Le blocage des APC est une de ces nombreuses singularités politiques algériennes, dont la responsabilité incombe non seulement aux élus qui les composent, mais aussi et surtout aux partis qui les parrainent et à l'Administration censée être garante du respect des lois de la République. Aux premiers, il est reproché leur insouciance quant au devenir de leurs concitoyens, aux seconds leur incapacité à proposer des solutions pour éviter que les Assemblées ne soient plus otages de considérations et calculs qui ne sont pas nécessairement dans l'intérêt de la collectivité. La dernière consultation électorale locale a mis en exergue la persistance de ce phénomène qu'aucun enjeu, fut-il majeur, ne justifie, d'autant que la commune est censée être l'instrument par lequel l'Etat administre les intérêts citoyens. La gestion des APC étant plus une contrainte qu'une gratification, on ne comprenait pas pourquoi, moins d'un mois après les élections du 27 décembre 2007, près de 500 APC étaient inopérantes alors qu'en parallèle, d'ambitieux programmes de développement, sollicitant la participation directe des communes, sont lancés par l'Etat ? Si on considère que le blocage a concerné le tiers des Assemblées communales que compte le pays - elles sont au nombre de 1541 -, une situation pareille ne peut s'expliquer autrement que par la défection organique des partis politiques et surtout leur inconséquence face aux véritables défis que doit relever l'Algérie. Autrement dit, leur première réaction aurait été d'imposer à leurs élus le respect de la discipline du parti et, à tout le moins, un comportement plus civique envers les administrés. En outre, «l'intransigeance» de certaines formations politiques majoritaires lors de la consultation de 2007 à vouloir imposer leurs militants à la tête des institutions de base de l'Etat ne peut être un argument suffisant pour justifier le blocage dont souffre, aujourd'hui encore, près de 31 communes dans 18 wilayas. Pour la tutelle, si la cause de ces blocages est à mettre au compte des «conflits d'intérêt» opposant les élus, issus il est vrai de formations politiques antagonistes, il est des solutions qui peuvent être tentées, à commencer par l'intermédiation des institutions hiérarchiques. Les walis peuvent intervenir en toute légalité pour remettre de l'ordre dans les APC et inciter au travail des élus dont la mission est, avant tout, de servir le citoyen en répondant à ses nombreuses doléances. Et Dieu sait si ces dernières ne pas nombreuses ! Après tout, un maire, de quelque obédience qu'il soit, est avant tout le représentant des citoyens de sa commune et non le porte-voix des militants de la formation politique dont il est issu. Plusieurs walis de la République ont eu à intervenir dans la gestion des conflits d'intérêt entre élus. De nombreux présidents d'APC et membres du conseil communal ont été suspendus, d'autres remplacés, juste parce qu'ils sont soupçonnés d'être impliqués dans quelques affaires délictuelles, parfois pour ne pas avoir prévu quelques troubles sur la voie publique. Le ministre de l'Intérieur peut arguer des poursuites judiciaires contre quelques élus ou le retrait de confiance à quelques autres pour expliquer le gel de certaines APC, mais cela ne diminue en rien ses responsabilités, en tant que tutelle, d'intervenir pour que ce genre de situation, unique dans les annales, ne fasse plus que des collectivités de plusieurs milliers de citoyens soient otages des sautes d'humeur de quelques édiles à l'ego démesuré, ou livrées à l'inconscience d'élus plus intéressés par améliorer leur situation matérielle qu'à défendre les intérêts de leurs concitoyens. Si on comprend aisément pourquoi la désignation des présidents et vice-présidents a pris des allures de batailles épiques, et pourquoi, aussi, la très juteuse commission des marchés attise toujours les convoitises, on comprend moins la passivité de la tutelle devant tous les débordements qui ont fait, aujourd'hui, que les élections communales soient synonymes de course pour l'enrichissement. Rapide et illicite.