Les coupes budgétaires automatiques qui entraient en vigueur vendredi soir aux Etats-Unis frappent principalement le département de la Défense, le forçant à réduire la voilure de façon arbitraire au risque de compromettre la sécurité du pays selon ses responsables. Ces coupes, d'une ampleur de 46 milliards de dollars sur les 85 milliards amputés pour l'ensemble du gouvernement fédéral, n'affecteront pas les hommes en uniforme, dont la solde et les bénéfices sociaux sont protégés. Mais elles vont durement affecter leur entraînement, la maintenance de leur équipement et, surtout, vont conduire à partir du mois d'avril à des mesures de chômage partiel pour les quelque 800.000 employés civils du Pentagone. Ces derniers perdront l'équivalent de 20% de leur salaire entre avril et septembre si aucun accord n'est trouvé d'ici là entre la Maison Blanche et le Congrès. Ces coupes représentent près de 8% des quelque 614 milliards de dollars prévus pour le Pentagone pour l'exercice budgétaire 2013, qui court d'octobre 2012 à septembre 2013. Le budget n'ayant toujours pas été approuvé, il opère comme le reste des ministères sur une loi de financement ponctuelle qui arrive à échéance le 27 mars et lui interdit de ventiler les dépenses comme il l'entend. Et comme certains postes budgétaires sont protégés des amputations --comme la solde des militaires ou les dépenses liées au conflit afghan-- les coupes se concentrent sur ce qui est possible. La Marine prévoit ainsi de réduire le nombre de jours en mer de ses navires de 30 à 35% et d'annuler la maintenance d'une trentaine de ses 285 navires. Le déploiement d'un porte-avions dans le Golfe a d'ores et déjà été reporté de plusieurs mois. "Castration budgétaire" L'armée de Terre devra "drastiquement" réduire l'entraînement de 80% de ses unités de combat, selon son chef, le général Ray Odierno. Quant à l'armée de l'Air, ce sont 200.000 heures de vol qui partiront en fumée. "Si vous arrêtez de vous entraîner quand vous êtes pilote, alors vous perdez votre qualification et vous ne pouvez plus voler, simplement parce qu'on ne vous y autorise plus par sécurité. Ensuite, il faut reprendre un long processus de re-qualification avant d'être à nouveau opérationnel", a expliqué vendredi le secrétaire adjoint à la Défense, Ash Carter. Pour le nouveau chef du Pentagone, Chuck Hagel, les choses sont "claires": "cette incertitude menace notre capacité à remplir efficacement l'ensemble de nos missions". Mais quand son prédécesseur Leon Panetta n'hésitait pas à comparer les coupes automatiques à une "castration budgétaire" du Pentagone, Chuck Hagel se montre moins alarmiste. "J'ai confiance dans le président et dans le Congrès qu'ils trouveront un consensus pour éviter d'immenses dégâts" à la Défense, a-t-il affirmé vendredi au surlendemain de sa prise de fonctions. Car si les coupes automatiques débutent vendredi, leurs effets ne vont se faire sentir que "graduellement", explique Gordon Adams, professeur à l'American University. Les coupes vont "créer le bazar mais je ne dirais pas que c'est une catastrophe. Ce n'est pas l'ampleur des coupes qui pose problème mais c'est leur brutalité et leur manque de flexibilité", estime de son côté Todd Harrison, expert du Center for Strategic and Budgetary Assessments. Quant à ceux qui s'inquiètent d'avoir "une armée plus faible", Lawrence Korb, professeur adjoint à la Georgetown University, répond que "même avec la réduction automatique des dépenses, (...) on peut travailler sans que cela ait un impact sur notre aptitude à être prêts à répondre aux menaces auxquelles nous sommes confrontés".