Salam Bank, officiellement lancée en Algérie en octobre 2008, serait-elle tentée de suivre la même logique que celle du groupe Emaar qui a fini par décider de mettre une croix sur le marché algérien ? Considéré comme la banque de l'immobilier, cet établissement arrivé en Algérie en grande pompe et qui est spécialisé dans la finance islamique va-t-il à son tour plier bagage comme le laissent entendre les observateurs ? Des questions et autant d'interrogations qui méritent d'être posées en raison des liens étroits et immédiats qui existent entre cette banque et le groupe Emaar. En octobre 2008, en pleine cérémonie de lancement de Salam Bank, les responsables nous déclaraient fièrement que «c'est la banque du groupe Emaar» et qu'elle était arrivée en Algérie pour rattraper le géant Emaar et lui servir d'appoint pour ne pas dire d'assise et d'accompagnateur pour ses projets. Or le départ d'Emaar entraînera-t-il celui de la banque ? Quelle conséquence du moins aura le retrait de Emaar sur le futur de cette banque en Algérie et dans le cas d'un retrait quelles en seraient les répercussions sur le marché algérien ? D'autant que le départ d'une banque est autrement plus coûteux et plus lourd à supporter pour l'ensemble de la place nationale en raison des effets systémiques que cela pourrait engendrer. L'effet d'entraînement de la débâcle d'Emaar sur la banque Salam est à craindre même si le président de cette banque que nous avons joint par téléphone se veut rassurant et évacuant toute possibilité de retrait. M. Fennik, premier responsable de Salam Bank Algérie, nous a déclaré : «Nous ne prévoyons aucun départ. Notre banque restera en Algérie et le retrait du groupe Emaar n'aura aucune incidence sur nos projets». Il se veut plus rassurant en mentionnant que «Emaar ne détient que 5% du capital de notre banque», cela bien sûr pour réduire l'impact de cette annonce. Changement de stratégie en Algérie Interrogé sur le maintien de son plan de développement en Algérie malgré la crise financière mondiale qui touche directement les actionnaires de Salam Bank, M. Fennik dira que «la banque va continuer à se développer même si certains de nos actionnaires ont été touchés par la crise», et de souligner que «nous avons même introduit auprès des autorités monétaires algériennes une demande d'augmentation de notre capital pour nous mettre en conformité avec les nouvelles règles édictées par le Conseil de la monnaie et du crédit. Nous attendons donc l'agrément pour cette nouvelle augmentation de capital». Il rappellera que cette démarche fait suite à une assemblée générale qui a eu lieu en avril, confirmant selon lui l'engagement de cet établissement de crédit doté d'un capital de 100 millions de dollars sur le marché algérien. Quant à l'avenir, il s'annonce prometteur. Selon M. Fennik, «un conseil d'administration de la banque est prévu dans trois semaines». Il sera consacré justement à la redéfinition d'une nouvelle orientation stratégique de la banque sur le marché algérien au regard de la nouvelle donne avec le retrait de Emaar et les difficultés des actionnaires, partie prenante dans le capital de cet établissement qui évolue en silence dans le paysage bancaire national. Justement, il est utile de rappeler que le président du conseil d'administration de Salam Bank est également président du groupe Emaar. Alors que décidera-t-il ? En tout état de cause, les clients qui auront eu des engagements et des affaires avec cette banque méritent d'être rassurés ou du moins informés des intentions de cette banque qui se voulait ouverte à tous les compartiments d'affaires en prévoyant des facilités inédites en direction des particuliers. L'inquiétude qui entoure le cas de la Salam Bank est directement liée aux mauvaises prévisions d'Emaar. Une inquiétude qui se justifie par le double statut du président-directeur général d'Emaar qui fait office également de président du conseil de la banque Salam. Les non dits d'un échec Fini donc l'épisode «intentionnel» du groupe émirati Emaar qui se promettait d'investir quelque 20 milliards de dollars en Algérie. Il faudra donc retenir que le groupe émirati ne s'est pas retiré du marché algérien alors qu'il était en pleine phase de réalisation ou en cours de chantier. Il quitte l'Algérie en phase «d'intention d'investissement» entourée d'annonces fortement ambitieuses et assorties d'une viabilisation politico-économique qui allait donner aux projets affichés une dimension stratégique dépassant le cap de la simple relation d'affaires. Au-delà des lectures spéculatives sur ce qu'il conviendrait d'inscrire comme une fin logique d'intention plutôt que d'un retrait, Emaar qui met fin ainsi au mystère de sa prospection car c'est de cela qu'il s'agit, se trouve aux prises avec une crise financière découlant de l'implication de ses filiales apparentées dans la tourmente financière mondiale qui le touche de plein fouet. En fait, c'est cela la raison principale de l'annulation de ses intentions algériennes même si certaines voix veulent faire accréditer à tout prix l'idée d'une soi-disant bureaucratie ou une quelconque forme de blocage dont serait victime l'émirati dans ses projections en Algérie. S'il faut concéder que la bureaucratie est bel et bien dans la sphère des affaires, il est utile de mentionner que son caractère n'est en aucun cas discriminatoire en ce sens ou elle frappe beaucoup plus les porteurs de projets de nationalité algérienne que ceux qui viennent de l'étranger. Intentions en papier A ce stade donc, c'est un projet en papier qui se retire des dossiers d'investissements et nous sommes loin de la phase «béton» qui devait traduire l'implantation de ce groupe prioritairement dans l'immobilier. D'ailleurs, ce segment d'affaires – l'immobilier – reste un des plus convoités au même titre que le tourisme par les investisseurs algériens qui trouvent les plus grandes peines du monde à implanter leurs réalisation en raison de la pression qui existe sur le foncier, notamment dans les circuits sensibles autour de la capitale et des grandes villes. S'ajoutent à cela les verrous antispéculatifs et de sauvegarde à mettre à l'actif des mesures de souveraineté propres à tout Etat et qui viennent redéfinir les conditions de concession et de formes de jouissance sur les terrains à exploiter. Aussi, est-il évident à la faveur des chiffres effarants livrés par le poids de la crise financière qui touche les Emirats arabes unis de rechercher les raisons de la défaillance du groupe Emaar en dehors du périmètre algérien. Cela est d'autant vrai que l'Algérie reste un des rares pays qui s'est soustrait de cette tourmente mondiale et qui maintient ses plans de développement sur fonds propres, loin de toute dépendance. Et partant, pour les observateurs avertis, l'Algérie est en passe de devenir une terre de salut et de sauvetage pour un bon nombre de groupes et de multinationales qui y trouveraient leur compte et pourraient même à la faveur des toutes dernières nouveautés de la loi de finances bénéficier de financements domestiques. Une première qui ne laissera pas insensibles les hommes d'affaires avisés. Donc pour revenir au groupe émirati, il est utile de rappeler que celui-ci, à travers ses ramifications, se retire en réalité de tout le Maghreb.