La situation était tendue mais calme hier à Téhéran après des affrontements meurtriers qui se sont soldés par des centaines d'arrestations et un nouvel appel de l'opposant Mir Hossein Moussavi à poursuivre la contestation contre la réélection de Mahmoud Ahmadinejad. De son côté, l'organe chargé d'examiner les plaintes déposées à la suite du scrutin présidentiel du 12 juin a reconnu certaines irrégularités mais dit qu'elles n'affecteraient pas le résultat final. «Protester contre le mensonge et la fraude est votre droit», a lancé Mir Hossein Moussavi dimanche soir, tout en invitant son «cher peuple à la retenue». L'ancien Premier ministre, qui réclame l'annulation du scrutin, a engagé les manifestants à éviter toute provocation et la police et l'armée à ne pas agir «de manière irréparable». La situation était calme dans le centre de la capitale hier et il n'y avait pas d'informations sur de possibles manifestations dans l'après-midi. Des témoins ont déclaré qu'ils n'avaient pas observé de déploiement policier d'importance. Téhéran avait connu dimanche une première journée de calme relatif après un déchaînement de violence la veille dans lequel au moins dix personnes ont été tuées et plus de 100 blessées, selon la télévision d'Etat. Cette dernière a mis en cause des «agents terroristes» non identifiés pour ces décès, qui portent à au moins 17 le nombre de morts à Téhéran en une semaine. Des participants aux manifestations ont évoqué une réaction disproportionnée des forces de sécurité avec l'usage de tirs à balles réelles. La violence des affrontements est illustrée par une vidéo mise en ligne samedi et vue par des centaines de milliers d'internautes, montrant le visage ensanglanté d'une jeune femme, Neda, présentée comme une manifestante tuée par balle. A la suite des affrontements place Azadi, dans le centre de Téhéran, 457 personnes ont été arrêtées, selon la radio d'Etat. D'après l'agence semi-officielle Fars, proche du gouvernement, 40 policiers ont été blessés et 34 bâtiments gouvernementaux endommagés. Le porte-parole du Conseil des Gardiens de la constitution, qui doit se prononcer d'ici demain sur les plaintes pour irrégularités déposées par les adversaires de M. Ahmadinejad, a affirmé qu'il y avait eu plus de votes que d'électeurs potentiels dans cinquante districts, sur les 366 du pays. Le candidat conservateur Mohsen Rezaï, arrivé troisième, avait affirmé que dans «170 circonscriptions, la participation a atteint entre 95% et 140%». Le porte-parole du Conseil, Abbas Ali Kadkhodaie, a indiqué que des inspecteurs seraient «envoyés sur place pour examiner les statistiques» mais a ajouté que compte tenu du nombre de votes concernés, 3 millions sur plus de 38, «cela n'aura pas une influence importante sur les résultats de l'élection». Un institut britannique réputé, Chatham House, a rendu publique une étude des résultats officiels qui montrent selon lui des renversements de tendance «hautement invraisemblables» en faveur de Mahmoud Ahmadinejad par rapport aux scrutins précédents. Depuis dimanche, les autorités iraniennes ont nettement durci le ton contre l'Occident et en particulier contre la Grande-Bretagne, accusée d'avoir voulu saboter le scrutin présidentiel, tandis que Téhéran a décidé d'expulser le correspondant permanent de la BBC à Téhéran, Jon Leyne, pour avoir «soutenu» les émeutiers. «Les directions de VOA et de BBC Persian sont officiellement les enfants spirituels (du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et du ministre israélien des Affaires étrangères Avigdor Lieberman dont l'objectif est d'affaiblir la solidarité nationale et de menacer l'intégrité territoriale de l'Iran», a encore accusé hier le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères. Tensions au sein du régime Les tensions politiques au sein du régime ont reçu une nouvelle illustration avec la confirmation de l'arrestation de cinq proches de l'ex-président Akbar Hachémi Rafsandjani, un personnage influent accusé par M. Ahmadinejad de soutenir M. Moussavi. Faezeh Hachémi, fille de l'ancien président Rafsandjani, et quatre autres membres de sa famille, ont ainsi été arrêtés samedi «pour leur sécurité» avant d'être libérés quelques heures plus tard, selon l'agence Fars. Et le président du Parlement, Ali Larijani, a déclaré qu'une «grande partie des gens ont perçu le résultat de l'élection comme étant différent du résultat annoncé officiellement. Cette perception doit être respectée». Les Gardiens de la révolution menacent les manifestants Les Gardiens de la révolution, bras armé du régime iranien, ont menacé hier de réprimer à nouveau dans le sang toute nouvelle manifestation de l'opposition, mettant en garde contre une «confrontation révolutionnaire» si les manifestants redescendent dans la rue. Via une déclaration diffusée sur le site Internet des Pasdaran, ces derniers ordonnent aux manifestants d' «arrêter les activités de sabotage et d'émeutes», qualifiant leur protestation de «conspiration» contre l'Iran. Les manifestants doivent «se préparer à une résolution et à une confrontation révolutionnaire avec les Gardiens, les Bassidji et les autres forces de sécurité et disciplinaires», poursuit le communiqué.