Le pasteur évangélique Terry Jones aura-t-il assez de cran pour brûler en public un exemplaire du Coran ? Dans la petite localité de Gainesville, en Floride, où il officie dans une église forte de… 50 fidèles, on ne doute pas qu'il passera à l'acte. Le pasteur est en effet connu pour ses positions franchement racistes et xénophobes à l'endroit de tout ce qui représente l'Islam et les Musulmans. Il ne s'en est d'ailleurs jamais caché puisqu'il a exprimé publiquement ses thèses dans un pamphlet au titre on ne peut provocateur «L'islam est le diable». Le pasteur Terry Jones explique son geste comme une forme de résistance au «colonialisme musulman en marche», une idée qui imprègne une bonne partie de l'opinion américaine depuis les attaques du 11 septembre 2001 dont elle sait qu'elles ont été planifiées par Al Qaïda d'Oussama Ben Laden et exécutées par des Arabes musulmans, en majorité de nationalité saoudienne. Un double sacrilège aux yeux du pasteur évangélique qui met à profit le débat passionné et toujours actuel sur la construction d'un complexe culturel musulman à proximité de «Ground Zero». L'occasion idéale sinon pour prendre la tête le mouvement d'opposition à ce projet urbain, du moins élargir – et de quelle façon – l'influence de sa modeste église qui compte, selon les chiffres avancées par la presse américaine, quelque 50 individus à peine. Inquiétudes militaires Mais depuis qu'il a proposé l'idée d'un autodafé du livre Saint en août, le pasteur Jones est pratiquement sorti de l'anonymat. S'il n'a pas encore l'aura d'une figure nationale et qu'il reste «marginal» jusqu'à présent, ses déclarations n'en inquiètent pas moins l'administration américaine qui redoute une flambée d'actes terroristes visant les intérêts des Etats-Unis partout dans le monde, y compris sur leur territoire. Eric Holder, ministre de la Justice, a estimé que le projet du leader du Dove World Outreach Center était «idiot et dangereux», rejoignant en cela les commentaires de la presse à grand tirage qui a fait remarquer, elle, que les lubies du pasteur risque d'envenimer le débat autour de Ground Zero et de rendre encore plus délicate la cohabitation des communautés religieuses musulmanes avec le reste des habitants. Les craintes viennent surtout des militaires américains opérant dans les zones de guerre à l'étranger. Mardi, le général Petraeus, qui dirige les troupes américaines déployées en Afghanistan, a fait part de son inquiétude face à la montée des intégrismes religieux dans son pays. Pour cet officier, brûler le Coran «serait inévitablement utilisé par les extrémistes en Afghanistan – et partout ailleurs dans le monde – pour enflammer l'opinion publique et inciter à la violence». Déjà harcelées par les francs-tireurs irakiens et afghans, les troupes américaines engagées à l'étranger seront des cibles parfaites pour des attentats particulièrement meurtriers. Les entreprises américaines également redoutent un retour de manivelle. Mais le radical Terry Jones ne veut absolument rien entendre. Il veut mettre à exécution ce qu'il a promis à ses fidèles, brûler des exemplaires du Coran, même s'il n'est pas autorisé à le faire. Aux officiels de son pays, il a dit simplement ceci : «Nous comprenons les inquiétudes du général (Petraeus, ndlr). Elles sont certainement légitimes. Mais nous voulons envoyer un message clair aux éléments radicaux de l'Islam. Nous ne nous laisserons plus contrôlés ni dominés par leurs menaces.»