La démocratie n'a pas peut-être enregistré d'avancée significative depuis... les dernières élections législatives mais il n'est pas difficile de constater qu'elle n'a pas reculé, non plus ! Alors, quand le leader du Front pour la justice et le développement, Abdallah Djaballah, déclare que son parti n'ira pas aux élections locales, on se demande ce qui a bien pu changer entre le printemps et l'automne. Bien sûr, dans l'absolu, un parti a tout à fait le droit de ne pas prendre part à une compétition politique. Il n'a même pas besoin de s'en expliquer, sauf devant ses militants. Beaucoup d'entre eux savent, par-dessus des ambitions personnelles, que le boycott peut contrarier et les avis politiques qui peuvent diverger, qu'un parti, c'est fait pour aller aux élections où descendre dans la rue. Ce n'est donc pas tant la décision de participer ou non aux élections qui attire l'attention chez une formation politique mais les arguments par lesquels ses dirigeants l'expliquent. Dans le cas précis, Djaballah a bien dit que la décision a été prise par le conseil consultatif (majliss echoura) «après un large débat» au sein des structures de base mais on connaît suffisamment le mode de fonctionnement de nos partis et leur niveau de démocratie interne pour ne pas en sourire. Voyons donc les arguments d'Abdallah Djaballah. D'abord le «monopole de l'organisation et de la supervision des élections par l'administration et la justice, et le rejet des appels à les confier à une instance nationale indépendante». Si le FJD avait formulé ces «appels» avant les législatives et qu'ils seraient rejetés, on aurait aimé pourquoi M. Djaballah a participé à ces élections qu'il a même promis de gagner haut la main. Par contre s'il les a formulés entre les deux rendez-vous, il doit bien expliquer à ses militants et à l'opinion pourquoi il a attendu jusqu'à l'orée des locales pour le faire, surtout que dans la foulée, il déclare qu'il n'y participera pas. Ce qui érode sensiblement la crédibilité de son argumentaire. On aurait peut-être compris ou tout au moins on lui aurait accordé le bénéfice du doute si les deux rendez-vous étaient chronologiquement inversés, la préférence des législatives au sein de l'ensemble de la classe politique étant depuis longtemps consacrée. Et c'est sans doute sur ce terrain-là qu'il faut aller chercher l'explication de la décision de Djaballah d'aller aux élections communales et wilayales. Quand on a subi un revers si cuisant dans une compétition qu'ont peut intégrer avec un minimum de troupes, il est difficile de tenter de s'en remettre dans une autre élection autrement plus exigeante, plus problématique et... moins rentable si on n'entrevoit pas un score suffisant pour vous préparer à la belle des belles. Finalement, il s'agit pour le leader du FJD, qu'on ne peut pas soupçonner de mettre son ambition personnelle en veilleuse, de se préparer dans les meilleures conditions possibles aux présidentielles. En «zappant» les locales, il se met à l'abri d'un autre revers, quasiment mortel, et se replace dans une logique de confrontation, toujours porteuse dans ses calculs. D'ici là, la démocratie n'aura peut-être ni avancé, ni reculé. Mais comme ce sera encore le conseil consultatif qui va prendre la décision de participer et désigner Djaballah comme candidat, il n'aura pas besoin de donner d'explication. Surtout que personne ne lui en a vraiment demandé. [email protected]