Le monde sportif a salué la victoire de Toufik Makhloufi dans le 1500m des Jeux olympiques de Londres. Le monde sportif mais pas les chaînes de télévision françaises qui ont montré presque de la haine pour ce succès. Surtout ce Bernard Faure, consultant sur France 2 et France 3 qui a réagi comme quelqu'un qui venait d'être poignardé. Alors que le commentateur Patrick Montel se laissait aller à décrire la chevauchée fantastique de l'Algérien, Bernard Faure répliquait : «C'est quoi, ça ? On dirait un finish à la Sebastian Coe. Regardez, ce n'est pas un coureur de 1500, c'est Michael Johnson dans un 400 mètres. Ecoutez, il gagne mais j'ai des doutes sur cette victoire.» Au même moment, sur la chaîne Eurosport, le consultant Stephane Caristan, ex-athlète du 110m haies, y est allé de son : «Je voudrais bien connaître la nationalité du médecin qui lui a délivré le certificat qui lui a permis d'être racheté par l'IAAF et de courir ce 1500m.» Plus tard dans la soirée, lors d'un débat sur France 3, le commentateur Patrick Montiel a fait part de doutes sur cette victoire, «surtout, a-t-il dit, la veille il avait fourni un certificat médical attestant qu'il était blessé.» Voilà donc ces télévisions françaises qui n'ont pas admis qu'un Algérien puisse remporter une médaille d'or. Elles devraient, pourtant, avoir de la reconnaissance pour ce pays puisque le seul médaillé en athlétisme pour la France, pour le moment n'est autre que Mahieddine-Mekhissi, un Algérien d'origine. Comme elles devraient être reconnaissantes à notre pays pour la victoire de leur équipe nationale de football en Coupe du monde en 1998 grâce à deux buts inscrits par Zineddine Zidane, un autre fils de l'immigration algérienne. Et si en ce moment elle s'extasie en football pour un certain Karim Benzema, avant-centre du célèbre Real Madrid et de l'équipe de France, il ne faudrait pas qu'elles oublient qu'il a un nom et un prénom bien algériens. Les Français ont jusqu'à présent remporté 28 médailles à Londres dont 8 en or. Il n'est venu à aucun algérien de mettre en doute le mérite d'un tel palmarès. Ils ont gagné, point barre. La suite viendra plus tard. Si ça passe c'est bon. Si ça casse alors tant pis. Des champions surpris pour dopage il y en a eu et il continuera à y enavoir. Seulement, tant qu'il n'y a rien de concret, il faut se garder de tout extrémisme comme le fait ce Bernard Faure qui semblait catastrophé que les Kenyans n'aient pas gagné ce 1500m. Quand quelques jours plus tôt nous avons vu un certain Yannick Agnel venir de l'impossible épingler les intouchables américains dans le dernier relais du 4x100m nage libre, il n'est venu l'idée à personne de douter de cette performance. Bernard Faure devrait nous expliquer le pourquoi de cet exploit d'Agnel comme il devrait nous expliquer comment un Français du nom de Florent Manaudou, pratiquement repêché pour participer à la finale du 50m nage libre, a pu remporter l'or de cette course. Bernard Faure est surpris de la performance de Makhloufi ? Cet athlète n'est pourtant pas sorti de l'inconnu. Il se trouve que le 1500 m se cherche un champion depuis des lustres. Il n'y avait pas un athlète qui le dominait régulièrement. Avant de venir à Londres, Makhloufi avait réalisé 3 :30.80 au 1500m du meeting de Monaco le 27 juillet dernier. C'était la 5e performance mondiale de la saison, c'est-à-dire un temps qui faisait de lui un potentiel médaillé, pour peu qu'il reste dans cette forme. Quoi de plus normal alors qu'il se soit montré aussi performant lors des Jeux ? Cela arrive comme cela arrive que des athlètes très forts passent complètement à côté de leur sujet le jour d'une finale comme l'ont fait les Kenyans. En 1972, aux Jeux olympiques de Munich, le monde avait été surpris de voir un coureur américain sur 800m du nom de Dave Wottle qui avait réalisé de très bons temps juste avant les Jeux. Il était allé à Munich et avait battu tout le monde, même le grand favori, le Russe Arzanov. Personne alors n'avait crié au scandale comme le fait aujourd'hui Bernard Faure pour la victoire de Makhloufi. Il n'y a d'ailleurs que les télévisions françaises à se plaindre au cours de ces Jeux. Quand ce sont les athlètes de leur pays qui gagnent, tout va bien, mais lorsque ce sont les autres qui alignent les succès, alors là elles ruent dans les brancards. Comme en cyclisme par exemple où elles émettent des doutes sur toutes les victoires des Britanniques.Quant à Stephane Caristan qui voudrait connaître la nationalité du médecin qui a délivré le certificat à Makhloufi, il devrait s'inspirer de la réflexion de son ex- collègue de l'équipe de France d'athlétisme, la sauteuse en hauteur Maryse Ewanje-Epée. Consultante sur Radio Monte Carlo, elle s'est exprimée sur l'exclusion temporaire des Jeux de Makhloufi. «A partir du moment où Makhloufi a été inscrit sur deux épreuves, il est obligé de courir, a-t-elle déclaré. Si vous ne prenez pas le départ du 800m, vous n'êtes pas autorisé à courir le 1500m. Il a pris le départ et s'est arrêté. Ça arrive dans toutes les épreuves. On l'a vu depuis des lustres sur 100 et 200m. Dans ces disciplines, on n'a jamais vu une exclusion. C'est la première fois que je vois un athlète suspendu par l'IAAF alors que cela se fait sur toutes les autres courses. Je n'ai pas d'explications. Personnellement, je trouve cela choquant. Il peut être exclu du village olympique pour non-sportivité. Dans ces cas-là, on peut exclure tous les athlètes qui ne donnent pas le meilleur d'eux-mêmes. Nous sommes dans une aberration incroyable. Makhloufi s'est arrêté volontairement mais il n'avait pas le choix. C'est impossible de faire le 800m et le 1500 en même temps aux Jeux Olympiques. Vous ne pouvez pas.»