Comment peut-on être atteint d'une infirmité motrice cérébrale et verser dans l'art pictural ? Cette question interpelle avant tout les médecins, puis tout vulgum pecus ! Comment une personne qui ne peut se sustenter toute seule peut-elle dessiner et peindre ? Et pourtant, c'est ce que fait Abdennour Bouderbala, un jeune homme de 27 ans, né infirme suite à un malheureux incident lors de sa naissance. Depuis cet événement éprouvant pour sa famille, sa mère, Dalila Mati, n'a pas cessé de se battre contre cette injuste destinée. S'est-il sublimé pour dépasser son handicap ? Abdennour se retrouve-t-il dans cette citation de Freud «l'art est une sublimation» ? Toujours est-il que cet artiste hors des sentiers battus fait preuve d'une ténacité et d'une persévérance sans faille. Ayant comme viatique l'amour maternel et familial, il a pu se faire une place dans le monde des arts plastiques, oubliant son incapacité. Comme disait Françoise Dolto, «je crois qu'on devient adulte à travers un objet d'amour : un être, Dieu, les autres». Pour Abdennour, sa mère a été sa muse ainsi que ses frères par leur soutien moral et leur attachement. Enfant, orphelin de père à l'âge de sept ans, Abdennour a eu pour seul univers sa chambre et son fauteuil roulant. Pas d'amis, pas de distractions. Seul, avec pour compagne sa solitude. La découverte de la lecture Adolescent, il commence à s'intéresser aux jeux, ce qui ravit sa mère qui, l'ayant soutenu continuellement, lui apprend l'alphabet. Et un jour, loin de toute attente, il lit une manchette d'un journal, alors qu'il a du mal à articuler au regard de son handicap. «Un IMC qui arrive à distinguer les voyelles et les consonnes relève du miracle», affirme Mme Bouderbala. Ce jour-là, avoue sa mère, «ce fut pour moi une immense joie et un moment de bonheur inoubliable». Entre-temps, les années passent et sa vie s'étira doucement entre son fauteuil roulant et sa petite famille. Suite à l'accident de voiture sans gravité de son frère, Abdennour entame des esquisses d'autos comme pour conjurer le sort, il tente de faire comprendre à son frangin sa douleur et son ressenti. Les dessins s'empilent, et Abdennour, exhorté par sa mère, sa fidèle alliée, s'adonne à la peinture. Par terre, presque allongé sur le ventre, il prend son poignet gauche pour tenir celui de la main droite pour peindre ou dessiner. Après de longues heures sûrement interminables pour notre artiste, la toile prend forme à la grande joie de Abdennour et de sa mère si dévouée. «Même les médecins et neurologues ont été perplexes quand ils ont vu ces toiles lors d'une exposition», dit-elle. Doué, superintelligent ? Assurément ! «Il a un don», affirme Dalila. A l'évidence pour un IMC, cela relève du miracle ! Ou d'une incommensurable volonté puisée tout au fond de son être. En matière d'expositions, Abdennour en a à son actif de nombreuses en Algérie. Son souhait est d'exposer à l'étranger. C'est grâce à la détermination et à la résolution de sa mère qui l'a toujours soutenu qu'il a trouvé ce palliatif dans la peinture. De la peinture à la bande dessinée Certaines œuvres sombres témoignent de son monde tristounet et traduisent son désarroi ; d'autres plus lisibles montrent la nature et une des facettes de sa personnalité, l'optimisme. «Ses travaux sont le fruit de son imagination», indique sa maman. Sans se départir de cette rage de vaincre propre aux battants, Abdennour s'initie à l'aquarelle, une technique ardue propre aux véritables initiés de ce registre des arts plastiques. Lorsque l'on voit ses toiles, on est médusé, saisi par la surprise et l'étonnement. Parallèlement, il a un nouveau dada, la bande dessinée. Un hobby à la mesure de son ambition. Il a crée un personnage de BD mais cette expérience n'a pas abouti faute de moyens. Depuis quelques mois, Abdennour partage sa vie avec une jeune femme (son épouse) et son art. L'exemple de Abdennour est probant lorsque l'amour maternel est omniprésent. D'ailleurs, il n'y a qu'à voir sa maman pour comprendre d'où il tire sa force, une maman modèle qui l'aime par-dessus tout et ne le considère pas comme un handicapé. Par son dynamisme et son courage, elle donne une belle leçon d'amour et d'altruisme à tous les parents qui refusent le handicap de leur enfant. A notre humble avis, il serait judicieux de montrer l'exemple de ce jeune qui a surmonté son handicap pour trouver une raison de vivre dans l'art.