L'entrepreneur d'Aghribs, Hand Slimana, 49 ans, qui a succombé vendredi à ses blessures, a été inhumé hier dans son village natal d'Imekhlef (Aghribs), à 40 km au nord-est de Tizi Ouzou, dans un climat on ne peut plus empli d'émotion et de consternation. Des milliers de citoyens «venus de toute la Kabylie», anonymes, amis et voisins ont tenu à apporter leur soutien à la famille du défunt. C'est le silence radio en revanche pour son cousin Omar, enlevé dimanche, qui est toujours entre les mains de ses ravisseurs. A l'appel de la cellule de crise, installée juste après le malheureux évènement, une marche «pacifique et silencieuse» est prévue demain à 10h à Fréha, suivie d'une grève de deux heures. Aghribs, très tôt samedi. Des centaines de citoyens affluaient à mesure que le temps passait. La nouvelle du décès d'Ahmed Slimana, père de famille entrepreneur en travaux publics, n'a laissé personne indifférent. La consternation se lisait sur les visages des villageois et des milliers d'autres citoyens qui affluaient de toutes parts, d'autant que la victime très appréciée du reste dans tout le arch des Ath Djennad et au-delà, comme en témoigne le premier responsable de la cellule de crise, qui n'est autre que le P/APC d'Aghribs, installé juste après l'attentat dont a été victime Hidouche, comme on l'appelle chez lui. Une procession de voitures, toutes se rendant au village Imekhlef, témoigne de l'estime dont jouit l'entrepreneur. Il fallait une parfaite organisation pour «maîtriser une telle situation», et le village natal de la victime qui s'est mobilisé comme un seul homme n'a pas failli à la réputation légendaire des archs kabyles en pareille occasion. Les membres du comité du village et d'autres nombreux citoyens, brassards noir au poignet «en signe de deuil», dirigeaient la marrée humaine et les centaines de voitures qui convergeaient vers le village Imekhlef. «C'est une double tristesse que nous subissons», nous dira le président de la commune d'Aghribs qui s'exprimait en tant que responsable de la cellule de crise et au nom de tous les villageois et de tous ceux qui nous soutiennent dans cette triste épreuve», rappelant que le cousin de la victime est toujours entre les mains de ses ravisseurs. La victime, un pilier de la région S'exprimant sur les jours qui ont suivi la blessure par balle de Hand Slimana et le kidnapping de son cousin Omar, 34 ans, père d'un enfant, le premier responsable de la localité d'Aghribs, la gorge nouée, a affirmé que la mobilisation citoyenne était spontanée. «Nous avons installé une cellule de crise le jour même de l'attentat. Le jour de l'Aïd El Adha, nous avons mené une caravane de sensibilisation. Plus de 500 voitures ont sillonné toute la région d'Iflissen à Azzefoun en passant par Timizart ou encore Fréha», dit-il, une action qui est aussi, selon lui, une manière d'appeler à la libération de Omar «car nous espérions que le jour de l'Aïd, fête musulmane, fête de la rahma, pouvait aider un tant soit peu à ramener ses ravisseurs à la raison». Les habitants du village Imekhlef n'ont effectué le rituel de l'Aïd (sacrifice du mouton) que le lendemain, «En signe de solidarité avec les familles des deux victimes», dira notre interlocuteur. «En plus, le cœur n'y était pas, et nos deux frères, l'un se débattait entre la vie et la mort, et l'autre toujours détenu par ses ravisseurs et dont on n'a pas de nouvelles», poursuit le P/APC d'Aghribs. La cellule de crise a décidé dans la foulée de lancer une marche pour la libération du jeune père de famille mais le décès «inattendu» de Hidouche Slimana, enterré hier, a repoussé cette dernière. «Nous espérions sincèrement que Hidouche était sorti d'affaire, mais c'est la volonté de Dieu», explique encore avec émotion l'élu local qui ne tarit pas d'éloges à propos de l'entrepreneur. «C'est un pilier de la région. Modeste et doté d'un esprit de solidarité sans faille, il a préféré investir chez lui et aider les jeunes de son village et des villages alentours. Il finance la waâda du village chaque année sans compter les divers dons qu'ils donne aux associations», témoigne le président de la commune. Un autre citoyen abonde dans le même sens : «Il nous poussait à travailler et proposait son aide à tout le monde.» 12h 30, la circulation devient de plus en plus difficile. C'est l'heure de la mise en terre. L'émotion est à son comble. Le cimetière du village pourtant vaste n'a pu contenir les milliers de personnes venues rendre un dernier hommage à la victime dont les qualités humaines sont indéniables. On se bousculait pour le voir une dernière fois. «Il faut que les enlèvements cessent en Kabylie» Cette émotion, ce «drame qui s'abat sur le village», n'a pas pour autant fait oublier et aux milliers de personnes présentes à l'enterrement et aux responsable du village que la vie d'un autre citoyen, le cousin de la victime, est en danger. Rappelant dans un message à tous les présents l'humanisme de Hidouche, le responsable de la cellule de crise a tenu à rappeler dans une courte intervention avant l'oraison funèbre que la solidarité doit rester de mise. «Unissons-nous main dans la main pour faire triompher la vérité et la vie.» Il appellera dans la foulée à une marche «pacifique et silencieuse» demain à Fréha, qui va s'ébranler du marché de la ville jusqu'à la place de l'APC. Un appel est lancé également en direction des transporteurs privés, priés de se mobiliser et de faire preuve de présence pour transporter les milliers de citoyens attendus «qui vont affluer de partout». «Il faut que ces enlèvements cessent en Kabylie», nous dira en aparté le P/APC. Interrogé sur d'éventuels contacts avec les ravisseurs ou encore d'une rançon demandée, le responsable est affirmatif : «Silence radio de ce côté là.» «Nous appelons aujourd'hui toutes les populations de la région à venir massivement nous soutenir demain», dit-il avant de préciser : «Des provocations et de l'intox sur de probables faux barrages ont circulé ici et là. On est des pacifistes, on va marcher silencieusement.» Il est à rappeler enfin que cet enlèvement est le 61e dans la région depuis seulement 4 ans. La pression et le sursaut d'orgueil citoyen ont triomphé dans certains de ces rapts. «C'était le cas notamment à Issenadjène (Iflissen), l'année dernière, et tout récemment à Boghni», avons-nous rappelé à notre interlocuteur. «C'est ce que nous espérons pour Omar», conclut-il.