Pourquoi attendre avec autant d'enfièvrement la nuit du doute, quand on ne doute de rien ? Ce n'est pas le genre de question qui attend spécialement une réponse. De toute façon, ce n'est pas important, puisque personne ne sait pourquoi il est pressé de savoir, puisqu'il saura demain. En attendant d'être fixé sur le jour du début du jeûne, c'est-à-dire vendredi ou samedi, on est au moins sûr que le jour du doute, c'est jeudi… soir ! Pour quelques heures de doute, on a déjà sorti toutes les certitudes. Il paraît que c'est cousu de fil blanc et que la «veille» de la vue du croissant lunaire n'est qu'une mise en scène. Tout aurait été décidé à l'avance, c'est vendredi. C'est pas une mauvaise idée de faire coïncider, même arbitrairement, le premier jour de Ramadhan sacré avec le jour sacré du vendredi, non ? Et puis le calendrier et la lune avec leur cycle naturel et leurs caprices, ça doit tourner drôlement avant que le premier jour du jeûne ne «tombe» le premier jour du week-end semi-universel. Il y a des trucs comme ça qui mettent des siècles et des siècles pour revenir, et d'autres, «théoriquement» censés n'arriver qu'une ou deux fois par ère géologique qu'on voit curieusement défiler comme des mois de juillet depuis quelque temps. Tenez, on pensait que les vendredi 13, c'est d'une rare rareté et voilà qu'ils se succèdent à une déroutante régularité depuis des années. A moins qu'on n'ait pas fait attention, ou fait semblant, comme pour conjurer le sort. C'est vrai que pendant longtemps, la certitude est qu'un vendredi 13 est forcément porteur de malheurs et qu'on recommandait même de rester à la maison quand le ciel nous en envoie un. Puis la «tendance s'est inversé. La nouvelle mode est maintenant aux vendredi 13 porteurs de toutes les promesses de prospérité. Le faste n'étant pas venu, on a eu la consolation de ne plus angoisser en pensant qu'un jour et un chiffre pouvaient précipiter la descente aux enfers, même si la vie n'est déjà pas si brillante sans ces croyances qui, curieusement s'installent rapidement comme des certitudes. A quelques jours du jour «J» incertain, on savait donc qu'on allait s'installer dans le doute un jeudi soir, mais on «savait» aussi que c'était «décidé» pour le premier jour. Week-end pour week-end, ce sera «certainement» samedi. Il y a moins de monde qui ne travaille pas et les commerces n'ont jamais pris en compte que samedi soit un jour de repos. En dehors du vendredi, tous les jours de la semaine se ressemblent. Et comme dans la rue, la semaine commence samedi, ce n'est pas une si mauvaise idée qu'on décide en haut lieu que c'est ce jour-là qu'il faut entamer le mois sacré. Vendredi ou samedi, on sait qu'on le saura jeudi soir mais il faut quand même en parler, surtout que le temps se rafraîchit et les délestages continuent. Sans télé et sans clim, on sort dans le parking ou on se met au balcon et on parle. Et comme si on pouvait avoir la réponse avant jeudi, on regarde le ciel et on interroge : finalement, c'est vendredi ou samedi ? Evidemment, il n'y a pas de réponse et ça ne dérange personne. Slimane Laouari