes à Tlemcen. Du côté de la gendarmerie, l'on affirme que la quantité de carburant, objet de la contrebande, équivaut à une moyenne de 1260 litres par jour. Les éléments du commandant Boukhbiza ont pu récupérer, au courant de l'année 2006, quelque 460.000 litres de carburant. En agissant en étroite collaboration, les gendarmes et douaniers de Tlemcen affirment à l'unisson qu'ils étaient les premiers dans le pays à révéler, au grand jour, l'émergence d'une filière de contrebande en Algérie. Il est question du transfert illicite des batteries usagées pour les besoins du trafic de déchets ferreux et non ferreux. Quelque 76 tonnes de ce genre de batterie ont été saisies par les éléments des deux corps de sécurité publique, à bord de cinq camions en provenance de Sétif à destination du Maroc. 21 personnes ont été appréhendées lors du traitement de cette affaire, dont neuf aussitôt écrouées. Enfin, et pour revenir au problème de l'entassement de véhicules saisis dans les parkings des Douanes de Tlemcen, l'on affirme, de part et d'autre, que ceci est le résultat d'une mauvaise application des textes juridiques. «La loi 05-06 sur la contrebande a mis fin à la vente aux enchères des véhicules saisis, produit de la contrebande», nous explique-t-on. Et d'ajouter: «...En revanche, la loi de finances 2007 autorise dans son contenu cette même vente.» A méditer...