La revue scientifique britannique "The Lancet" souligne la nécessité de reconstruire le système de santé de Ghaza en mettant l'accent sur la viabilité à long terme, l'autonomie et l'équité, en allant au-delà de l'aide d'urgence temporaire pour réparer les faiblesses systémiques. Dans un article publié récemment dans cette revue, Alaha Nasari, de l'université de Harvard, Sammer Marzouk, de l'université de Northwestern, et Mads Gilbert, de l'hôpital universitaire de Norvège du Nord, affirment que le cessez-le-feu actuel à Ghaza "offre une occasion unique de redéfinir le système de santé de la région". "C'est le moment de faire plus que de reconstruire, c'est le moment de créer quelque chose de plus fort, de plus juste et de vraiment durable", soutiennent-ils. Les auteurs de l'article appellent à la mise en place d'une infrastructure de santé "résiliente, équitable et autonome, capable de résister aux crises futures et de réduire la dépendance à l'égard de l'aide extérieure". Ils rappellent, à ce titre, que plus de "90 % des maisons, des écoles et des hôpitaux de Ghaza ont été détruits et que le personnel médical a été déplacé, arrêté ou tué", ajoutant que "l'aide d'urgence temporaire ne peut pas compenser les faiblesses structurelles qui définissent depuis longtemps le secteur de la santé à Ghaza". Au lieu de cela, "l'accent doit être mis sur la création d'un système qui donne la priorité à la durabilité et à l'indépendance", ont-ils plaidé. Relevant que les organisations d'aide internationale ont déployé des plans d'intervention immédiate axés sur les soins de traumatologie, le rétablissement des soins de santé primaires et le soutien à la santé mentale, les auteurs avertissent que "les conflits passés ont montré que l'aide d'urgence seule ne se traduit pas par un développement durable du système de santé et qu'elle a souvent échoué à traiter les causes profondes de l'instabilité des soins de santé". L'un des principaux problèmes mis en évidence dans cet article est la dépendance historique de Ghaza à l'égard de l'aide extérieure en matière de financement, de fournitures médicales et d'orientation vers des soins spécialisés. Les auteurs soulignent que "le blocus, les restrictions de circulation et le sous-financement systémique ont eu pour effet de fragiliser les soins de santé à Ghaza, même en période de paix relative". Pour y remédier, ils appellent à "une meilleure formation médicale locale, à la fabrication de médicaments et d'équipements essentiels dans la région et à la mise en place d'infrastructures capables de résister à de futures crises". Alors que la destruction des infrastructures médicales a touché de manière disproportionnée les populations vulnérables, notamment les femmes, les enfants et les personnes souffrant de maladies chroniques, les auteurs plaident en faveur de "modèles de soins de santé communautaires qui donnent la priorité à la médecine préventive et à la décentralisation des soins, réduisant ainsi la charge qui pèse sur les hôpitaux centralisés". Les soins de santé mentale sont également considérés, par les auteurs de l'article, comme une composante essentielle de la reconstruction du système de santé, soulignant que les services de santé mentale doivent être intégrés dans les soins primaires afin d'assurer un rétablissement sociétal à long terme, plutôt que d'être traités comme une préoccupation auxiliaire. Les auteurs appellent les acteurs internationaux à aller au-delà de l'aide financière et à plaider en faveur de conditions politiques permettant la souveraineté en matière de santé à Ghaza. "Sans la levée des restrictions sur les importations médicales, sans la garantie d'un passage sûr pour le personnel médical et sans l'établissement de voies pour la gouvernance locale de la politique de santé, tout effort de reconstruction restera précaire", avertissent-ils.