Le président tunisien Zine El Abidine Ben Ali a quitté provisoirement le pouvoir. Le Premier ministre assurera l'intérim. L'annonce a été faite par le chef du gouvernement Mohammed Ghannouchi sur la télévision tunisienne. Ce dernier a fait endosser la responsabilité des évènements en Tunisie à la belle-famille du président tunisien, les Trabelsi, une famille qui a été critiquée pour ses interférences dans la vie du pays et les actes de corruption. Selon des sources, le président tunisien Ben Ali aurait quitté le pays pour se rendre à Malte, sous protection libyenne. La chaîne de télévision qatarie Al Jazeera a indiqué hier que l'armée a pris le pouvoir en annonçant le départ du locataire du palais de Carthage. La télévision publique tunisienne a également annoncé le même jour qu'un «événement très important» pour le peuple tunisien sera annoncé «très bientôt», mais aucune précision n'a été fournie concernant celui-ci. A la tête du pays depuis 1987, le chef de l'Etat tunisien avait prononcé jeudi soir un discours retransmis par la télévision d'Etat, dans lequel il a décidé de ne pas se porter candidat à l'élection de 2014 et de libérer le secteur des médias, invitant les Tunisiens à la paix et à des manifestations pacifiques, mais les principaux partis d'opposition ont riposté et insisté sur son départ. L'armée a pris le contrôle de l'aéroport international de TunisCarthage, alors que l'espace aérien a été fermé. Parallèlement, le chef du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT), Hamma Hammami, interpellé mercredi à son domicile, a été libéré. L'état d'urgence a été décrété dans tout le pays avec un couvre-feu de 18h à 6h, ainsi que l'interdiction des rassemblements sur la voie publique et l'autorisation donnée à l'armée et à la police de tirer sur tout «suspect» refusant d'obtempérer. Pour rappel, auparavant, le président tunisien avait limogé l'ensemble de son gouvernement. Situation confuse Dans la matinée d'hier, une journée où les compétitions sportives ont été reportées, des milliers de citoyens ont manifesté dans les rues de plusieurs villes du pays comme Sfax, Sidi Bouzid et Bizerte, selon des correspondants de médias sur place, pour exiger le «départ immédiat de Benali» dont l'allocution ne semble pas avoir répondu aux attentes des protestataires, notamment ceux qui ont perdu un membre de leur famille. Huit milliers de manifestants se sont massés hier devant le siège du ministère de l'Intérieur à Tunis pour réclamer la démission du président ben Ali, malgré ses promesses de la veille. Les manifestants scandaient des slogans hostiles au président : «Ben Ali, merci mais ça suffit». Des coups de feu ont été entendus et la police a fait usage de grenades lacrymogènes devant le ministère de l'Intérieur pour disperser des manifestants qui réclamaient la démission immédiate du président. «Ben Ali assassin !», scandaient des manifestants en quittant précipitamment les lieux, nombre d'entre eux ayant les yeux en larmes et du mal à reprendre leur souffle sous les effets du gaz. Des groupes de jeunes se sont mis à lancer des pierres en direction des forces de police, qui ont riposté en tirant davantage de grenades lacrymogènes. Si des observateurs analystes estiment que c'est là des décisions «difficiles» à satisfaire, certains espèrent que les promesses du président seront «le début de la sortie» de cettecrise sanglante. Emboîtant le pas à son chef d'Etat, Kamel Morjane, le ministre tunisien des affaires étrangères, n'écarte pas, dans une déclaration à une agence de presse, la constitution d'un gouvernement d'union nationale ainsi que l'organisation d'élections législatives anticipées avant 2014. Morjane a jugé possible la formation d'un gouvernement d'union nationale avec des représentants de l'opposition tels que Najib Chebbi, qui s'est félicité de la teneur du discours présidentiel. «Avec un homme comme Chebbi, je crois que c'est faisable et je pense que c'est tout à fait normal». Les promesses du président ont été suivies de scènes de liesse dans les rues de Tunis, malgré le couvre-feu décrété pour ramener le calme. Mais certains opposants restent sceptiques. Ainsi, le pouvoir tunisien qui ne veut nullement céder cherche à contenir les manifestations par tous les moyens et autres mesures, même les plus impossibles. Juste après la fin de l'allocution, la télévision publique «Tunis 7» habituellement exempte de toute critique à l'égard du pouvoir a paru transformée. Ainsi, elle a pour la première fois invité des personnalités comme l'opposant Taoufik Ayachi, le président de la Ligue des droits de l'homme Mokhtar Trifi et l'ancien leader du syndicat des journalistes Naji Baghouri. Un débat animé était engagé au sujet des médias tunisiens au cours duquel un intervenant a brisé un tabou en critiquant le pouvoir, alors que des appels ont été lancés pour la libération le chef du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT, non autorisé), Hamma Hammami, interpellé mercredi à son domicile près de Tunis. Ce changement était aussi perceptible sur internet, que les autorités tentaient auparavant de contrôler pour éviter la diffusion des images ou des mots d'ordre des contestataires. Les sites communautaires de partage de vidéos ont recommencé à fonctionner et les sites des journaux étaient à nouveau accessibles jeudi soir. Le site de blogueurs Nawaat.org, très en pointe sur les événements, confirmait vers 21h la levée de la censure.