Des milliers de manifestants islamistes ont convergé hier vers le siège de l'Assemblée constituante à Tunis, où campent depuis trois jours des centaines de personnes dont de nombreux sympathisants de gauche. Les deux camps se faisaient face, séparés tant bien que mal par des barrières et des policiers, mais des altercations se sont produites et les insultes fusaient de part et d'autre. «On a gagné! La majorité est là», «Dégage !» «Allahou Akbar» scandaient les pro-islamistes, qui agitaient des drapeaux d'Ennahda (le parti islamiste vainqueur des élections), mais aussi pour certains des drapeaux noirs du Hizb Tahrir, le parti salafiste non légalisé en Tunisie. Plusieurs femmes en niqab manifestaient avec eux. En face, les «modernistes», minoritaires, criaient «Liberté, travail et dignité». Certains d'entre eux, en particulier des chômeurs de la région minière de Gafsa (centre) ont commencé un sit-in devant l'Assemblée depuis mercredi. «Nous sommes ici parce qu'il y a dans le pays des urgences sociales que l'Assemblée doit voir et régler», a déclaré Ines Ben Othman, désignée porte-parole des chômeurs. «Les gens qui ont été élus par le peuple doivent avoir une position claire, notamment sur ce qui se passe aujourd'hui», a-t-elle dit, affirmant que les participants au sit-in avaient été attaqués physiquement vendredi soir par des islamistes. Nourredine Bhiri, le porte-parole d'Ennahda – le parti a démenti être à l'origine du rassemblement islamiste – est allé parler aux manifestants pour tenter de calmer la tension. Ennahda, qui dirigera le prochain gouvernement, a été accusé, y compris par ses partenaires de gauche CPR et Ettakatol, de vouloir s'arroger les pleins pouvoirs.