La nouvelle orientation du gouvernement d'Ahmed Ouyahia sur le plan énergétique ne constitue pas la solution idoine à la crise, de l'avis des acteurs de la classe politique. Beaucoup de partis expriment d'ores et déjà leurs craintes après les déclarations du Premier ministre, depuis la wilaya d'Oran, sur la nécessité de réviser la loi sur les hydrocarbures et l'encouragement de l'investissement dans le gaz de schiste. Pour le Front des forces socialistes (FFS), «l'exploitation du gaz de schiste est une question d'intérêt stratégique, liée à la préservation de nos ressources». «Elle devrait faire l'objet d'un consensus national et d'un devoir de vérité envers notre peuple», insiste Hassen Ferli, secrétaire national chargé à la communication au sein du parti. Opter pour un tel choix ne doit pas d'ailleurs être pris dans la précipitation, à comprendre les propos de Ferli, joint hier par téléphone. Notre interlocuteur estime «important d'entendre et de respecter les aspirations légitimes de nos concitoyens du Sud pour préserver notre environnement et nos ressources». Inutile de rappeler dans ce sens qu'un vaste mouvement de protestation a ébranlé durant plusieurs semaines la ville de In Salah en 2015, après des travaux d'exploration lancés par Sonatrach. C'est ce que craint aussi le Parti des travailleurs (PT) qui «n'est pas contre l'exploration et l'expérimentation». Ramdane Tazibt admet que l'Algérie «ne peut rester en marge des pays qui ont fait des avancées dans le domaine, ils sont au moins une trentaine dans le monde à exploiter déjà le gaz et le pétrole de schiste». Mais, le député du PT qui précise que nous ne sommes à présent qu'au stade de l'expérimentation, soutient que «l'exclusivité doit revenir à Sonatrach». Reste, selon lui «à l'Etat d'expliquer et de rassurer les citoyens que ce ne sera pas au détriment de l'environnement et pas à n'importe quel prix». Pour sa part, Abderrezak Makri estime «liées» les deux questions du retour au schiste et la révision de la loi sur les hydrocarbures. «Tous les observateurs et spécialistes s'accordent sur le rôle colonisateur des sociétés pétrolières et le désordre qu'elles laissent derrière elles dans les pays qu'elles ont explorés. Les deux déclarations sont liées car l'Algérie ne dispose pas de la technologie nécessaire pour explorer le gaz de schiste. Ils veulent donc détruire l'environnement, tout en mettant en péril la souveraineté nationale», a écrit l'ancien président du MSP sur sa page facebook. Makri accuse le gouvernement d'«avoir préféré la solution facile pour rester au pouvoir, au détriment de la terre et de l'eau». Toujours pour l'exploitation du gaz de schiste, Mohamed Saïd, président du PLJ, se demande : «où va-t-on trouver les moyens financiers pour cette technologie coûteuse et si l'on pouvait éviter de porter atteinte à la nappe phréatique ?» «En tout état de cause, une campagne de sensibilisation et d'explication s'impose en direction des populations du Sud pour éviter de déclencher des mouvements de rejet local comme ce fut le cas il y a deux ans à In-Salah», nous a-t-il déclaré. Sur la volonté des autorités à revoir la loi sur les hydrocarbures, par contre, le PT craint le pire et s'interroge. «Nous sommes très inquiets», affirme Ramdane Tazibt qui se demande «s'il ne s'agit pas d'un retour à la loi de Chakib Khalil de 2005 qui a failli aliéner l'indépendance nationale et la sécurité énergétique». Dans cette conjoncture de manque de liquidités et de financement, fera remarquer le député, «le pays a plus que jamais besoins d'avoir une souveraineté dans ce secteur névralgique». Les inquiétudes du PT portent ainsi sur «le risque de remise en cause de la prédominance de Sonatrach dans les champs pétroliers, la règle des 49/51 et les superprofits imposés aux multinationales notamment». Mais au FFS, la question dépasse les détails techniques puisqu'il revendique «un débat large et national sur l'énergie qui s'inscrit dans le prolongement de la construction d'un consensus national politique et global», précise Hassen Ferli qui rappelle «le boycott» prôné par le parti à l'APN, lors de l'amendement de la loi en 2013.