Les efforts des pouvoirs publics pour maîtriser la demande et l'offre du logement risquent encore une fois d'être mis à l'épeuve par des réflexes qu'on croyait révolus ces dernières années. Les citoyens à Oran, qui saluent l'initiative de distribution d'arrêtés de pré-affectation entamée ces derniers jours, dénoncent de graves dérives qui risquent de discréditer l'opération. Ainsi, à Hassi Bounif, l'affichage de la liste de bénéficiaires des 400 logements sociaux a fait sortir de leurs gonds des demandeurs exclus de l'opération qui se regroupent depuis mardi dernier devant le siège de l'APC pour dénoncer ce qu'ils qualifient de graves dérives «qui ont fait que des individus qui ont bénéficié de logements et même d'aides de l'Etat, à Oran et ailleurs, se voient attribuer des logements. Parmi les bénéficiaires figurent certains qui ne sont nullement dans le besoin. Il existe même le propriétaire d'une ferme qui a une situation sociale des plus confortables». Les responsables de la daïra, qui ont invité les «recalés» à introduire des recours, affirment que tout a été fait pour assurer une distribution juste qui ne profite qu'aux demandeurs qui remplissent les critères. «Toutefois, nous sommes prêts à étudier tous les recours et à exclure les indus bénéficiaires», affirme un responsable de la daïra de Bir El-djir. Pour leur part, les habitants d'Edderb, qui sont sortis sur la voie publique pour fermer la place du 1er-Novembre, dénoncent les mêmes pratiques. «Le propriétaire d'un complexe touristique, très connu à Oran, qui n'est pas dans le besoin, a bénéficié d'une pré-affectation établie par les services du secteur urbain de Sidi El-Bachir. L'argument avancé par ceux qui ont cautionné cette attribution est qu'il est originaire du quartier et qu'il n'y habite plus depuis des années. «Ce n'est pas juste, il possède des biens à travers le pays et il se permet de profiter de logements destinés aux couches sociales défavorisées», affirment des citoyens rencontrés lors du sit-in observé mercredi dernier sur le parvis de l'Hôtel de ville. Des responsables de l'administration, qui affirment que les listes ne sont pas immuables et qu'elles peuvent connaître des changements, parlent pour leur part «de manipulation de la colère des exclus». «A Edderb, un repenti a tenté de jeter de l'huile sur le feu en tentant de faire monter la tension parmi les familles qui sont sorties dans la rue, et à Hassi Bounif, un individu bien connu, qui a bénéficié de plusieurs logements qu'il a revendus, poussait les citoyens à manifester violemment. C'est lui qui a incité les jeunes à fermer la route qui mène vers Oran», affirment les mêmes sources. Plusieurs citoyens que nous avons rencontrés partagent ce raisonnement mais précisent : «Nous attendons des pouvoirs publics des actions judiciaires contre ceux qui ont bénéficié de logements et d'aides de l'Etat par le passé et qui ont, grâce au clientélisme et au copinage, bénéficié d'arrêtés de pré-affectation. Les recours que nous avons introduits ne doivent pas servir de moyen pour faire baisser la tension, mais d'outil pour débusquer les indus bénéficiaires qui doivent être sanctionnés», affirment plusieurs habitants de Hassi Bounif. Mais en attendant, les efforts des pouvoirs publics risquent encore d'être dévoyés si des actions d'assainissement des listes de bénéficiaires ne sont pas concrètement menées.