L'ex-agent secret libyen, Abdelbassat El Megrahi, ne s'attendait certainement pas à ce que les siens lui réservent un accueil digne d'un chef d'Etat. Reconnu coupable dans l'attentat de Lockerbie, il a été gracié tout récemment par la justice écossaise en raison d'un cancer en phase terminale. «Ne vous inquiétez pas M. Obama, je n'ai plus que trois mois à vivre», a rassuré El Megrahi dans une interview au Times de Londres. Le locataire du bureau ovale a déploré les scènes de liesse «hautement désagréables» à la descente d'avion de l'ex-agent libyen à l'aéroport de Tripoli. Parti pour une dizaine de jours de vacances «studieuses», le président américain s'inquiétera-t-il outre mesure de l'état de santé de celui qui s'est toujours dit victime d'une grave erreur judiciaire de la part du gouvernement autonome d'Ecosse ? M. Obama n'y penserait même plus, sa chute dans les sondages et «sa» réforme de l'assurance maladie US lui suffiraient à écourter ses parties de golf s'il venait à disputer quelques-unes avec Tiger Woods. L'homme a tant à faire, son administration table sur un déficit budgétaire de 9000 milliards de dollars pour la prochaine décennie ! Quant à la politique étrangère, c'est un tout autre tas de soucis que Barack Obama va devoir gérer au fil de son séjour. Le doute persiste partout. En Corée du Nord, qui souffle le chaud et le froid avec l'espoir que la surenchère lui rapporte gros. En Iran, qui accepte d'ouvrir à des inspecteurs de l'AIEA un chantier de construction d'un site nucléaire avec le vœu de légitimer définitivement le gouvernement d'Ahmadinejad II. Sans parler du rapport accablant de parlementaires US sur les méthodes d'interrogatoires de la CIA qui va ternir un peu plus le visage de l'oncle Sam dans le monde. A bien mesurer le poids de tous ces fardeaux et bien d'autres, il est quasi impensable d'imaginer le président Obama en train de s'intéresser à un compte-rendu de la CIA sur lequel il est mentionné la température de corps d'Abdelbassat El Megrahi. Ni de s'interroger longuement sur le pourquoi de l'abandon de la piste de la Syrie et de l'Iran au moment de l'affaire de Lockerbie. Les défenseurs de l'innocence de la Jamahiriya libyenne ont l'intime conviction que l'Occident avait besoin de l'appui actif de Damas et de la neutralité de Téhéran à la veille de la première guerre du Golfe. Se trouvera-t-il un autre haut responsable politique occidental pour suivre l'évolution de l'état de santé de l'ex-agent secret libyen ? Ce qui intéresserait particulièrement Gordon Brown, c'est pourquoi le guide de la Jamahiriya insiste à le remercier et à remercier Sa Majesté la reine pour avoir «encouragés» cette libération, alors que tout comme celui de Washington, le gouvernement de Londres a déploré l'accueil triomphal réservé à El Megrahi. Par son insistance justement, le colonel Kadhafi cherche-t-il à engager le gouvernement Brown sur la voie du rapprochement, que Tony Blair avait choisi d'ouvrir au moment où l'ancien président Chirac avait lui aussi profité de l'abandon par la Libye de ses ambitions nucléaires militaires pour aller négocier des contrats à l'ombre d'un palmier ? En plus de tenter de mettre les autorités de Londres au pied du mur, Mouammar El Kadhafi s'attend à ce que leur supposée initiative profite non seulement à l'intérêt des deux pays mais à l'amitié personnelle qu'il s'engage à construire pour sa part. S'il le désire, le «héros» sur la passerelle peut se rendre en carrosse chez son médecin traitant.