L'exécution, avant-hier, d'un guide des douanes maliennes par un groupe de l'Aqmi illustre on ne peut mieux le climat de terreur que l'organisation fait régner sur les populations nomades du nord du Mali. Les services de sécurité maliens ont confirmé, avant-hier, l'assassinat d'un guide des douanes maliennes, enlevé deux jours plus tôt avec un militaire malien, dans une zone relevant du gouvernorat de Kidal (Nord-Est). Selon des indiscrétions recueillies auprès de la famille de la victime, le guide douanier a été enlevé car ses ravisseurs avaient «un compte à régler» avec lui. Des membres de la famille des deux hommes enlevés ont précisé qu'Al Qaïda leur reproche de lui être hostile, ce qui corrobore les propos que nous ont tenus des Touareg algériens, parents du guide Ouaghi Bada, enlevé lors de l'attaque de Tinzaouatine contre une patrouille de la gendarmerie nationale. Parti à la recherche de son frère de l'autre côté de la frontière avec plusieurs membres de sa tribu, le guide Khabou a constaté que les nomades étaient terrorisés à la seule évocation des groupes islamistes armés. «Les gens ont peur, ils nous évitent dès qu'on évoque le nom de mon frère», nous avait-il déclaré. Le modus operandi rappelle les tristes années où les incursions terroristes dans les hameaux isolés se terminaient souvent par l'exécution d'une ou plusieurs personnes, désignées comme «ennemies» par les groupes armés. «Avec le guide douanier et l'élément de la garde nationale, il y avait d'autres personnes qui ont été épargnées. Ce qui veut dire que les personnes arrêtées étaient ciblées», a indiqué un responsable des services de sécurité maliens, précisant que l'Aqmi les avait «dans le collimateur». Un ancien terroriste a reconnu que les combattants d'Al Qaïda bénéficient d'alliances avec des responsables locaux corrompus et des tribus, qui leur fournissent des armes et les aident à se cacher. L'ancien terroriste a dit avoir vu des responsables du gouvernement malien boire le thé dans les camps de l'Aqmi dans le désert lors de visites de courtoisie à un dirigeant du groupe. En une occasion, il a indiqué qu'un officier de l'armée malienne avait cédé au chef Mokhtar Belmokhtar deux mitrailleuses lourdes Douchka de fabrication russe en échange d'un véhicule tout-terrain Toyota. Lorsque quelques jours plus tard l'une des deux armes, qui peuvent servir à la lutte anti-aérienne, avait cessé de fonctionner, l'officier était revenu dans le camp pour la remettre en état de marche. Dans son témoignage, l'ancien terroriste indique que les millions de dollars générés par les trafics et les prises d'otages permettent à l'Aqmi d'établir des relations cordiales avec de hauts responsables maliens. D'autres officiers maliens venaient à l'occasion vendre des armes. «On peut se procurer une kalachnikov pour 60 000 dinars (algériens) et une mitrailleuse lourde pour 2 millions de dinars», a-t-il indiqué.