Le Palais des Raïs (Bastion 23) à Alger, accueille depuis jeudi dernier et jusqu'à aujourd'hui une exposition intitulée «Arts, Aoucham et Symboles Agraires Amazigh». Organisée par l'association de promotion et de sauvegarde des arts traditionnels berbères en collaboration avec l'école Tafat, cette exposition se décline en trois jours d'activités culturelles et artistiques à l'occasion de la fête de Yennayer. L'inauguration a été donnée, avant-hier, par le directeur du Palais des Raïs, Boualem Belechab en présence des trois artistes-peintres algériens Noureddine Chegrane, Karim Sergoua et Noureddine Hammouche. Mis à part les tableaux de ces artistes, les organisateurs ont programmé une expositiond'artisanat avec, notamment, une collection de bijoux berbères anciens de Mme Laouia Choualhi et de l'artiste Ramdani, de poterie de Zahra Bacha ainsi que de tapis berbères de Mme Doufane. Le but de cette exposition est avant tout de mettre en valeur le signe et le symbole berbère qui est aussi dans la ligne de mire de l'association à l'origine de l'exposition. «Nous sommes une association de wilaya et nous travaillons beaucoup en partenariat avec des associations d'autres wilayas surtout dans les Aurès et en Kabylie et cette exposition est notre premier événement. Vu que l'exposition coïncide avec Yennayer, on a choisi à cette occasion la thématique du signe et du symbole amazigh. C'est aussi un événement inédit car c'est la première fois que des artistes peintres et des artisans travaillent sur le même thème. Et ce n'est pas un hasard que nous avons choisi M. Chegrane, Sergoua et Hammouche car ce sont des artistes connus pour leur travail du signe», nous dira le président de l'association Mohand Ramdane. Dans le souci de préserver les nombreux travaux d'artisanat d'art traitant le signe et le symbole, l'association fait actuellement un inventaire dans toutes les régions du pays afin de constituer un fond de documentation et ainsi inciter les chercheurs et autres étudiants à œuvrer dans ce sens. «Nous sommes aussi en contact avec des Universités ou beaucoup de professeurs et étudiants se sont intéressés à cette thématique. On souhaite établir une passerelle entre les artisans qui sont sur le terrain et les chercheurs. Certains d'entre eux sont déjà disposés à faire leurs mémoires de fin d'études sur cette thématique du signe et du symbole amazigh. C'est un chantier énorme, et nos moyens sont réduits. Mais on est motivés pour sauvegarder notre identité et notre richesse historique», poursuit M. Ramdane. Clin d'œil au mouvement Aoucham Dans cet endroit splendide qui est le Bastion 23, le public trouve des banderoles et des toiles étendues en parchemin déroulées à partir des balcons du Palais pour Nouredine Chegrane, des toiles bavardes et excentriques pour Karim Sergoua et des œuvres délicates et authentiques de Noureddine Hammouche. Les artistes connus pour leur passion des signes et du symbole s'en sont donnés à cœur joie et ont explosé dans leurs créativité. «J'ai toujours été dans la mouvance du signe et du symbole. Et faire partie de cette association qui œuvre pour la sauvegarde du signe, des gravures, des tatouages est important pour moi», nous explique Chegrane qui mettra l'accent sur l'engouement particulier que connait la fête de Yennayer ces dernières années. L'artiste, qui travaille depuis un demi-siècle sur cette thématique, a opté pour des tons chauds, des couleurs qui traduisent la fertilité et la vie pour rester dans l'esprit de Yennayer. Karim Sergoua, qui s'est complètement investi dans les signes et les symboles depuis plus de trente ans, a présenté, pour sa part, sept œuvres d'art aussi remarquables qu'authentiques les unes et les autres. Son exposition, «Purification» a récemment été organisée à Munich. «J'aime beaucoup travailler sur tous ce qui est rural, ancien. Les représentations du henné, des Zaouia, des marabouts, des tadjine, des Djebbas, des khaïmas. Tout ce qui est ancien me parle car ça raconte beaucoup de choses, ça a une âme», nous dira Sergoua. «Le tifinagh est ancestral, c'est plus de 170 millions d'années, comment ne pas s'investir dans une culture comme celle là. Quand on se documente autour de soi, on lit l'histoire contemporaine de l'art, on voit que de grands artistes tels que Henri Matisse, Pablo Picaso, Braque et Joan Miro sont venus en Afrique, ont pris des signes et des symboles et les ont exposés dans les plus grands musées du monde. Et c'est devenu de l'art de renommée mondiale. Mais quand c'est nous, africains qui traitons ce thème qui est notre culture, notre identité, on nous dit qu'on fait du traditionnel ! Je défends ça». Programme varié «On peut s'inspirer du traditionnel pour en faire du moderne. Cela dit, je travaille aussi sur le signe et sur sa connotation politique», regrette Karim Sergoua. Par ailleurs, Nourredine Hammouche à exposé sept œuvres d'art. «C'est un projet qui nous a permis de nous retrouver entre artistes et d'échanger», dira de même Hammouche. Ses œuvres s'illustrent à travers des récupérations et du recyclage. On y trouve une planche à laver pour rendre hommage aux femmes et aux traditions d'antan et des robinets truffés de couleurs ocre représentant les robinets de la Casbah. Notons, par ailleurs, que pour la clôture de l'événement, aujourd'hui, beaucoup d'activités sont au programme, dont une allocution du nouveau directeur du Palais des Raïs, Boualem Benlechheb, une conférence-débat autour de l'art pictural algérien et Aoucham animée par les artistes Chergane et Sergoua.