Quand Rachid a lu, hier matin, dans le Temps d'Algérie que la Grande-Bretagne accordait chaque année 15000 visas aux Algériens, il n'y a pas cru tout de suite. Non pas qu'il soupçonne Martin Roper, l'ambassadeur du Royaume-Uni, dont il découvre le nom pour la première fois d'ailleurs, soit capable de mentir. Rachid sait, les Anglais ont la réputation d'être de rasants flegmatiques, pas des menteurs éhontés. Alors, il s'est dit qu'il n'y avait aucune raison pour que Son Excellence raconte n'importe quoi sur un sujet aussi sérieux. Quand il s'est résigné à accepter le chiffre, il s'est résigné dans la foulée au désespoir. Quinze mille visas chaque année, c'est grave de ne pas faire partie des «heureux élus». Oh, il sait que dans ce nombre sont comptabilisées quelques riches fantaisistes capables d'encore partir faire du tourisme au pays de la perfide Albion et de Jacques l'Eventreur. Y sont répertoriés également quelques vieux couples de hadjs et hadjas qui se font inviter pour quelques jours de détente par la progéniture installée depuis longtemps dans l'United Kingdom. Il y a, enfin, les étudiants. Boursiers de l'Etat, de la prospérité de papa ou de la débrouille, ils vont poursuive leurs études en Angleterre et un peu plus rarement dans les autres pays du royaume. Ils sont différents, les étudiants, mais ils partagent une chose : ils ne reviennent pas. Il y a enfin les «hommes d'affaires». On ne sait pas vraiment quelles affaires ils font là-bas mais ils obtiennent des visas. Mais l'addition des brebis galeuses ne fait pas un gros troupeau, c'est connu. Alors, la somme des vieux couples de hadjs et de hadjas, les étudiants, qui ne reviennent jamais, et les hommes d'affaires, dont on ne connaît pas la nature des affaires, ça ne fait pas beaucoup de monde, comparé à l'armée de ceux qui ne savent pas pourquoi ils veulent partir mais savent qu'il faut partir. Rachid sait qu'ils sont largement majoritaires parmi les quinze mille auxquels la Grande-Bretagne accorde le visa, et il n'est pas dans le lot, lui, qui a formulé une première demande il y a dix ans pour la renouveler après chaque refus. Ne trouvant pas de consolation pour atténuer son désespoir, il s'est dit qu'on peut être flegmatique et mentir. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir