Les chalets érigés pour des familles sinistrés à l'issue des catastrophes naturelles ou autres servent-ils après le relogement des sinistrés? Oui, si l'on tient compte des propos du premier ministre, Ahmed Ouyahia, il y a quelques années, annonçant que «les chalets bénéficieront, après le relogement de leurs occupants, à d'autres familles, en milieu rural notamment». Une virée effectuée aux chalets construits au lieu-dit «Draâ El Gandoul» à Dergana a permis de constater le décalage existant entre les dires et la réalité. Sur les lieux, le spectacle est désolant. Des ruines remplacent les dizaines de chalets érigés. «Les chalets ont été démontés et leurs composants pillés», nous dira Youcef, résidant dans une maison à quelques mètres de là. «Je viens d'empêcher un individu venu à bord d'un véhicule piller des chalets et prendre des matériaux le composant, mais je ne peux pas être tout le temps ici», ajoute-t-il. «Ceux qui pillent et volent les chalets s'intéressent aux panneaux sandwichs avec lesquels sont fabriqués leurs murs», selon Youcef qui explique que c'est une matière très demandée sur le marché parallèle. Des dizaines parmi les 120 chalets construits sur les lieux ont disparu. Il n'en reste que leurs sous-bassements en béton. Deux mères de famille en détresse Toutes les familles, sauf deux ont été relogées ailleurs depuis un mois et demi. Nous les avons rencontrées sur place. Souhila, divorcée et mère de deux enfants nous a indiqué : «Nous sommes deux familles non relogées et nous sommes restées ici parce que nous n'avons pas où aller». Elle n'a comme compagnie que Nadia et ses enfants. Cette dernière nous a expliqué qu'elle est de père marocain et de mère algérienne, originaire de Béjaïa. «J'ai la double nationalité algéro-marocaine et je galère depuis 1995, année durant laquelle le quartier Cervantès où j'habitais a été détruit par un séisme. Une décision a été délivrée par la circonscription administrative de Hussein-Dey à mon mari qui nous a abandonnés, moi et mes enfants, et je n'ai malheureusement pas été concernée par l'opération de relogement», dénonce-t-elle. «Moi, j'ai bénéficié de cinq jugements me permettant de rester dans le chalet que j'occupe avec mes enfants, mais je n'ai pas été concernée par l'opération de relogement», lance Nadia. Là où les chalets étaient installés, à Draâ El Gandoul, des détritus de toutes sortes jonchaient le sol avec des constituants de chalets démontés. «Des pilleurs viennent ici prendre des pièces composant les chalets et nous ne nous sentons pas en sécurité ; regardez ce qu'ils ont fait», diront Souhila et Nadia. «Nous avons été priées de quitter les lieux sans même avoir bénéficié de logements, comme les familles qui occupaient les chalets avec nous. Depuis, nos chalets n'ont plus de portes, et cela nous met en danger», nous ont dit les deux femmes. «Nous sommes même privées d'eau. Depuis que ce problème a surgi, je ne vais plus au travail de peur de ne pas retrouver le chalet que j'occupe», dira Souhila. «Ma fille, 12 ans, et mon fils, âgé de 14 ans, ne vont plus à l'école», dira pour sa part Nadia. La situation de ces familles ressemble, dans sa précarité, au spectacle désolant que donnent désormais les lieux. Un spectacle causé par l'abandon des lieux à des pillards de toutes sortes, dénonce Youcef. «Moi-même, j'ai déposé de nombreux dossiers de régularisation, et ce depuis les années 1970, pour la maison que nous occupons sur les lieux et, malgré les correspondances, jamais je n'ai obtenu gain de cause», ajoute-t-il. «Pour le pillage des chalets se trouvant comme vous le voyez à côté de ma maison, les dégâts matériels sont là pour témoigner de cette situation qui dure depuis un mois et demi», lance-t-il.