Aucun président français n'a réussi jusqu'ici à construire une relation tout à fait apaisée et définitivement tournée vers une coopération dont les intérêts sont mutuellement partagés. Le président français, Emmanuel Macron, se rendra en Algérie dans les toutes prochaines semaines, a indiqué, jeudi, la présidence française, sans préciser toutefois la date de cette visite. Le locataire de l'Elysée, selon les services de la présidence, a eu un entretien téléphonique avec son homologue algérien Abdelaziz Bouteflika. Lors de cet échange, M. Macron a souligné «son attachement et sa volonté de construire un rapport d'amitié et de confiance avec l'Algérie, partenaire stratégique pour la France». M. Macron, qui a su habilement s'offrir une aura internationale dès son investiture, à la mi-mai, semble bien déterminé à continuer sur sa lancée. Avec le Maghreb, le président français veut mettre son empreinte et peut-être même rompre avec une certaine tradition diplomatique qui a manqué de réalisme. Jusqu'ici, aucun président français n'a réussi à construire une relation tout à fait apaisée et définitivement tournée vers une coopération dont les intérêts sont mutuellement partagés. Pourtant, la volonté, des deux côtés, a toujours été affichée. Mais ne dit-on pas autres temps, autres mœurs ? Incarnant, en effet, le changement, Emmanuel Macron a souvent parlé d'une nouvelle pratique de gouvernance. Au plan international, le chef d'Etat français a déjà fait ses preuves, l'espace d'un mois seulement. Il a gagné l'estime et le respect des grands dirigeants du monde. De ce point de vue, le jeune président a toutes les chances d'imposer son pragmatisme dans les relations bilatérales algéro-françaises et d'impulser, plus généralement, une nouvelle dynamique à tout le bassin méditerranéen. A Alger, Emmanuel Macron abordera avec son homologue Abdelaziz Bouteflika plusieurs dossiers d'actualité. Le volet sécuritaire risque toutefois de dominer les échanges entre les deux hommes. «Nos deux pays sont en effet confrontés aux mêmes défis. Les défis sécuritaires, d'abord, avec la menace terroriste, l'instabilité régionale au Moyen-Orient, au Machrek et au Sahel (…)», a expliqué M. Macron à son homologue algérien. Pragmatisme Bien que la coopération entre les deux Etats dans ce domaine ne cesse de s'améliorer, la France veut que celle-ci soit hissée au rang de l'excellence. La conjoncture incertaine régionale et internationale semble, plus que jamais, l'exiger. La sécurité sera, sans nul doute, dans les prochaines années l'un des maillons forts de la coopération entre Alger et Paris. Dès son investiture, à la mi-mai, le président français a bien annoncé la couleur dans ce domaine sensible et dont les enjeux se complexifient de jour en jour. Concrètement donc, il s'agit de faire le point sur les derniers développements au Mali et dans toute la région sahélo-sahélienne où les deux pays sont impliqués dans la lutte antiterroriste. La Libye fera également partie des discussions. Une occasion pour Abdelaziz Bouteflika de réaffirmer l'attachement de l'Algérie à la solution politique et pacifique. Directement impliquée dans le processus politique libyen, Alger qui a accueilli la semaine dernière une réunion tripartite regroupant les pays voisins de la Libye - Algérie, Tunisie et Egypte -, a rappelé énergiquement son rejet de toute forme d'intervention militaire comme solution à la crise libyenne. Les présidents Abdelaziz Bouteflika et Emmanuel Macron ont d'ailleurs procédé, lors de leur entretien téléphonique, à un échange de vues sur la situation dans ce pays et «ont souligné leur détermination commune pour conjuguer leurs efforts en vue d'extirper le terrorisme de la région du Sahel». Lors de la prochaine visite du président français en Algérie, il sera également question des tout derniers développements dans le Proche-Orient. La rupture diplomatique entre l'Arabie saoudite et ses alliés avec le Qatar est à ce jour la crise la plus grave dans cette région du monde depuis au moins 30 ans. Enfin, Emmanuel Macron et Abdelaziz Bouteflika auront à se pencher sur d'autres questions de coopération. Le partenariat économique aura la part du lion. De plus en plus menacé par la forte concurrence chinoise, Paris semble vouloir réviser sa politique extérieure et harmoniser ses rapports économiques avec Alger, tout en les éloignant des accrocs diplomatiques et des polémiques qui ont de tout temps ponctué les relations entre les deux Etats. Avec le nouveau président français, tout porte à croire que les coups de froid seront beaucoup moins pénalisants. Lors de sa visite à Alger en février dernier, Emmanuel Macron, alors candidat à la présidence, avait qualifié la colonisation de «crime contre l'humanité». Ces propos, se rappelle-t-on, avaient été favorablement accueillis en Algérie. Jamais une personnalité de ce rang n'avait été aussi loin. Pour sa prochaine visite, le terrain est du coup déblayé. Place maintenant aux défis économiques et sociaux.